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Billet de blog 10 janvier 2023

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Pourquoi parlons-nous de Vlad le destructeur ?

Vladimir Poutine s'inscrit dans une lignée qui vise, depuis des centaines d'années, à détruire l'Ukraine, culturellement, politiquement, spirituellement. C'est pourquoi nous préférons le qualifier de "destructeur" sur le modèle de Vlad l'empaleur, un héros/criminel imaginaire, fabriqué à partir d'un personnage réel : Vlad III, prince de Valachie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Parler de Vlad le destructeur, c'est d’abord une référence « historique » à Vlad l’Empaleur. Celui-ci, Vlad III, surnommé Țepeș (l’empaleur) ou Draculea (le petit dragon) né en 1431, mort à 1476 (à 45 ans), devint prince de Valachie en 1448. La Valachie occupait la partie sud de l’actuelle Roumanie, à côté de la Transylvanie et de la Moldavie. Vlad III connut beaucoup de mésaventures – avec les Ottomans, avec des boyards assassins de membres de sa famille, avec des marchands de Transylvanie – et fit parfois montre de cruauté (comme nombre de ses contemporains), mais n’a probablement jamais fait empaler quiconque. L’Ordre du Dragon (auquel il appartint, d’où son 2esurnom), société chrétienne opposée aux ottomans, tenta de résister à leur invasion, sans grand succès puisque Constantinople tomba aux mains des Turcs en 1453.

 N’est-ce pas alors une erreur d’assimiler Vlad Poutine à Vlad III prince de Valachie ?

Non, si on parle du Vlad de la légende : empaleur et suceur de sang.

Que fait Poutine ?

Il tente de détruire le peuple ukrainien, en tant que celui-ci prétend à une identité qu’il ne saurait posséder : l’Ukraine n’est qu’une région de la Russie, l’ukrainien n’est qu’un patois du russe, la religion que pratiquent en majorité les Ukrainiens (orthodoxie autocéphale, accordée début 2019) est une attaque à l’unité spirituelle de la sainte Russie. Les « vrais » Ukrainiens sont russophones, russophiles et adhèrent à la tradition de la « Grande Russie », d’Ivan IV (le terrible) à Nicolas II (le dernier tsar « de toutes les Russies »).

La destruction passe par des voies déjà empruntées par Catherine II, puis par Staline : chasser les Ukrainiens de leurs terres et les remplacer par des Russes et des Européens, abolir les institutions ukrainiennes (faire de l’Ukraine une province russe), s’emparer des richesses produites en Ukraine (céréales, métaux), transformer les Ukrainiens en « petits Russes ».

Dans les oblasts (régions) dont l’armée russe s’est emparés (en 2014 et en 2022) la langue et l’enseignement sont russes, l’administration ne parle que russe et les passeports, et autres pièces d’identité, sont russes.

S’y ajoute, une nouveauté semble-t-il, l’enlèvement d’enfants Ukrainiens pour les élever ensuite comme des Russes.

S’y ajoutent les destructions des lieux de production et des réseaux de distribution d’énergie et d’eau potable.

Ces destructions systématiques semblent aberrantes puisque l’Ukraine est une partie de la Russie. Mais voilà : les dirigeants actuels de l’Ukraine sont des ennemis de l’Ukraine, en tant qu’elle est russe, car ils s’allient aux néonazis, aux ultranationalistes et autres criminels.

Il est probable que Poutine ne démordra pas de ses croyances : il détruira tout ce qu’il pourra, avant d’être détruit lui-même, car il ne connaît pas d’autre voie.

Michel Juffé & Vincent Simon, Vlad le destructeur. Pourquoi l'Ukraine ne veut pas être russe, éd. l'Elan des mots, septembre 2022.

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