Une pétition a été lancée récemment en Argentine pour rebaptiser l'aéroport international d'Ezeiza du nom de Raul Alfonsin, le premier président élu démocratiquement après la fin de la dictature militaire.
Alfonsin dont l'intégrité personnelle n'a jamais été mise en cause (contrairement à tous ses successeurs et la plupart de ses prédécesseurs) a laissé des souvenirs mitigés: il symbolise toujours le retour à la démocratie et la gestion compliquée d'une transition démocratique sous contrainte (loi d'amnistie imposée par les militaires, confirmée par Menem, et qui n'a pu être annulée que 20 ans plus tard par Nestor Kirchner). Mais il rappelle aussi les dysfonctionnements économiques habituels de l'Argentine (poids excessif du lobby agraire et des bureaucraties syndicales péronistes, sous-investissement dans les infrastructures, explosion de la dette externe et de l'inflation: lors de mon premier voyage en Argentine à Noël 1988, le jour de mon arrivée à Buenos Aires, la valeur de la monnaie venait d'être divisée par trois, le dollar passant de 1500 à 4500 australes).
Le nom officiel actuel de l'aéroport est "Ministro Pistarini". Mais qui était donc ce Pistarini dont personne ne se souvient ?
Il fut le ministre péroniste qui créa cet aéroport à une distance énorme de la ville, dans une zone fréquemment envahie par le brouillard en hiver (et donc plutôt inadaptée à cet usage) et avec une emprise territoriale trois à quatre fois supérieure à ce qui était nécessaire. La raison pour laquelle l'aéroport fut construit à Ezeiza est que cela permit à Pistarini et ses "associés" de monter une très juteuse combine de spéculation foncière, bien documentée dans "El libro negro de la segunda dictadura" (ouvrage de propagande anti-péroniste de la fin des années 50, contenant une dénonciation argumentée de nombreux cas de corruption de la première gestion péroniste des années 40 et 50).
Bref, Pistarini est une figure emblématique de la corruption généralisée de la grande époque péroniste (mais moins connu que Juan Duarte, le crapuleux frangin d'Eva Peron).
Changer le nom de l'aéroport d'Ezeiza est donc une excellente idée, et me donne l'occasion de rappeler ici une dernière fois quel personnage était ce Pistarini avant qu'il ne disparaisse définitivement dans les poubelles de l'Histoire.