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Billet de blog 9 décembre 2021

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EQUIWOKE TROISIEME PARTIE

Disons-le tout net : Ceux qui se déclarent horrifiés par cette nouvelle perspective humaniste et son absence de leadership, expriment surtout une vexation de mauvais perdants ou de cocufiés.

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EQUIWOKE

TROISIEME PARTIE

 Suite de mes deux billets précédents:

 https://blogs.mediapart.fr/michel-joli/blog/051221/equiwoke-deuxieme-partie

https://blogs.mediapart.fr/michel-joli/blog/051221/equiwoke-deuxieme-partie

I

Toujours avec la même stupéfaction j’écoute Ferry (Luc), Zemmour (Eric), Onfray (Michel), Finkielkraut (Alain) et quelques autres qui nous font la grâce de ne pas être intellectuels comme Ciotti (Eric) et Le Pen (Marine) nous expliquer la grande peur de l'homme blanc qui serait menacé d’un  « grand remplacement » par une multitude d’adversaires impitoyables. Tous ces faiseurs d’opinion bombent un torse de matamore imités par bien d’autres, de moindre importance. Pour faire face à une coalition migratoire fantasmée ils n’hésitent pas à se présenter comme les héritiers d’un siècle des « Lumières », qui inspira les révolutions historiques du siècle suivant   dans notre pays. 

Ce discours de renaissance qui relayait celui de Montaigne a gardé toute son influence réformatrice de la pensée politique pendant deux siècles, notamment contre les dramatiques conséquences sociales de la révolution industrielle.

Cependant les lumières se sont éteintes peu à peu, noyées dans les richesses de l’exploitation coloniale et plus tard dans la compétition à mort des deux modèles productivistes totalitaires : le capitalisme libéral et le communisme égalitariste. Ni l’un ni l’autre ne se préoccupa des valeurs libératrices des faibles, des pauvres et des soumis et leur élimination fut même un temps à l’ordre du jour. Aujourd’hui le discours humaniste des Lumières est oublié. Il n’est plus qu’une dépouille dont se pare une aristocratie libérale tricheuse, arrogante et libre de dicter au monde entier des règles qui ne servent que son intérêt exclusif.

 Ce détournement de l’histoire et du sens des mots doit être dénoncé avec vigueur, notamment lorsque l’on parle de démocratie. Nul ne peut évidemment croire qu’un système économique qualifié de global, a été choisi démocratiquement par la globalité de notre espèce. Utiliser cette référence aux Lumières à tort et à travers pour entretenir la suprématie d’un libéralisme trompeur, c’est ouvrir la porte à un post-humanisme totalitaire, numérique et grégaire qui retirera aux individus toutes possibilités d’émancipation, d’initiative et de liberté.

 II

 C’est à cette hypocrisie que s’oppose la culture Woke avec ses excès de rouleurs de mécaniques -à l’américaine- qui frise l’intolérance mais qui affirme à juste titre que l’humanisme n’est prisonnier d’aucun modèle, qu’il soit Post Humanisme ou Humanisme blanc. En effet, dans un monde où il est vital de protéger la diversité culturelle de l’humanité-car c’est là que réside son potentiel évolutif - il ne peut y avoir un modèle particulier sans risque de domination totalitaire de l’un d’entre eux mieux placé dans la course à l’hégémonie.

 Les peuples historiquement dominants ont toujours exigé des communautés minoritaires qu’elles épousent leur mâle arrogance ou s’y soumettent en renonçant à leur propre fierté. Ce choix entre deux morts est destructeur de l’identité et de l’estime de soi. Il en va de même pour les peuples autochtones qui veulent garder leur identité et leur fierté spécifique. Après une longue période d’illusion post-coloniale, ils se révoltent aujourd’hui contre l’imposition qui leur est faite d’un modèle de développement exclusif : celui de leurs tourmenteurs qui leur avaient communiqué, dans l’artifice du mensonge, un obsédant désir d’Occident.

 C’est bien au contraire le « multilatéralisme » des rencontres culturelles qui est en soi un modèle comme l’expression de la diversité et des expériences humaines qui reconstituent sans cesse de nouvelles sources de métissage culturel et des complémentarités pacifiques et innovantes.

 Disons-le tout net : Ceux qui se déclarent horrifiés par cette nouvelle perspective humaniste et son absence de leadership, expriment surtout une vexation de mauvais perdants ou de cocufiés. Au lieu d’examiner cette redéfinition de l’humanisme comme une bonne nouvelle, ils disent « Qui sont donc ces militants d’un nouveau genre qui, du fond de leur misère refusent de se reconnaitre dans notre civilisation, refusent notre générosité, notre main tendue ? Qui sont ces gens qui veulent non seulement que nous les protégions mais aussi que nous leur fassions de la place en nous serrant partout, dans les universités, les grandes écoles, les musées et les conservatoires, dans les centres d’apprentissage et de formation, dans les partis politiques, les transports en commun et les espaces publics et, pourquoi pas, parmi les banquiers, les fonctionnaires et les policiers ! Qui sont ces gens qui viennent jusque dans nos bras nous donner des leçons de civilisation et dont Coluche disait déjà « qu’ils viennent manger le pain de nos arabes » ? Ne sont-ils pas bien sous leurs tentes Quetchua ? Sont-ils mal reçus en Préfecture, au Pôle emploi ou au Commissariat ? ne mangent-ils pas à leur faim au Restau du cœur ?  N’ont-ils pas assez de palettes pour se chauffer à Calais en attendant le prochain zodiac pour Douvres ?»

Il faut prendre le temps d’expliquer à nos contemporains sceptiques que ces gens-là sont venus non seulement pour survivre mais aussi pour exister…Ce n’est pas facile car il faut commencer par leur expliquer pourquoi, au pays des droits de l’Homme, ces deux verbes n’ont pas, le même sens.

III

A cette revendication innovante d’une démocratie construite sur le respect des variétés ethniques, culturelles et religieuses, on oppose bien sûr un risque de mésentente, de violence, d’intolérance, de conflits interculturels ou idéologiques.

Le risque est bien réel ; mais je ne crois pas que l’hypocrisie qui préside aujourd’hui au destin de notre civilisation puisse nous protéger de crises beaucoup plus graves encore avec le tsunami climatique qui se lève à l’horizon. Le réchauffement du climat nous imposera, bon gré mal gré, un changement profond des valeurs qui sous-tendent notre civilisation occidentale. La perplexité actuelle qui occupe les esprits par absence de vision d’avenir, contribuera à accroitre toutes les divisions, les oppositions et les manipulations, à grand renfort de déni de la réalité, de non-dits prudents et de complotismes hystériques.

Si la culture coke a un avenir, souhaitons que ce soit dans cette voie de sauvegarde qui permettra de contourner une nouvelle forme de totalitarisme, celle de la vengeance, et de consacrer ses forces à une redéfinition indispensable d’une civilisation humaniste.

« Black lives matter » reste à ce jour une expression séparatiste en réponse au dépérissement constante des droits civiques en Amérique. Elle est légitime mais ne peut être confondue avec une proclamation universelle. Face à la généralisation de ces situations en rapport avec les multiples fracturations de l’humanité, il serait préférable de désigner son ennemi par son intention belliqueuse plutôt que par sa couleur de peau, même si la blanche est la plus intrusive. C’est contre tous les processus de domination d’un groupe humain sur un autre qu’il faut se mobiliser en commençant par mettre à bas tout ce qui entretien les divisions par le mépris, l’esprit de vengeance, la haine sectaire et tous les fantasmes de puissance et de suprématie…Sans oublier bien sûr le productivisme, prédateur de la Nature et réducteur des Hommes.

 La peur du lendemain, aggravée par l’impuissance des Etats dont nous avons pris la mesure à l’occasion de la crise sanitaire, nous enjoints de mobiliser toute les forces vives afin de donner à un projet humaniste véritablement universel une chance d’émerger du chaos.

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