Michel Granger (avatar)

Michel Granger

Retraité (professeur de littérature américaine)

Abonné·e de Mediapart

40 Billets

0 Édition

Billet de blog 21 mars 2015

Michel Granger (avatar)

Michel Granger

Retraité (professeur de littérature américaine)

Abonné·e de Mediapart

Onfray, la France et ses philosophes

Certes, la France traverse une période sociale, économique et politique difficile, pleine d’incertitudes, mais elle sait au moins chouchouter ses intellectuels et ses philosophes, leur donner une audience médiatique nationale. C’est réconfortant !

Michel Granger (avatar)

Michel Granger

Retraité (professeur de littérature américaine)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Certes, la France traverse une période sociale, économique et politique difficile, pleine d’incertitudes, mais elle sait au moins chouchouter ses intellectuels et ses philosophes, leur donner une audience médiatique nationale. C’est réconfortant ! Son Premier Ministre les interpelle, leur demande avis et soutien. Quant aux médias de masse, ils les interrogent, les citent à longueur de temps, contribuant à faire de certains des « addicts cathodiques » omniprésents (L’Obs). On peut espérer qu’au bout du compte la France les écoute vraiment lorsqu’ils parlent avec toute la sagesse et l’autorité de leur vaste culture philosophique, et qu’elle sait en tirer profit. Certains d’entre eux jouent un grand rôle pour expliquer la scène internationale : Bernard-Henri Lévy est intervenu sur l’Afghanistan et la Libye, tout comme Alain Finkielkraut sur la Croatie. Leur engagement leur donne une place centrale, très visible, ce qui est essentiel. Luc Ferry, ancien ministre, critique l’écologisme, prend position sur des questions de société, comme la sécularisation, ou donne son avis sur l’échec scolaire en France. Ce n’est certainement pas le cas de tous les pays. Prenons l’exemple des États-Unis où il serait surprenant que l’on accorde beaucoup d’attention aux philosophes contemporains qui vivent cachés dans quelques bonnes universités aux bibliothèques richement pourvues. En Amérique, pour atteindre la célébrité, il faut devenir milliardaire-philanthrope comme Andrew Carnegie, Bill Gates ou Warren Buffet : puisqu’on a réussi, on peut alors distribuer ses millions de dollars et prodiguer des conseils. Exceptionnellement, mais c’était autrefois, on entre dans l’histoire américaine pour avoir vécu deux ans dans une cabane au milieu des bois et avoir prôné la résistance à un gouvernement injuste : Henry D. Thoreau s’efforçait de vivre en philosophe, adepte de la simplicité volontaire et de la solitude discrète dans sa Nouvelle-Angleterre natale. La pensée vigoureuse et originale de cet abolitionniste sincère, de ce « désobéissant » courageux, a inspiré ceux qui, comme Gandhi, ont voulu briser le carcan de l’opinion dominante et de l’oppression. Il a ainsi aidé Martin Luther King à élaborer sa lutte pour les droits civiques et à mettre fin à la ségrégation raciale. En France, Michel Onfray vient d’obtenir la consécration par un portrait superbe en couverture d’un magazine hebdomadaire, dont l’effet est multiplié par les nombreuses affiches qui décorent les kiosques à journaux : « Michel Onfray, le philosophe qui secoue la France » (Le Point). Si la France est un cocotier, cette secousse aura peut-être l’effet bénéfique escompté d’éliminer quelques mauvaises habitudes ou traditions inadaptées. Cela aura assurément, au moins, le mérite de rappeler que la France a bien quelques intellectuels. Ils ne sont pas introuvables, ils s’expriment dans les médias de masse. Le pays est attentif aux "déplacements" intellectuels et politiques de ses philosophes : il leur accorde une couverture médiatique, une place de choix sur papier glacé.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.