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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 28 août 2014

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Argentine: un point rapide sur la situation politique

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Rentré à Paris depuis une semaine, je trouve enfin le temps de vous faire part de ma perception présente, nourrie par de nombreuses lectures et discussions sur place, mais qui reste néanmoins subjective et personnelle. Comme souvent, j'essaierai de fournir des parallèles approximatifs avec les acteurs politiques français pour les lecteurs peu familiers du paysage politico-économique argentin.

L'Argentine se retrouve aujourd'hui dans une situation politico-économique qui revient environ tous les 10-12 ans (comme les pics de l'activité solaire): la phase finale de montée culminant en stagnation d'un cycle de "boom and bust" (en près de 30 ans de fréquentation de ce pays, j'ai déjà connu 3 cycles de ce genre, je ne suis donc pas vraiment surpris).

À chaque fois, la fragilité financière d'un pays positionné trop en amont dans la Division Internationale du Travail (producteur de matières premières pour le marché mondial) et aux infrastructures productives trop fragiles revient sur le devant de la scène. En 1988-89 ce fut l'hyper-inflation qui détruisit l'Austral (le nom de la monnaie d'alors), en 2001-2002 l'effondrement du peso-dollar, et cette fois-ci c'est l'accélération de l'inflation (30-35% par an) la divergence tout aussi incontrôlable entre cours officiel du dollar et dollar "bleu" (comme chacun sait, les dollars sont des billets verts et l'humour argentin a inventé le qualificatif de "dolar blue" pour qualifier ces dollars parallèles sans existence officielle mais auxquels tout le monde se réfère).

Contrairement aux crises précédentes dont la responsabilité revenait aux politiciens de la droite et du centre-droit (radicaux de l'UCR et péronistes néo-libéraux), c'est présentement l'aile sociale du péronisme qui dirige le pays. J'ai déjà expliqué dans des billets antérieurs en quoi je considère que, malgré les apparences soutenues par la propagande (la sienne et celle des ses adversaires) le kirchnérisme dans sa configuration institutionnelle (le Front pour la Victoire ou FPV) n'est pas un pur et simple retour à l'évitisme des années 50, mais l'embryon d'une reconfiguration post-péroniste de la politique argentine (en particulier à travers l'instauration des PASO, élections primaires institutionalisées)

La présidente Cristina Fernandez ne pouvant se représenter, le choix du candidat FPV devient crucial, car quoi qu'en dise les "experts" électoraux de droite qui prennent leurs désirs pour des réalités, un second tour mettant face à face un péroniste de droite (le plus probable étant Massa) et un autre tenant de la Droite (Macri ou un autre) est moins probable qu'un face-à-face Le Pen - Sarkozy (ou Le Pen-Juppé) en 2017...

Le FPV conserve (en particulier dans le grand Buenos Aires) un socle minimal d'environ 30% des voix (score obtenu aux élections de mi-mandat en 2009, qui ont été, comme partout où elles ont lieu, défavorables au pouvoir en place). Ses opposants se divisent entre péronisme (Frente Renovador ou FR), droite libérale (PRO) et centre-gauche (UNEN)

Ces dernières semaines, l'UNEN est soumise à de fortes tensions car du fait de la faible probabilité pour son candidat (ils sont actuellement plusieurs, et se départageront dans les PASO) de parvenir au second tour certains dont la figure de proue est Elisa Carrio (que j'ai décrite par ailleurs comme un hybride de Ségolène Royal et de Christine Boutin et qui conformément à ses habitudes se révèle n'être dangereuse que pour ses alliés) mais qui sont surtout les caciques locaux de l'UCR, envisagent déjà le coup d'après et envisagent à voix plus ou moins haute une alliance (a priori contre nature) avec le PRO de Macri pour essayer de triompher des péronistes.

Les sondages donnent actuellement Massa en tête; comme la campagne officielle n'a pas encore démarré il ne s'agit que d'une "note de gueule" mais qui montre que Scioli (l'apparatchik qui dirige la province de Buenos Aires et qui est présentement la tête de gondole putative du FPV) n'enthousiasme pas les foules; Scioli est une sorte de Hollande Argentin: un expert en langue de bois et en indécision chronique (sauf quand il s'agit de prendre au pied levé des mesures sécuritaires pour limiter l'influence de Massa) il risque néanmoins d'être, faute de mieux, le candidat par défaut du FPV. Cordialement détesté par l'aile gauche du FPV, il peine à attirer au centre, car sa gestion peu efficiente de la province ne parle pas en sa faveur pour la direction du pays, malgré ses efforts pour se présenter comme un gestionnaire sérieux et idéologiquement modéré.

Massa est une sorte de Sarkozy local (mais d'après un de mes interlocuteurs argentins, Sarkozy donne l'impression d'un puits de culture quand on le compare à Massa: au royaume des aveugles...) ; il a contre lui son opportunisme, son manque d'expérience de la gestion (il ne gère que la commune résidentielle de Tigre) et son manque d'ancrage national, aussi se démène-t-il actuellement pour draguer à la fois les gouverneurs de l'UCR et les caudillos péronistes anti-K (De La Sota, Rodriguez Saa etc).

Macri rêve de second tour, mais faute de dimension nationale de son mouvement (trop exclusivement portègne et positionné trop à droite) il part également à la conquête des notables de l'UCR. L'UCR a le cul entre deux chaises car ils sont alliés à Macri dans certaines provinces et aux socialistes à Santa Fe. Ricardo Alfonsin (fils de l'ancien président) est donc une sorte de Bayrou: un centriste qui essaie de jouer le rôle de faiseur de roi à défaut de pouvoir coiffer lui-même la couronne, et ce flottement de l'UCR se reflète dans les déchirements de l'UNEN.

Il y a aussi quelques dinosaures de droite (issus des syndicats péronistes "canal historique" les plus corrompus) ou de "gauche" (paléo-trotskistes et paléo-maoïstes) dont les scores sont voués à rester négligeables (3 à 5% des voix de chaque côté).

Bref, avec des traditions différentes, les jeux politiques argentins ressemblent beaucoup aux nôtres...

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