Le Télégramme publie ce lundi 21 octobre 2013 un entretien très intéressant du ministre de l'agriculture, Stéphane Le FOLL, accordé à Frédérique LE GALL, concernant la situation désastreuse de l'agro-alimentaire en Bretagne et le sort réservé aux salariés victimes de l'échec du modèle agro-alimentaire breton, encore défendu par quelques passéistes de l'économie libérale mais assistée.
Des milliers de licenciements sont intervenus depuis un an, et d'autres seraient à venir, dans les entreprises Sabco-Tilly, Doux, Gad, Marine Harvest, Jean Caby, et parmi les sous-traitants directs et indirects, en amont comme en aval de la filière, des éleveurs, transporteurs et services divers.
Certaines communes et cantons de Bretagne, qui s'étaient voués à cette mono-industrie de l'agro-alimentaire, sont en train de perdre la substance même de leur tissu économique et social.
Il s'agit d'une vague de destruction d'emplois sans précédent depuis la grande marée du naufrage de la vocation électronique de la Bretagne, qui avait commencé à se développer au début des années 1960, créant des dizaines de milliers d'emplois qui avaient largement contribué au développement des emplois industriels à Brest, Lannion et Morlaix, notamment. Ces emplois sont morts pour l'essentiel et depuis un moment déjà sous la concurrence des pays émergents en croissance. Le sort de l'automobile, avec PSA qui avait transformé la région rennaise, n'est guère plus engageant.
En faisant dans l'entretien du Télégramme un tour d'horizon assez complet d'une situation inextricable dans l'agro-alimentaire breton, le ministre met aussi en exergue quelques évidences bonnes à rappeler. A demi-mots peut-être, et prudent comme un ministre exposé en première ligne, il décrypte cependant un certain nombre de non-dits qui font mal à certains potentats de la mouvance néo-libérale agricole. Celle des petits maîtres de la nomenklatura du monde agricole qui font la loi dans les banques, ces "caisses" dites encore coopératives pour abuser les sociétaires. Les "coopés" d'antan, celles qui faisaient la fierté des anciens paysans qui avaient su se rassembler pour s'entraider, cultiver et vendre leurs produits, sont devenues des monstres capitalistiques comme les autres se foutant bien du sort des adhérents.
Voici donc quelques exemples des aveux à peine masqués du ministre Le Foll. Ils transparaissent dans son entretien concernant la situation explosive de l'agriculture en crise en Bretagne. En crise ? Sûrement pas pour tout le monde.
1) Un socialiste, en l'occurence un ministre important, constate que l'Etat ne peut pas grand'chose en économie libérale, surtout quand le système foire.
2) La fin des restitutions de l'Union européenne n'est pas tombée du ciel, elle est prévue depuis 10 ans.
3) Le choix de laisser tomber l'usine de Lampaul-Guimiliau, Finistère, est un choix de Gad-Cecab et non une catastrophe naturelle.
4) Il semble désormais avéré qu'il n'y a pas de repreneur du site en l'état de l'outil industriel à Lampaul-Guimiliau.
5) L'investissement dans l'outil industriel et sa modernisation ont été insuffisants quand la situation financière le permettait. Regardons donc un du côté des anciens actionnaires.
6) Les coopératives agricoles, Cecab, Prestor etc. sont loin d''avoir apporté à l'usine et à ses travailleurs la solidarité qu'ils étaient en droit d'attendre pour soutenir la pérennité de l'outil de travail.
7) L'écotaxe votée sous Sarkozy après le Grenelle de l'environnement n'avait pas soulevé d'hostilité particulière. Elle devient aujourd'hui le fer de lance et le symbole d'une union sacrée de circonstance qui a du mal à convenir des raisons véritables de l'échec industriel et social d'un système de marchés non compétitif.
Le ministre Le Foll, impuissant sur le fond, comme ses autres collègues ministres bretons, -eux bien absents d'ailleurs sur le sujet depuis les prémisses de la catastrophe annoncée, comme Marylise LEBRANCHU, Jean-Yves LE DRIAN, Benoît HAMON-, tente cependant, assez courageusement, de remettre à l'heure quelques pendules. Quelques pendules à coucous bruyants mais particulièrement déphasées. Mais quant au fond du sujet, sur le drame humain ? Quelques subsides d'Etat pour calmer la meute des aboyeurs unifiés de la droite, et surtout rien de sérieux pour les ouvriers licenciés. Que la promesse de multiplier les postes de conseillers à Pôle emploi. Sinon la valise et l'exil. Mais où ?
Mais qu'on ne demande pas aux socialistes, ceux du gouvernement, d'être les horlogers de la remise en marche du mécanisme en échec.
Ils n'y peuvent rien. Nous ne sommes ni en économie planifiée ni même administrée, ni en régime socialiste.
Peut-être manque-t-il d'ailleurs, et cruellement pour les travailleurs démunis, d'un homme de la stature d'un De Gaulle comme 1945 pour redresser le pays et redresser son économie sinistrée ? Mais qu'ils iront peut-être chercher d'un autre bord. Ou alors, vite un programme social commun de gouvernement pour gérer la France. Pour éviter, tant qu'il est encore temps, de sombrer définitivement dans le capitalisme sauvage et/ou le mondialisme dévastateur.