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Billet de blog 3 octobre 2023

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CLIMAT: L'INCAPACITE NUCLEAIRE

Que faut-il penser de la « relève » nucléaire pour mettre un terme à l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique et à l’activation de l’effet de serre responsable du réchauffement de la planète? Ce billet fait référence à l'ouvrage "de l'irréversible et du réparable" MJ Juin 23, L'Harmattan edit. 185 pages, Préface de Federico Mayor, post face entretien avec Patrick Tort

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Blog: C'est quand qu'on va où?

Billet N° 3 L’incapacité nucléaire

L’augmentation de la température du globe en raison de l’effet de serre s’accélère et dépasse déjà les prévisions du GIEC pour l’année 50 soit 4 degrés, au lieu de 2,7 degrés. C’est une augmentation au-delà de laquelle les prévisions concernant la résistance de la nature et celle de notre civilisation ne sont plus évaluables ni même utiles à des mesures de prévention . Se pose donc avec de plus en plus d’acuité la question de la transition énergétique.

 Que faut-il penser de la « relève » nucléaire pour mettre un terme à l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique et à l’activation de l’effet de serre responsable du réchauffement de la planète?

Cette question se pose à tous ceux qui pensent que le nucléaire est l’unique solution pour mettre fin au réchauffement de la biosphère. Bien sûr, nous savons tous que le nucléaire est une énergie décarbonée. Les climatosceptiques, notamment, expliquent qu’il suffit dès à présent d’organiser la transition vers le « tout nucléaire et de prolonger l’usage et l’extraction des énergies fossiles pour « tenir » jusqu’au passage à l’énergie propre 100%.

Or, nous savons que la production nucléaire est pénalisée par le temps long de sa mise en œuvre , le coût des investissements, sa complexité technologique, l’accès incertain aux combustibles et la durée de neutralisation des déchets. En outre c’est une énergie qui doit être affectée d’un coefficient de dangerosité sanitaire en rapport avec le risque radiologique, aigu en cas de disfonctionnement accidentel, grave par accumulation et pérennité de la pollution, notamment du fait de haute contamination des déchets.  

De surcroit, la nécessité de contenir le réchauffement des centrales nucléaires implique un refroidissement constant sous peine d’être mises à l’arrêt. Cette exigence est un facteur majeur de réduction de la capacité nucléaire en période de sécheresse en raison de l’attrition des cours d’eau. Ainsi nous trouvons nous face à une boucle de rétroaction négative: plus le réchauffement s’aggravera et moins le nucléaire pourra produire d’énergie propre.

 Il ne faut pas oublier que l’objectif -notre but de guerre- est de « dépolluer » l’atmosphère en réduisant le taux de CO2 avec un effet globalement identique partout dans la biosphère et non sur notre seul territoire national. Il faut bien être conscient qu’à cet égard, un programme national de conversion énergétique en faveur du nucléaire est parfaitement illusoire. Pour être efficace il faudrait que les alternatives décarbonées dans le monde entier puissent prendre sans délais une part considérable dans le mixe énergétique en substitution aux énergie fossiles.

Cela pourrait justifier le programme nucléaire optimiste du Président Macron avec la construction en 16 ans de 25 centrales. Serait ainsi sauver le capital énergétique de notre pays sans avoir à changer le principe productiviste et consumériste de notre mode de vie.

 Cependant il est indispensable de se convaincre que cela n’aura aucun effet sur le réchauffement de la biosphère.

Imaginons en effet, contre toute logique, que la lutte contre le réchauffement soit une affaire nationale et que chaque pays ne soit comptable que du réchauffement de son territoire et de son atmosphère. Imaginons que cette autarcie protège chaque pays de ses voisins en proclamant « chacun chez soi ». Sauf à faire partout le même effort avec le même résultat, il est évident que, par un effet de dilution, l’effort d’un pays serait insuffisant pour compenser l’impéritie des voisins.

La nouvelle répartition du mixe énergétique de la France induit par le « tout nucléaire » n’ influencera qu’une proportion minime (1%) des émissions de CO2 d’origine fossile dans l’atmosphère de la planète y compris en France. En outre il serait illusoire de prétendre qu’un pays, bien à l’abri de ses frontières peut être protégé par le seul comportement exemplaire de sa population, sa sobriété énergétique et une adaptation de son mode de vie sans avoir à se soucier « des autres pays ». Or, la mondialisation « thermique », pas plus que les nuages, ignore les frontières. C’est la quasi-totalité de l’humanité qui pollue la planète, c’est à dire qui menace la globalité de l’humanité et même du vivant.

L’effet de dilution des GES dans l’atmosphère n’autorise en effet aucun égoïsme pro domo. En outre il serait illusoire de prétendre qu’un pays, bien à l’abri de ses frontières puisse être protégé par le seul comportement exemplaire de sa population, sa sobriété énergétique et une adaptation de son mode de vie sans avoir à se soucier de ses voisins. Même si la France donne l’exemple avec une réduction drastique de ses émissions dans d’atmosphère, sa contribution à 1% ne changera rien au mixe mondial des GES.

A ce jour il est cependant bien improbable que les pays et les entreprises émetteurs (trices) auront la même ambition. Qui sera en mesure d’éliminer dans un délai très court les 99% de GES qu’ils émettent indistinctement dans l’atmosphère et que nos frontières n’ont pas vocation à interdire comme au temps de Tchernobyl ?   Aucun pays ne peut lutter contre un réchauffement excessif par une stratégie nationale de recours aux énergies « propres », y compris la France.

Certes, notre pays disposera, grâce à un recours massif au nucléaire, d’un destin énergétique national autonome. Mais, pour autant la France, blottie dans ses frontières, ne peut contribuer à une baisse significative du taux mondial du CO2 atmosphérique, y compris sur son territoire.

 Autrement dit, le nucléaire permettra d’accompagner l’adaptation de notre mode de vie à un réchauffement qu’il ne peut combattre directement. Une production accrue d’énergie électrique en France n’ aura qu’un effet négligeable sur la hausse du CO2 atmosphérique et sur l’effet de serre qui concerne la planète dans sa globalité.  

Cependant l’enjeu n’est pas de d’accroitre la consommation électrique dans les pays hyper développés pour nous déplacer plus vite et plus loin, consommer toujours plus et climatiser nos habitats.

Au service du mode de vie actuelle, le nucléaire n’aura pour effet que d’accroitre l’écart entre les pays du Nord et ceux du Sud. La domination des pays « abrités » sur les populations du Sud condamnées par une paupérisation croissante et une succession de catastrophes climatiques notamment la sécheresse, conduira à des affrontements sans fin et des migrations sans retour.

Ainsi, le principal bénéfice du nucléaire sera de fournir l’énergie nécessaire aux pays riches pour s’adapter au réchauffement et non d’y mettre un terme.

 Non, notre seul enjeu est de faire décroitre la température de notre planète dans les plus brefs délais sans égard pour des déterminants sélectifs qui fixeraient des priorités nationales ou géographiques.

Mais il existe dans l’opinion publique une confusion entre ces deux enjeux (mondial et national) dont on ne peut pas dire à ce jour si elle est entretenue par la crédulité, le déni et le conservatisme ou de nouvelles sources de profits.

 C’est une confusion que les responsables politiques entretiennent tantôt en vantant les innovations d’adaptation et leurs conséquences supposées sur la réduction de l’effet de serre, tantôt en prétendant réduire le risque climatique par des décisions politiques pseudo écologiques qui n’ont aucun effet concret sur la permanente et irréversible croissance du risque.  Ils sont paralysés par l’approche d’une catastrophe climatique sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Confrontés à l’émergence brutale d’une nouvelle source d’injustices sociales, ils tentent sans effet de maintenir à flot le dogme libéral de soumission et d’exploitation des plus précaires. Cette politique ne peut que conduire à de grandes violences. 

L’année 2023 nous en apporte la confirmation avec un risque évident de crise mondiale du partage des ressources vitales et un abandon des valeurs de solidarité, de fraternité et d’humanité peu à peu remplacées par un retour raciste des perversions dominatrices. S’ajoute à cela, en parallèle mais avec les mêmes objectifs, de domination,  une artificialisation de l’humain par le numérique et la robotique.  Nous en reparlerons dans un prochain billet. MJ

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