La victoire (très relative, j'y reviendrai) de Milei aux élections de dimanche n'aura surpris que les crédules qui avalent sans réfléchir le grand n'importe quoi des sondages.
Dans un commentaire posté vendredi dernier sur un fil de Mediapart, j'avais écrit:
"Lors des élections de dimanche, on peut prévoir une montée du vote blanc ou nul en signe de protestation contre la corruption, mais d'après ce que je perçois à Buenos Aires ces jours-ci, la plupart des électeurs resteront fidèles à leur choix d'il y a deux ans car, là-bas comme en France, tout ce qui se réclame du progressisme ne pèse guère plus qu'un tiers de l'électorat.
Dans les grosses provinces hors de BsAs, les antipéronistes dégoûtés de Milei se replieront probablement vers d'autres candidatures de Droite.
Milei ne va pas vraiment perdre ces élections intermédiaires car, dans la Chambre actuelle, il n'y a que 27 députés libertariens et il y en aura forcément plus lundi prochain, mais il risque d'avoir à négocier dans une position de faiblesse relative le soutien du reste de la Droite pour pouvoir poursuivre sa politique, un peu comme Macron en France après sa dissolution ratée."
La montée du vote blanc ou nul s'est vérifiée: par exemple, dans la province d'Entre Rios, ce vote protestataire atteint plus de 9% des suffrages. Ajoutons que la participation plus basse de 3 à 4 points que d'habitude participe du même mouvement de rejet.
La fidélité de la plupart des électeurs de Milei à leur choix d'il y a deux ans s'explique par la peur d'une crise financière et le chantage de Trump: "vous aurez des dollars si Milei gagne". Il y a eu cependant une nette déperdition puisque les médias dominants, après avoir entretenu à coup de sondages bidons la peur d'une victoire péroniste, parlent désormais d'une grande victoire de Milei avec seulement 40% des voix, loin du score de son triomphe de 2023.
Le faible poids du camp qu'on peut qualifier de progressiste est, comme en France, une donnée durablement stable: si l'on ajoute aux 31% du pérono-kirchnérisme les 4% des trotskistes du FIT on obtient 35% des voix. Et si l'on y ajoute les quelques pourcents de péronistes plus fluctuants dans leurs convictions, on arrive juste au même niveau que le camp miléiste.
D'ailleurs, comme relevé ce jour par La Nación, dans 8 provinces sur 24 les deux premiers sont séparés de moins de 1% des voix ce qui impliquera un recomptage et peut avoir un impact significatif sur la composition du Sénat. En effet, chaque province quelle que soit sa taille, envoie 3 sénateurs, 2 pour la liste arrivée en tête et 1 pour la liste arrivée seconde. Un ordre inversé lors du décompte final peut donc changer la donne.
Dans la plupart des provinces où les gouverneurs cherchaient à proposer une alternative à la polarisation entre kirchnéristes et miléistes, ils ont perdu leur pari, mais, contrairement à ce que serinent les médias de Droite, cela ne les rendra pas plus malléables face à Milei, bien au contraire, maintenant que la récession étouffe l'économie réelle du pays.
Le bloc pérono-kirchnériste reste la première minorité à la Chambre et, face à la demande de stabilisation politique émanant à la fois du FMI et de ses parrains etatsuniens, Milei va devoir apprendre à négocier avec tous ceux qu'il a maltraités jusqu'ici sans le moindre égard.
Milei, comme Macri aux élections de mi-mandat de 2017, a donc gagné un sursis, mais le répit sera de courte durée: les promesses de Trump n'engagent que ceux qui y croient et d'ici le 10 décembre (date de prise de fonction des nouveaux députés et sénateurs), bien des turbulences peuvent survenir.