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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 24 novembre 2017

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Chasse à l'ours à Buenos Aires

En Argentine, les liens entre le monde du football et les infra-mondes interconnectés de la sécurité privée, du narco-trafic et des gros bras de la politique alimentent fréquemment la rubrique des faits divers sanglants.

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En Argentine, les liens entre le monde du football et les infra-mondes interconnectés de la sécurité privée, du narco-trafic et des gros bras de la politique alimentent fréquemment la rubrique des faits divers sanglants.

1°) Les liens avec la politique:

Les politiciens argentins utilisent volontiers la délirante passion nationale du football pour construire  et renforcer leur popularité. Macri fut président du CABJ (Club Atletico de Boca Juniors) bien avant de devenir celui de la RA (République Argentine). Anibal Fernandez fut membre de la direction du club de Quilmes, et l'on pourrait multiplier les exemples.

Les groupes de supporteurs les plus acharnés et les plus violents sont appelés « barrabravas » et on peut les comparer aux pas si lointains « ultras » et autres garçons agités de la tribune Boulogne du PSG ou du Virage Sud de l'OM ou encore aux groupes de houligans racistes et fascistes qui s'affrontent périodiquement dans les championnats anglais ou italiens.

Ces groupes sont également utilisés comme main d'oeuvre temporaire pour coller des affiches et intimider les adversaires lors des campagnes électorales.

2°) Les liens avec le trafic de drogue:

Le procès de la bande de narco-traficants appelés « los Monos » (les singes) qui régnèrent pendant des années sur le commerce de la drogue à Rosario vient de s'ouvrir (sur les vingt-cinq accusés, treize sont des policiers... mais il manque encore à ce tableau de famille bien des commerçants et banquiers peu scrupuleux, des politiciens corrompus, en particulier ceux de l'époque de la gestion du gouverneur péroniste Obeid, et surtout quelques juges et procureurs complaisants).

Dans un ouvrage éponyme, brouillon et répétitif mais instructif, deux journalistes d'investigation qui ont suivi depuis une dizaine d'années les sanglants conflits territoriaux entre Les Monos et d'autres bandes pour le contrôle du narco-trafic dans la « Nouvelle Chicago » (surnom de Rosario dans les années 20, à la grande époque de la « traite des blanches » décrite par Albert Londres dans Les Chemins de Buenos Aires) évoquent les manoeuvres des Monos pour pénétrer et contrôler les groupes de supporteurs de Newell's et de Rosario Central, les deux clubs de première division de la ville, qu'ils considéraient à la fois comme une source de clients pour leur petit commerce et comme un moyen d'accroître leur prestige dans les quartiers populaires (cette visibilité sociale accrue a fini par causer leur perte; ils ont négligé le sage proverbe: « pour vivre heureux, vivons cachés »).

3°) Les liens avec la sécurité privée:

Cette semaine, la chasse à l'ours a fait une nouvelle victime, non pas dans les Pyrénées, mais à Claypole, dans la banlieue de Buenos Aires. En effet, un ancien numéro deux de la « barrabrava » de Boca surnommé El Oso (l'ours) a été abattu de huit balles de 9 mm tirées à travers la porte de l'appartement où il vivait avec sa mère. Ce gentil garçon à sa maman avait été autrefois condamné à trois ans et quelques mois de prison pour des violences commises dans l'exercice de ses anciennes « fonctions » au sein du fameux club jaune et bleu.

Il était devenu par la suite un membre reconnu du syndicat des videurs de boîtes de nuit (car en Argentine, tout corps de métier possède son syndicat corporatif, c'est un des acquis sociaux du premier péronisme) et un salarié du secteur de la sécurité privée. C'est une activité très florissante où l'on sait reconnaître les compétences et où ne fait pas la fine bouche devant les CV des candidats, y compris en recyclant tous les flics pourris qui se sont fait virer de la police fédérale ou provinciale. J'ai un peu évoqué cette fraction de l'infra-monde portègne et ses liens avec l'extrême-droite locale dans mon troisième roman (pas encore publié) Cette Nuit à Buenos Aires.

L'ours qui nous occupe ici travaillait également dans le recouvrement de dettes pour le compte des « mesas de dinero », avec sans doute des modes d'action aussi énergiques et expéditifs que ceux qui lui avaient valu d'être distingué parmi ses pairs, les autres brutes épaisses du football portègne.
Ces « mesas de dinero » (tables d'argent liquide) sont des structures financières parallèles qui facilitent la circulation des fonds de provenances variées (et avariées...) qui irriguent la City de Buenos Aires.

La police envisage fort judicieusement l'hypothèse d'un règlement de compte, car le tueur aurait précisé en déchargeant son arme qu'il agissait « de la part de Marcello ». Il ne reste donc plus aux fins limiers de la Bonaerense et éventuellement de la Police Fédérale qu'à retrouver de quel Marcello il peut bien s'agir...

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