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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 29 décembre 2018

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Passeport diplomatique et second passeport

Un peu de clarification là où règne la confusion.

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L'affaire Benalla-bis provoque ces jours-ci dans les médias un festival d'approximations et de confusions.

Clarifions d'abord le problème d'avoir deux passeports:

N'importe quelle personne privée justifiant de missions multiples à l'étranger dans des pays imposant de longs délais administratifs d'obtention de visas peut obtenir un "passeport-bis", même  d'une durée de validité réduite. J'en ai fait l'expérience lorsque je travaillais comme ingénieur menant des missions à l'export. Fin 2006, je devais mener à quelques semaines d'intervalle une mission en Afghanistan et une autre en Algérie. Compte tenu des délais d'obtention de visa, mon passeport était encore à l'ambassade d'Afghanistan. Muni d'une lettre du Directeur Général de mon entreprise, je me suis rendu à la Préfecture de Police et l'on m'a confectionné en l'espace de 2h un second passeport d'une validité d'un an seulement (mais c'était avant l'imposition des systèmes biométriques) que j'ai pu remettre au consulat d'Algérie pour obtenir mon visa dans les temps.

Un autre motif d'obtention de deux passeports est le besoin de voyager en parallèle dans des pays entretenant entre eux de mauvaises relations, ou pas de relations du tout, par exemple, pour voyager dans certains pays arabes et aussi en Israël: avoir un passeport séparé pour les voyages en Israël est alors utile, voire nécessaire, et en dehors du délai d'obtention des visas ce peut être une des raisons de l'utilisation de deux passeports par Alexandre Benalla.

Disposer simultanément de deux passeports n'a donc rien d'extraordinaire.

En revanche, le sieur Benalla n'aurait jamais dû détenir ne serait-ce qu'un seul passeport diplomatique: il n'avait aucune fonction diplomatique de haut rang ni au ministère des Affaires Etrangères ni à la Présidence justifiant l'obtention d'un tel privilège.

Le fait d'accompagner ponctuellement le Président dans des voyages à l'étranger ne justifie aucunement la détention d'un passeport diplomatique. Contrairement à ce que semblent croire certains journalistes empressés de trouver des justifications vaseuses à ce nouveau scandale d'Etat, les membres d'une délégation officielle n'ont pas besoin de passeport diplomatique.

Par exemple, les dizaines de conseillers techniques et autres accompagnants qui ont fait partie du récent voyage présidentiel en Argentine pour le sommet du G20 n'avaient pas besoin d'un passeport diplomatique: dans ce cas de figure, la liste des accompagnants officiels est transmise au pays-hôte et tout le monde bénéficie des avantages afférents (en particulier l'absence de contrôle des bagages en douane, à l'aller comme au retour, ce qui permet certains abus: on se souvient qu'à l'époque de Mitterrand et de Chirac, certains accompagnants des voyages officiels aux USA au Japon et ailleurs en profitaient pour acheter des ordinateurs ou des téléviseurs sans payer de taxes).

Il n'y a en fait que deux justifications possibles à l'octroi pour le moins laxiste d'un passeport diplomatique à Benalla:

1°) le retour aux pratiques de diplomatie parallèle de la Françafrique (y compris éventuellement le transport de mallettes de billets...)

ou bien

2°) la volonté de dissimuler sa présence aux côtés de Macron lors de voyages officiels (car s'il ne figurait pas sur la liste officielle de la délégation française, l'utilisation d'un passeport diplomatique devenait utile voire nécessaire).

Dans les deux cas, c'est bien Macron qu'il faut "aller chercher" politiquement et judiciairement, comme lui-même l'a sollicité cet été. Quant à l'inertie du Quai d'Orsay, qui avait tout loisir d'annuler ce passeport par un simple signalement auprès des autorités policières, elle laisse la porte ouverte aux pires soupçons et Le Drian aura du mal à sortir indemne de cet épisode: on peut parier que vu son âge, ce Gériatrix-bis suivra bientôt l'exemple de Collomb.

Contrairement à ce que croient certains, un passeport diplomatique n'est qu'un coupe-file permettant un passage "express" à la douane mais ne dispensant pas de présenter le document en question; c'est une facilité dont bénéficient les détenteurs de ce type de passeport mais aussi d'autres personnes. Dans la plupart des aéroports de quelque importance, il y a une file spéciale pour les diplomates mais aussi les équipages des avions et mêmes des visiteurs individuels sans statut diplomatique qu'ils soient ou non fonctionnaires s'ils sont préalablement fléchés par un service de l'Etat et qu'on vient les accueillir en zone internationale: c'est de cette façon que lors d'une de mes visites aux services de la Navigation Aérienne nigériane, un de mes collègues locaux m'avait épargné les chaotiques files d'attente à l'arrivée et au départ de l'aéroport de Lagos.

Le point-clé que beaucoup oublient est qu'en l'absence de restitution physique des documents il aurait suffi que le Quai d'Orsay signale à la PAF (Police de l'Air et des Frontières) que les passeports diplomatiques de Benalla avaient été annulés pour l'empêcher de continuer à les utiliser. Compte tenu de l'exposition médiatique dont il a bénéficié, on peut supposer que même un douanier lambda ne manquait pas de le reconnaître à chacun de ses voyages...

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