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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 30 décembre 2024

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Un poème de Grouzinov pour Iéssénine

Ivan Grouzinov (1893-1942) fit partie au groupe des imaginistes et devint un des rares proches amis de Iéssénine.

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Ivan Grouzinov (1893-1942) naquit dans une famille de paysans et fit des études d'instituteur tout en écrivant très jeune de la poésie (ses premières publications dans des journaux remontent à 1912). Son premier recueil fut publié en 1915. Grouzinov fit partie au groupe des imaginistes et devint un des rares proches amis de Iéssénine.

Après la Révolution de 1917, il travailla au conseil de l'éducation pour adultes de Moscou et dans diverses maisons d'édition. Le langage cru d'un recueil de 1921 déplut aux autorités et il fut arrêté une première fois sur ordre de la Guépéou en juin 1922, puis à nouveau en 1924 dans le cadre de l'affaire Ganine.

Iéssénine et lui annoncèrent la dissolution du groupe des imaginistes et tentèrent vainement de lancer de nouveaux projets éditoriaux jusqu'au suicide de Iéssénine fin 1925. Grouzinov publia en 1927 un recueil de conversations avec Iéssénine sur la littérature et l'art mais il fut arrêté en juin 1927 pour "propagande au service de la bourgeoisie internationale" (sic) et condamné à l'exil en Sibérie pour trois ans dans la région d'Irkoutsk. Libéré en 1929, il fut privé du droit de résider à Moscou, Léninegrad et dans quatre autres grandes villes de Russie et d'Ukraine (Odessa, Rostov-sur-le-Don, Kharkov et Kiev) et il fut ensuite assigné à résidence à Voronèje. Il semble qu'il ait pu retourner à Moscou à partir de 1931. Son dernier recueil de poèmes (non publié) date de 1939-1941. Il mourut de faim à Kountsévo (district ouest de Moscou) en 1942.

Сергею Есенину

Серебряный и синий
По утру,
А полдень выткан золотом соломы.
Лишь изредка то здесь, то там
Мерцает свет павлиний.
Какая пустота
В моей избе.
Как тихо дышит Русь.
И времени челнок замедлил бег,
Запутавшись в прозрачных паутинах.
А на исходе дня,
В полях
Остановил коня.
Смотрю, как за селом,
У ветхового овина
Стекает с чьих-то светлых рук
Зерно,
И стелется у ног
Тончайшая мякина.
Трубы далёкой звон
Иль август грезит журавлями?
Над оловом реки
Застыла конопля.
Как тихо дышит Русь.
Биенье сердца конского
И трепеты ракит.

Ma traduction:

À Serge Iéssénine

L'argent et le bleu
Au matin,
Et le midi tissé de l'or de la paille.
Seulement de temps en temps de ci de là
Scintille l'éclat du paon.
Quel vide
Dans mon izba.
Comme elle respire calmement la Russie.
Et la navette du temps a ralenti sa course,
Empêtrée dans des toiles d'araignée transparentes.
Et à la fin de la journée,
Dans les champs
Je regarde comme par-delà le village,
Près d'un séchoir à blé délabré
S'écoule des mains claires de quelqu'un
Le grain
Et s'étend à mes pieds
La plus fine vannure.
Est-ce le son d'une lointaine trompette
Ou bien août rêvant de grues ?
Sur l'étain de la rivière
S'est figé le chanvre.
Comme elle respire calmement la Russie.
Battement d'un cœur de cheval
Et frémissement des saules.

Notes sur le texte et la traduction:

Ce poème de 1921 est paru dans le recueil Западня снов (Gerbe d'Occident). La dédicace à Iéssénine marque l'amitié qui liait les deux poètes. Il est écrit en vers libres et déborde, comme toute la poésie russe de l'époque, d'images de la Russie rurale.

La traduction respecte autant que possible la syntaxe de l'original.

s'est figé le chanvre: on mettait le chanvre à rouir dans les rivières.

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