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Michel DELARCHE

retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 29 décembre 2024

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Quelques-unes de mes lectures de 2024

En plus des quelques livres évoqués de temps à autre dans des billets dédiés, voici un échantillon de mes lectures de cette année finissante. Je n'ai rien trouvé de mieux que la lecture pour m'évader de notre sombre aujourd'hui.

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Troïka de Isabel Zapata Morales - Ed. Almalia (2023)

Malgré son titre, ce roman n'est pas russe mais mexicain. L'héroïne éponyme est une petite chienne adoptée et adorée par sa jeune maîtresse de dix ans. La mère, membre de la petite bourgeoisie intellectuelle progressiste de Mexico, l'avait baptisée Perestroïka, raccourci en Troïka par ses enfants. L'ouvrage est en deux parties: la première raconte en forme hétérodiégétique la relation fusionnelle entre la petite fille et sa chienne. La seconde partie, moins réussie, est un récit homodiégétique fait par la petite fille devenue adulte de son enquête sur la mort de sa chienne dont elle fut indirectement responsable, enquête rendue difficile par les pertes de mémoire de sa mère atteinte d'une maladie neurodégénérative.

Si vous lisez (en espagnol) ce livre inégal mais émouvant, vous apprendrez qu'il ne faut pas donner de chocolat aux chiens... Je ne vous en dit pas plus.

La Tête de Lénine de Nicolas Bokov - Ed. Libretto (2019)

Cette farce écrite en 1970 par un étudiant dissident circula d'abord en samizdat puis parut dans La Pensée Russe avant d'être traduite en français dès 1972. L'histoire est hénaurme: un jeune houligane, comme on dit là-bas, décide de voler la tête de la momie de Lénine pour en obtenir une rançon en devises et partir à l'étranger... C'est hilarant d'un bout à l'autre.

Ce qui ne fut pas de Boris Savinkov - Ed. Prairial (2017)

Sous-titré Trois Frères ce roman en trois parties décrit les trajectoires de trois frères, fils d'un général en retraite, qui participent à la Révolution manquée de 1905 et aux activités révolutionnaires qui l'ont précédée et suivie.

Le puîné est un étudiant à l'université acquis au militantisme révolutionnaire et qui périra dans un affrontement armé avec la police. Le cadet, qui a suivi les traces du précédent, meurt à Moscou dans des combats de rue. Quant à l'aîné, jeune officier dégoûté par l'incompétence et la corruption des chefs militaires pendant la guerre russo-japonaise, il rejoindra à son tour le mouvement révolutionnaire et finira pendu après avoir refusé de faire amende honorable. On y retrouve l'atmosphère des autres récits de Savinkov, mélange de mysticisme religieux et de passion révolutionnaire, la sécheresse très moderne de ses descriptions de l'ambiance et des paysages ainsi que sa critique acerbe des bureaucrates de la direction du parti SR (dont Savinkov fut un membre éminent et le dirigeant de ses commandos terroristes.)

Russia Revolution and Civil War 1917-1921 d'Antony Beevor - Ed. W&N (2024)

Je l'ai lu en anglais, mais il existe une traduction française de ce gros volume (plus de 500 pages en VO) qui résume à grands traits les événements de ces cinq années.

On y retrouve Savinkov à l'été 1917 dans son rôle d'envoyé de Kérenski auprès du général Kornilov pour y mener la dernière offensive russe (qui fut un désastre) contre les troupes autrichiennes et allemandes en Galicie. Ces deux-là pratiquèrent, bien avant Trotski et Staline, la méthode consistant à munir la seconde ligne de mitrailleuses chargées d'empêcher les soldats envoyés en première ligne de reculer.

L'ouvrage étant écrit par un Britannique, il accorde une attention particulière aux activités des armées alliées (Anglais et Français en mer Noire et au Nord, Américains en Sibérie) en soutien des armées blanches et aux mouvements des Tchèques et des Polonais qui, devenus indépendants, cherchaient à rentrer chez eux et aussi aux manœuvres de Churchill pour contourner l'interdiction de Lloyd George d'impliquer directement les troupes anglaises dans les combats.

Le parti pris de parsemer le récit d'anecdotes toutes plus horrifiques les unes que les autres sur les méfaits de la Tchéka, sur les pogroms tolérés sinon encouragés par les généraux Blancs et commis par des Cosaques de toutes obédiences et sur les massacres commis en Sibérie par divers atamans psychopathes (Séménov, Von Ungern...) rêvant chacun de se tailler son propre royaume oriental en rendent la lecture éprouvante.

Les mensonges des dirigeants communistes pour justifier la répression des marins de Kronstadt y sont évoqués tout à la fin.

La principale faiblesse de l'ouvrage est de ne pas décrire clairement le processus de montée en puissance de l'Armée Rouge. Un tableau synthétique montrant l'évolution des effectifs des Blancs comme des Rouges serait bien utile à la compréhension de la dynamique d'ensemble de la guerre.

On y voit apparaître quelques jeunes officiers de valeur ralliés au nouveau régime comme Toukhatchevski dont le sens stratégique et l'efficacité opérationnelle (y compris dans la répression de Kronstadt!) tranchait avec la coûteuse incompétence militaire des dirigeants bolcheviques (à la notable exception de Frounzé) et avec l'indiscipline de Boudionny, principal chef de la Cavalerie Rouge. Les jalousies et rivalités au sein des troupes révolutionnaires n'avaient rien à envier à celles qui minaient les efforts des Blancs.

J'y ai appris l'existence des Verts (des groupes de déserteurs réfugiés dans le Caucase pour échapper à la fois aux Rouges et aux Blancs) ainsi que l'importance des bataillons de révolutionnaires chinois se battant du côté des Rouges.

Un début dans la vie de Balzac - La Pléïade (1951)

Ayant acheté d'occasion cette ancienne version du Tome 1 de La Comédie humaine, je m'y suis attelé. Quand j'étais lycéen, on m'avait infligé la lecture d'Eugénie Grandet qui m'avait dégoûté pour longtemps de lire Balzac (de même que les menus de l'internat m'avaient longtemps empêché d'apprécier les épinards et les lentilles.)

Ce roman peut connu de Balzac a pour (anti-)héros un nommé Oscar Husson, jeune homme pauvre, prétentieux et stupide et décrit ses tentatives pour s'élever au-dessus de sa condition première.

L'ouvrage vaut par sa description de l'embourgeoisement de l'aristocratie et par sa description sans fard des stratégies de réussite sociale sous la Restauration, qui ne sont pas si loin de la façon dont les petits et moyens bourgeois d'aujourd'hui continuent de cornaquer leurs rejetons:

"Il n'existe que quatre grandes carrières, pour vous autres jeunes gens: le commerce, l'administration, les professions privilégiées [elles sont énumérées un peu plus loin comme suit: "du Notariat, du Barreau, des avoués et des huissiers"], et le service militaire."

On explique un peu plus loin au pauvre Oscar: "tu n'es pas assez fort en mathématiques pour entrer aux Ecoles Spéciales" (comprendre l'école Polytechnique, et celles des Mines, des Ponts, des Arts et Métiers et l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures qui venait juste d'être créée.)

Bref, transposé à l'époque actuelle, Balzac explique que, pour un jeune ambitieux, il n'est point de salut hors les Grandes Ecoles d'ingénieurs, Sciences Po, les écoles de commerce et la fac de Droit...

Entré dans l'armée, Oscar participera à une expédition coloniale en Algérie, où il perdra un bras en sauvant la vie d'un officier et grâce à ce fait d'armes il obtiendra un poste dans l'administration car: "les duretés de la vie militaire lui avaient appris la hiérarchie sociale et l'obéissance au sort. Devenu sage et capable, il fut heureux."

La fin du roman semble anticiper Flaubert concluant Madame Bovary sur la Légion d'Honneur de Monsieur Prudhomme: "Oscar est un homme ordinaire, doux, sans prétention, modeste et se tenant toujours, comme son gouvernement, dans un juste milieu. Il n'excite ni l'envie ni le dédain. C'est enfin un bourgeois moderne."

D'une rive à l'autre La découverte du Pacifique de E. Breccia & C. Aguilar Jimenez - Ed. Latina (2021)

Ce cruel récit en bandes dessinées, somptueusement colorié par le talent du grand dessinateur argentin Enrique Breccia raconte l'expédition de Vasco Nunez de Balboa, premier conquistador à traverser l'isthme de Panama jusqu'à l'océan Pacifique, tantôt s'alliant aux Indiens tantôt les combattant. Les vicissitudes de son expédition à travers la forêt font penser au film de W. Herzog sur Aguirre. Après son retour, victime des intrigues de Pizzaro et autres et trahi par son associé, il finira sommairement exécuté sans avoir revu son Espagne natale.

Silverview de John Le Carré - Ed. Penguin (2021)

Cet ultime roman de Le Carré a été traduit en français sous le titre (un peu idiot, à mon avis, mais je le suppose choisi pour des raisons commerciales) de L'Espion qui aimait les livres.

C'est un Le Carré crépusculaire qui nous replonge dans l'ambiance de la Guerre Froide. Situé sur la côte du Suffolk, ses descriptions des paysages campagnards de l'Est Anglie (région que je connais un peu côté Norfolk) m'ont rappelé le splendide essai littéraire de W.G. Sebald Les Anneaux de Saturne. Silverview est la traduction anglaise de Silberblick, nom d'une villa ou vécut Nietzsche.

On y rencontre un étrange émigré polonais, une ancienne experte du MI6, un Londonien converti en libraire de campagne, et de vieilles histoires qui ressurgissent ... Bref, c'est du Le Carré grand cru.

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