Lors de la renégociation de la dette argentine par Nestor Kirchner après l'explosion sociale de 2001-2002, de nouveaux titres de dette avaient été émis à une échéance à vingt ans qui paraissait alors lointaine: 2024...
Les échéances arrivent et les engagements de remboursement risquent de ne pouvoir être honorés: l'obsession monétariste de Milei a réduit l'inflation dans une fourchette de 4 à 5% mensuels (ce qui était en fait son rythme de croisière sous le gouvernement précédent) après l'avoir faite flamber au début de son mandat par une dévaluation massive, mais cela s'est réalisé au prix d'une énorme récession: 6% de chute du PIB en 3 trimestres et une réduction encore plus élevée de la consommation des ménages (les retraités ont perdu 30% de pouvoir d'achat depuis l'arrivée au pouvoir de Milei).
Cette récession ampute les rentrées fiscales (à commencer par la TVA) ce qui rend l'objectif d'équilibre fiscal impossible à tenir, d'autant plus que le secteur agro-industriel refuse de liquider ses stocks de soja et de maïs (il y en a pour une douzaine de milliards de dollars) autrement qu'au compte-gouttes en fonction de ses seuls besoins immédiats de liquidité. Ce secteur, stratégique car principal pourvoyeur de devises fortes à travers ses exportations, exige une amélioration du taux de change particulier qu'on lui applique (et qui se situe entre le taux officiel et le taux du marché parallèle dit "dolar blue") et une baisse des taxes à l'exportation.
La promesse de Milei de lever rapidement "el cepo" (le régime de contrôle des changes) reste en suspens et les prochaines augmentations de tarifs de divers services à partir de septembre (gaz, électricité, mutuelles privées, transports publics) rendent illusoire d'atteindre l'objectif affiché d'une "inflation zéro".
Le gouvernement Milei est ainsi pris dans le cercle vicieux de sa politique: plus de récession donc moins de rentrées fiscales donc plus de nouvelles coupes budgétaires donc moins de nouvelles rentrées fiscales etc.
Pour tenter de boucher les trous, Milei et Caputo font feu de tout bois:
Ils ont fait sortir du pays pour environ 1,5 milliards de dollars d'or des réserves de la Banque Centrale vers l'Angleterre puis une destination inconnue (probablement pour servir de garantie à des prêts bancaires privés secrètement en cours de négociation) et ils veulent vendre des terrains publics autour de Buenos Aires, en particulier des camps militaires comme le Campo de Mayo ce qui agace la gent en uniforme. La proximité de ces terrains avec le centre de Capitale fait déjà saliver les promoteurs... et par un heureux hasard la famille de Caputo est l'un des principaux opérateurs immobiliers de la Capitale.
Pour continuer de réduire les dépenses de l'Etat, Milei et son ministre des finances Caputo continuent de réduire les subventions à la consommation énergétique et aux services de transport, deux gros postes budgétaires politiquement sensibles. Ils viennent d'annoncer la suppression des subventions aux lignes de bus circulant dans Buenos Aires intra-muros et de rétablir la généreuse co-participation (subvention fédérale aux provinces) à la Capitale qui avait été mise en place par Mauricio Macri et supprimée par les kirchnéristes. C'est l'une des pommes de discorde entre Milei et son allié Macri dont le cousin Jorge Macri est l'actuel maire de Buenos Aires.
Une journaliste de La Nación (équivalent local de notre Figaro) s'est permis d'écrire sans être démentie que le FMI n'avait aucune intention d'accorder une rallonge à l'Argentine et le risque pays reste obstinément très élevé (entre 1500 et 1600 points soit 15-16% au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE) reflétant le manque de confiance des marchés financiers dans la trajectoire macro-économique du pays.
La province de La Rioja, ancien fief de la famille Menem, vient d'annoncer faire défaut sur sa dette; c'est la première à le faire et certainement pas la dernière.