Pour une 6 ieme République réparatrice.
Comme dans les courses de patinage qui nous ont été proposées à l’envie par les JO de Pékin, nous voyons surgir à la sortie du virage le bolide Mélenchon qui s’est extrait du peloton de Gauche…. Enfin. ! La tortue s’est transformée en lièvre et le public applaudit bien au-delà de la tribune des supporters historiques.
Jean Luc est un homme très estimable autant par le cœur que par la raison ; Je l’ai connu en 2011 quand il est venu voir Danielle Mitterrand à Latché quelques semaines avant qu’elle nous quitte*. Il avait fait ce déplacement discrètement à l’aube d’une période électorale présidentielle pour partager avec elle les convictions humanistes que les « socialistes de pouvoir » avaient abandonnées au profit de la surenchère libérale.
Ils avaient beaucoup parlé de la laïcité, de la fraternité, de l’altermondialisme, des valeurs républicaines, de la diversité de notre espèce humaine et, enfin, du respect des ressources de la nature.
Je retrouve tous ces thèmes dans les propos de campagne des Insoumis formulés dans un admirable programme d’actions**qui ouvre une perspective que certains jugeront révolutionnaire mais qui propose tout simplement de rendre au peuple sa souveraineté démocratique, économique et idéologique. Pour cela il suffit de redonner du sens à nos dispositions républicaines fondamentales en commençant par la Constitution qui fonde notre identité collective.
Cependant, pour que ce programme puisse s’imposer comme une stratégie globale dans un projet de nouvelle Constitution, il ne peut pas être porté par un seul parti politique, aussi estimable soit-il.
De plus, il est essentiel que ces dispositions soient opposables collectivement aux menaces extrêmes et globales qui se lèvent à l’horizon et dont personne ne peut plus nier l’existence. C’est là que, pour ma part, je trouve une nouvelle raison de convoquer une Assemblée Constituante pour prendre en compte, au plus haut niveau de la réflexion politique, le risque planétaire que nous fait courir l’évolution du climat. Sa transformation, irréversible à terme, est à la fois le dénominateur de toutes les détériorations écologiques et la cause de notre impuissance à y porter remède. C’est pourquoi il est essentiel que notre pays intègre dans ses principes constitutionnels, de façon durable et sans polémique inutile, l’impérieuse nécessité de répondre à la crise environnementale qui, sinon, s’aggravera inéluctablement par l’effet des contraintes et contradictions que nous opposent le libéralisme inique, destructeur et mensonger.
Disons-le clairement, la 6ième République sera la république en charge de réparer les dégâts de la précédente par un changement majeur de paradigme. Sinon cette tentative sombrera dans le trou noir des agitations technocratiques
Cela veut dire que les humains doivent impérativement changer à la fois de mode de vie et de source d’énergie. C’est une priorité absolue qui traduit concrètement qu’il ne s’agit plus d’adapter la vie des hommes à leurs désirs mais à la seule satisfaction de leurs besoins vitaux. Ceci implique une massive décroissance du gaspillage des ressources vitales et une modération de l’exploitation de la nature limitée à sa capacité de renouvellement.
Nous savons que la planète ne peut pas fournir à l’humanité les ressources communes dont elle a besoin pour vivre selon le modèle civilisationnel productiviste actuel. Ce déséquilibre entre ressources et désir de croissance, connu depuis longtemps, est considérablement aggravé par l’énergie elle-même, son origine et son emploi.
En effet, l’utilisation de l’énergie thermique produite à partir des combustibles fossiles, implique une production « à l’air libre » de gaz à effet de serre (GES) responsables du dérèglement climatique. Celui-ci menace non seulement l’humanité mais aussi toutes les manifestations du vivant par un réchauffement global de la biosphère.
De plus, la facilité d’extraction des combustibles fossiles, de leur transport, stockage et emploi, rend possible à peu de frais une croissance inflationniste des activités prédatrices de l’humanité. C’est ainsi que s’autoalimente au bénéfice d’une minorité le déclin de la civilisation.
Enfin, les crises géopolitiques actuelles, qui ont toutes leurs sources dans la compétition des Etats pour l’accès aux énergies fossiles, se multiplient au moment même où nous prenons conscience de leurs limites. Faudra-t-il encore longtemps – sous de faux prétextes- envoyer nos militaires se faire tuer à l’autre bout du monde pour protéger « notre » pétrole et notre gaz, causes les plus évidentes de la fragilité de la civilisation ? Faudra-t-il encore longtemps subir des chantages à l’approvisionnement énergétique indispensable au productivisme insensé de l’économie libérale. Faut-il encore parler de neutralisation du terrorisme quand celui-ci n’est qu’un prétexte afin de justifier une présence armée en charge de protéger nos ressources énergétiques et nos activités néocoloniales.
Nous ne pouvons qu’approuver la clarté de la position des Insoumis dans tous ces domaines. Elle nous invite à recourir à la fois à l’intelligence et à l’imagination pour passer à l’action car :
-ne rien faire-ou pas assez- conduirait à une autorégulation violente et quasi automatique de la démographie et exposerait l’humanité à des désordres majeurs.
-ne rien faire, c’est abandonner l’écologie elle-même au marché, au profit productiviste, à ses fantasmes post humanistes et à une uniformisation consumériste contraire à l’indispensable variété de notre espèce.
-ne rien faire, c’est admettre l’irréversibilité d’un déclin majoritaire au profit d’une minorité de jouisseurs toujours plus affamés. C’est consacrer une humanité à deux vitesses, justifier les dominations et alimenter les injustices et les violences populistes, voire totalitaires.
Ce soutien aux Insoumis n’est pas qu’une simple marque d’adhésion fugace et superficielle. Je partage la conviction qu’un autre monde est possible avec tous ceux et celles qui en appellent à de nouveaux principes de vie fondés sur la croissance des valeurs humanistes immatérielles, la promotion du savoir scientifique et culturel pour tous et la reconnaissance constante de l’Autre comme un autre soi-même.
Michel Joli
*J’étais alors Secrétaire Général de France libertés, Fondation Danielle Mitterrand.
**Jean Luc Melenchon : L’avenir en commun ; Ed Seuil 2021