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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 28 octobre 2013

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Explication de texte (fin)

Je poursuis ici ma réflexion sur les discours à propos des rapatriés d'un point de vue plus personnel.

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Je poursuis ici ma réflexion sur les discours à propos des rapatriés d'un point de vue plus personnel.

Je suis trop jeune pour avoir vécu toutes les vicissitudes de la Guerre d'Algérie mais suffisamment vieux pour avoir gardé en mémoire une certaine vision du retour des Pieds-Noirs en métropole. Je me souviens que tout gamin, le terme de Pieds-Noirs que j'entendais dans les conversations des adultes m'avait rendu perplexe, jusqu'au jour d'été où ayant entr'aperçu les orteils nus dépassant des sandales d'un monsieur dont je savais qu'il était un PN, j'ai alors réalisé que, non, ils n'avaient pas les pieds noirs...

Je me souviens aussi qu'un oncle arboriculteur dans la vallée du Rhône voyait d'un très mauvais oeil les rapatriés qui rachetaient des terrres aux environs: pour lui, ils étaient des "étrangers" alors qu'eux-mêmes avaient simplement le sentiment d'exercer leur droit à reconstruire leur vie.

Je me souviens encore qu'un de mes arrière-grand-pères alsaciens s'était installé à Nancy en 1871 pour rester français ; parmi cette branche "de  l'intérieur" de ma famille, certains en avaient longtemps tiré un vague sentiment de supériorité (à mon avis stupide et malsain) vis-à-vis des descendants de ceux qui avaient acceptés à l'époque de "devenir boche". Et je sais aussi que d'autres alsaciens, motivés par la propagande gouvernementale en faveur de la colonisation de peuplement, étaient allés jusqu'en Algérie pour rester français. Aujourd'hui, cela peut semble baroque aux jeunes générations, mais à l'époque c'était tout à fait naturel et logique.

Pour moi, les rapatriés ont été quintuplement des victimes:

1°) initialement des victimes de la propagande en faveur d'une politique de colonisation poursuivie aveuglément pendant des décennies,

2°) des victimes de la pusillanimité et de l'immobilisme des gouvernements successifs (depuis les années 30 jusqu'aux années 60) ; on peut considérer que la dernière chance d'une autre évolution de l'Algérie a été perdue en 1945 (les esprits n'étaient pas prêts, et la question coloniale était un point aveugle du programme de la Résistance Française: il y avait tant d'autres priorités...)

3°) des victimes de la spirale terrorisme-répression, pris en étau entre le FLN et une Armée Française qui ramenait trop souvent la lutte contre les independantistes à une sorte de croisade contre le communisme international où tous les coups étaient permis,

4°) des victimes de l'instrumentalisation et de la manipulation par les gaullistes (la part d'aveuglement partagé et de pur cynisme est ici difficile à établir): il me semble étonnant qu'un Michel Debré, par exemple, soit encore aujourd'hui considéré comme un grand homme d'Etat alors que son comportement (relisez les éditoriaux incendiaires de son "Courrier de la Colère", vous serez édifiés) a été tout au long des années 50 celui d'un pompier pyromane encourageant les pires dérives ultra-nationalistes avant de se résigner à l'inévitable

5°) des victimes encore aujourd'hui du funeste mouvement de renforcement mutuel entre sentiment de rejet et repli identitaire; à cet égard, même si je sais que la comparaison les irrite, certains d'entre eux sont finalement plus proches qu'ils ne le pensent de certains descendants d'immigrés chez qui un vécu d'injustice et de rejet nourrit la tentation d'un renfermement communautariste.

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