Une enquête Harris menée pour RTL relève que 44 % des Français ont déjà payé des biens et services au black.
L' économie souterraine, la débrouille, l'auto-suffisance, la progression du troc et des échanges de biens et de services sont-ils autant de caractéristiques d'une société où le civisme et la solidarité n'ont plus cours ?
Peut-être s'agit-il surtout d'une obligation et le seul moyen de subsister pour une partie de la population non déclarée, financièrement aux abois. Qu'elle soit jeune, d'âge moyen ou âgée, urbaine et rurale.
Cette économie parallèle institutionalisée dans les faits, en France comme dans l'ensemble des pays sud-européens, est une nécessité et une question de survie pour un nombre croissant de gens en âge et en état de travailler. Il est bien inutile de prétendre réformer une structure sociale en déshérence, sans changer radicalement le système économique et financier qui a cours.
Il ne sera même pas la peine d'évoquer à nouveau la rengaine ressassée à droite du coût du travail. D'autant que le travail et en conséquence l'argent font défaut pour beaucoup de concitoyens autour ou largement au-dessous du seuil de pauvreté. Il ne s'agit plus non plus de vouloir s'en prendre à ceux qui bénéficieraient du privilège d'un travail et de conditions de travail acceptables et/ou d'une protection sociale raisonnablement dignes d'un pays développé. D'ailleurs les "opérateurs" qui sont les premiers à avoir recours au travail au noir, sous toutes les formes imaginables, sont ceux qui ont au moins un peu de marge économique et qui "permettent" parfois aux plus démunis de survivre.
Le courage politique est ailleurs. Il consisterait à lutter d'abord contre les fraudes et évasions fiscales de toutes natures. A contrôler les subventions publiques accordées sans véritables contreparties à de nombreuses activités privées non productives. A renoncer avec une même volonté de changement à continuer à accorder des privilèges, exhorbitants du droit commun, à un grand nombre de catégories nanties. Comme le sont par exemple et généralement les rentiers riches, les exilés fiscaux, les politiciens professionnels, les membres de la haute fonction publique, de nombreux patrons d'industries subventionnées, de l'agro-alimentaire à la presse, en passant par le BTP, les prétendus instituts de formation etc. Quand, dans le même temps, on s'abstient de pénaliser la financiarisation d'entreprises peu ou pas génératrices de richesse pour la collectivité et juteuses pour les actionnaires.
Une fracture sociale du travail divise le pays. Elle s'est installée frontalement entre ceux qui profitent du système, par leur position ou par héritage, et les victimes du système : pauvres, chômeurs, déclassés de toutes sortes, affaiblis par un système sans pitié ni bienveillance à l'égard des laissés pour compte du capitalisme dit libéral qui ravage autant que l'a fait le capitalisme d'Etat à la soviet.
La vraie ligne de partage s'apparente à la lutte de classes. Qui est en train de renaître activement en ce moment, si tant est qu'elle avait disparu. Le front de classes revient en dépit d'une confusion des situations, voire des opinions. Celles qu'a entretenu, par exemple, le mouvement hétéroclite dit des bonnets rouges. Cet exemple de populisme et de démagogie est de ceux qui ouvrent la porte aux débordements anti-démocratiques.
Le black, l'illicit work, le travail clandestin et les clandestins du travail sont un désastre pour la démocratie. Ils engendrent un sous-prolétariat condamné à la survie et peu enclin à la révolte, dont profitent, provisoirement, bien sûr, tous ceux qui ont de quoi payer. Avec ou sans TVA et charges sociales.