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Michel DELARCHE

retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 27 février 2016

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Un éléphant ça Trump énormément...

La déliquescence obscurantiste et réactionnaire du Parti Républicain ouvre un boulevard à Trump, qui est d'ailleurs le plus lucide de tous les principaux candidats du point de vue des affaires internationales (B. Sanders excepté, mais ce dernier n'a à mon avis aucune chance de battre H. Clinton)

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Je pense que Trump a désormais des chances non négligeables de remporter les Primaires Républicaines et ensuite l'élection présidentielle.

Ses discours outranciers vis-à-vis des Mexicains et des musulmans, qui ont monopolisé l'attention des commentateurs, jouent en fait un double rôle stratégique et tactique:

- en terme de positionnement stratégique, Trump représente désormais le mieux une certaine Droite "décomplexée" qui chez nous voterait Le Pen et attire de ce fait les suffrages d'un électorat républicain populaire blanc qui est rongé par l'angoisse du déclassement et la montée des inégalités et de la précarité: n'oublions pas qu'aux USA comme chez nous, 40% de l'électorat populaire ouvrier et employé vote structurellement à Droite pour diverses raisons idéologiques (religiosité, anti-communisme, appétence pour le simplisme autoritaire, anti-intellectualisme...) ; or aux USA, contrairement aux pays européens, il n'y a pas de "cordon sanitaire" séparant la droite de gouvernement de l'extrême-droite: l'électeur républicain moyen d'aujourd'hui se reconnaîtrait d'ailleurs assez bien dans un compositage de Marine Le Pen (pour sa posture protectionniste et anti-establishment) et de sa nièce (pour la dimension sociologique de son traditionnalisme religieux) ;

- d'un point de vue tactique, les provocations de Trump reprisent en boucle par les médias lui assurent une énorme publicité gratuite: il est de tous les candidats celui qui a dépensé le moins d'argent pour sa campagne (ce qui pourra d'ailleurs lui nuire dans les grands États où il est important de disposer d'un appareil capable de faire du ratissage de terrain). Si l'on compare les centaines de millions de dollars dépensés par Jeb Bush avant son piteux retrait aux sommes minimes engagées par Trump, le ratio voix obtenues / dépenses effectuées montre que Trump est de loin le candidat le plus efficient.

Mais on se tromperait si on limitait l'attrait qu'exerce Trump à cette mayonnaise médiatique mêlant xénophobie et isolationnisme.

En syntonie avec le mythe du rêve américain, Trump propose à son électorat une sortie "par le haut" du marasme socio-économique actuel. Pour autant qu'il ait un programme économique, il s'agit d'un mélange de keynésianisme New Deal (grands travaux publics) et de retour au protectionnisme économique et à l'isolationnisme géopolitique. En gros, il s'agit de relancer la croissance sans envisager de redistribution des revenus. C'est à mon avis utopique, mais c'est le genre d'utopie qui en Amérique gagne sur tous les tableaux: redonner des perspectives de croissance et d'emploi aux couches populaires sans effaroucher les classes moyennes par un discours redistributif (on commence par prendre de l'argent aux 1%, et après aux 10%, et après on ne sait plus quand ça s'arrête, c'est bien connu...)

D'autre part, par-delà ses discours xénophobes et anti-musulmans, son attitude en matière de relations internationales est en réalité nettement plus raisonnable que celle de ses rivaux de la primaire (en particulier les culs-bénis fanatiques et obscurantistes que sont Cruz, Rubio et Carson, Kasich étant le seul "modéré" de la bande, pour autant que cela veuille encore dire quelque chose aujourd'hui dans ce Parti Républicain qui n'a plus rien à voir avec A. Lincoln).

Trump propose en particulier d'adopter une attitude plus équilibrée (c'est-à-dire moins outrageusement pro-israélienne) au Proche-Orient et aussi dans les relations avec la Russie.

Là encore, par contraste non seulement avec ses rivaux directs mais aussi avec H. Clinton il exerce un puissant attrait sur une population américaine qui souffre d'un syndrome de "fatigue impériale" et qui aspire à réduire le rôle géopolitique des USA.

Enfin la position tonitruante (appel au boycott) qu'il a prise à l'encontre d'Apple dans le conflit qui oppose cette firme au FBI va encore renforcer son image d'homme décidé à briser tous les obstacles y compris ceux que les arrogantes multinationales californiennes prétendent dresser à l'encontre de la grande cause nationale qu'est la lutte anti-terroriste.

Bref, Trump n'est pas l'idiot délirant que certains nous dépeignent, mais un politicien sans scrupules, habile et pragmatique. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas dangereux:  les éléments "nationaux-populaires" de son discours se combinent à une avidité de pouvoir, un cynisme absolu et une démagogie sans limites pour en faire une sorte de Peron nord-américain du XXIème siècle, ce qui n'a rien de rassurant pour les USA ni pour le reste du monde.

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