TRANSE POST-HUMANISTE
Ce blog de la rentrée pour vous signaler un excellent ouvrage très documenté de Mark Hunyadi, professeur de philosophie à l’université de Louvain. L’auteur s’en prend avec vigueur au fondement de toutes les digressions numériques et technoscientifiques que permettent aujourd’hui les fantasmes « d’augmentation de l’homme » dans ses capacités individuelles et son espérance de vie. Le Temps du post humanisme (Les Belles Lettres, 2018)
Mark Hunyadi est un philosophe de la confiance *qui a montré dans ses derniers ouvrages que le besoin de sécurité peut être satisfait de deux façons : soit en faisant confiance à l’autre ce qui est le fondement actuel des relations humaines, soit en se passant des autres en acceptant que la sécurité de chacun soit assurée par un totalitarisme artificiel qui prévoit, anticipe, prévient, répare mais aussi qui distrait, éduque, et occupe pour sa propre promotion tout le temps disponible.
Autrement dit un système déresponsabilisant où il suffit de savoir sur quel bouton appuyer pour obtenir temporairement l’illusion d’être augmenté et éternel, bref, d’être tout puissant. Dans ce cockpit * isolant, les yeux rivés sur l’ écran de nos nuits blanches, nous éprouvons alors cette toute puissance et les jouissances qui l’accompagnent mais qui nous privent de toute créativité, toute singularité, toute identité…et de toute humanité.
C’est ainsi que la machine s’alimente de nos besoins, de nos désirs et des constituants de notre identité nous transformant en objet terminal, ultime prolongement soumis de l’hydre numérique.
Que deviennent alors les relations d’échange, les contrats, les obligations, les sentiments, les débats, les productions artistiques et culturelles si nécessaires au réconfort de la vie ? Cette disparition de la confiance interhumaine au profit d’une sécurité collective garantie par les machines ne met-elle pas un terme à l’identification à l’autre à laquelle les relations fraternelles doivent tant ?
Cette dernière réflexion me conforte dans l’idée que c’est l’imperfection des choses et des êtres qui rend possible la vie, bien plus qu’une perfection idéale et totalitaire. Et puis, ce cockpit si confortable, n’est-il pas l’amorce d’une allégeance au numérique sous la forme d’une intelligence artificielle présentée comme une extension de liberté, une « augmentation » alors qu’elle est un instrument d’aliénation et de réduction ?
Allons plus loin dans la révélation de ce que dissimule le post-humanisme :
Ses théoriciens sont des pseudo-humanistes en transe qui trépignent d’impatience à l’idée d’une vie éternelle et ignorent toutes les menaces que l’humanité doit affronter aujourd’hui pour éviter de disparaitre demain. La survie de notre espèce ne dépend pas des fictions post-humanistes, sauf à accepter que l’humanité soit réduite à sa seule composante technoscientifique. L’intelligence artificielle serait alors au seul service d’une minorité élitiste gagnante.
Cela semble malheureusement en voie de réalisation avec le retour de thèses néo-eugénistes, l’affirmation de l’ essentialisme blanc, du racisme et de la haine des différences. Ces assauts à caractère hygiéniste définissent de nouveaux et immenses espaces de relégation pour les uns et assurent pour les autres l'irréductible promotion de l’intelligence artificielle et de tout son attirail de « prothèses de vie ».
La nouvelle "race" humaine qui portera les fruits du métissage avec les machines sera un nouvel aryanisme dominateur universel, un "humanisme d'exclusion" qui marquera la rupture définitive de l'homme et la nature. Choisi ton camp camarade!
MJ
* Au début est la confiance ; le bord de l’eau ed., 224p nov 2020)
Voir également l’excellent entretien dans La Croix de Mark Hunyadi :
Hunyadi-Confiance-LaCroix24-08-21.