Le Télégramme du samedi 24 août a cru pouvoir titrer à sa "Une" : Marées vertes : un important reflux. Le titre triomphant du quotidien de la pointe de Bretagne a fait bondir plus d'un lecteur. Au demeurant, le dossier des pages intérieures du quotidien fait état d'une réalité beaucoup plus contrastée sur le terrain. Et l'article évoque une évolution légèrement favorable due plus à la bonne conjoncture climatique qu'aux efforts réels de quelques éleveurs. Le contenu de l'article faisant ainsi mentir grossièrement le titre de présentation en première page.
PAS DE QUOI PAVOISER
On croyait avoir progressé dans la prise de conscience de la pollution de l'eau. Malgré des cocoricos hâtifs, l'examen précis de la situation par les scientifiques laisse toujours craindre le pire pour la qualité de l'eau publique et la salubrité des estrans.
Sous prétexte que la situation se serait légèrement améliorée dans certains secteurs, en raison de la bonne volonté des éleveurs les plus consciencieux dans quelques bassins versants et du travail tenace des collectivités, il serait déraisonnable de dédouaner le monde agricole intensif de pratiques qui ont abouti à la situation actuelle. Certains captages importants, comme celui de l'Horn, par exemple, insalubres, ont dû être fermés et remplacés par de nouveaux captages, à très grands frais pour la collectivité.
La France est toujours sous la menace de très lourdes pénalités de la part de l'Europe pour ses taux de pollutions importants.
Beaucoup de secteurs des côtes finistériennes et costarmoricaines sont affectés par des taux excessifs en nitrates, phosphates et herbicides, relevés en 2012-2013 dans les cours d'eau. Ils demeurent très alarmants et nettement au-dessus des normes tolérées. Il suffit pour le savoir de regarder les cartes établies par les départements et de consulter les statistiques publiées par les syndicats des bassins versants, dans toute la Bretagne.
On ne peut donc se satisfaire de quelques améliorations, parfois conjoncturelles et climatiques, parfois consécutives à une prise de conscience réelle des dangers. Sans même évoquer, en outre, dans le processus de retour à la salubrité des eaux courantes, la disparition "sauvage" de zones humides entières qui jouaient un rôle primordial dans le filtrage des eaux de surface. Et qu'il sera désormais très difficile de rétablir ou de compenser, comme l'exige la Loi sur l'eau.
On ne peut pas se féliciter de la situation ni de répits relatifs observés ici ou là. Et d'ailleurs la lecture attentive de l'article paru dans Le Télégramme le samedi 24 août corrobore tout à fait le fait que rien n'est réglé pour la quasi totalité du territoire breton, du nord au sud, sur les côtes de La Manche comme sur le littoral atlantique.Certains esprits peu scrupuleux ou intéressés à ce que rien ne change voudraient minimiser les causes et les effets de l'importante présence d'algues vertes sur la côte bretonne, en particulier dans les baies de Lannion, Saint-Brieuc, Douarnenez, Fouesnant, et celles du Haut-Léon, zone en grand danger. Mais leur responsabilité propre, façon de parler, et celle de leurs soutiens doit être dénoncée. Les impôts de tous les contribuables sont effectivement mis à contribution pour pallier la négligence de quelques irresponsables. Et la santé de tous est menacée.
DES CHIFFRES IMPITOYABLES
Eaux et Rivières a récemment mis en relief, sous forme d'infographies, les statistiques officielles relevant la part respective des catégories de contributeurs à l'impôt sur le traitement de l'eau. On y voit clairement que les pollueurs, qu'ils soient agricoles ou industriels, ne sont majoritairement pas les meilleurs contributeurs à l'effort de remise en état des zones touchées par les pollutions, pour l'essentiel à la charge des particuliers. Victime dans sa santé, le citoyen supporte aussi une injustice sociale et fiscale inacceptable et c'est la double punition.
Nota. Sur ce sujet extrêment sensible et biaisé par le lobby porcin breton et ses soutiens, les défenseurs locaux de l'environnement, et en particulier Yves-Marie Le Lay, président de l'association Sauvegarde du Trégor, n'ont pas tardé à protester contre le parti-pris du quotidien finistérien, dont ils disent, et le lecteur peut s'en rendre compte, qu'il fait peu de cas de leurs réunions d'information tant dans l'annonce que dans le compte rendu de celles-ci comme de leurs interventions sur le terrain. C'est d'ailleurs pourquoi, les défenseurs bretons de l'environnement, pour une fois agréablement surpris, avaient applaudi chaleureusement la lecture faite au haut-parleur de l'excellent billet de l'écrivain Hervé Hamon paru dans Le Télégramme au moment des manifestations sur la vasière meurtrière de Saint-Michel-en-Grèves (22) à l'été 2009. Le Télégramme n'ayant généralement pas bonne presse auprès des défenseurs de l'environnement s'estimant peu écoutés de la part de la direction éditoriale du quotidien majoritaire dans le Finistère.