L’exercice consiste à voir les enseignements que l’on pouvait retirer à la veille du scrutin sur la base des sondages effectués en dernière semaine.
Tout d’abord on constate l’habituelle convergence des différents instituts lorsque l’on approche du verdict. Si l’on met de côté le sondage Harris sur lequel j’ai des doutes en raison de sa mauvaise « reconstitution » du vote 2017 et Elabe qui aime être en dehors des clous - ici en donnant Le Pen à 25% -, globalement, Mélenchon fluctue entre 16,5 et 17,5 ; Macron entre 26 et 26,5 ; Pécresse entre 8 et 9 ; Le Pen entre 22 et 24 et Zemmour entre 8,5 et 9. De si faibles amplitudes ne peuvent être compatibles avec des sondages indépendants et reflètent des rapprochements vers la moyenne. Cela n’entraîne pas que la moyenne soit une bonne estimation comme on le croit souvent car il existe des biais de même nature pour les échantillons auto-recrutés des access panels.
Ensuite l’estimation de la participation se fait au doigt mouillé car on ne peut espérer faire une estimation sur la base d’échantillons ayant un biais d’intérêt pour la politique. En question directe autour de 95% disent vouloir aller voter. L’usage de l’échelle de 0 à 10 pour la déclaration de participation est arbitraire et inopérant. L’intuition se portera sans doute sur une participation plus faible qu’en 2017 ne serait-ce qu’en raison du pessimisme ambiant relayé dans les médias qu’ils ont amplifié avec des micro-trottoirs bien orientés. Une bonne surprise n’est donc pas à écarter.
Concernant les scores des candidats on peut regarder déjà quels sont les effets des redressements sur la base des reconstitutions opérées par les enquêtés dans leurs déclarations de vote au premier tour 2017 – la variable utilisée par tous, quelquefois avec une autre élection - ainsi que de la matrice de répartition des votants pour chaque candidat en 2012 sur les candidats 2017. On ne dispose pas de ces éléments pour tous les sondages, loin s’en faut, mais on trouve suffisamment de régularités dans les chiffres disponibles pour tirer des conclusions. On constate qu’en moyenne Mélenchon gagne 2,5 points par le jeu des redressements, Macron perd 1,8 points, Pécresse gagne 3 points, Jadot perd 0,7 points et les autres perdent ou gagnent moins de 0,5 point. Par exemple Pécresse gagne substantiellement du fait que 80% de ceux qui déclarent vouloir voter pour elle ont voté pour Fillon en 2017. Or Fillon, qui a laissé peu de trace et a été perdant, est fortement sous-estimé dans la reconstitution 2017, impliquant un coefficient rectificatif de 1,33 qui va peser sur la plupart des votants Pécresse. Le vote Mélenchon de 2017 est également assez déficitaire ce qui explique que son vote 2022 est notablement réhaussé. Voilà les artefacts découlant des redressements.
Mais cela ne permet pas de conclure pour autant que tel ou tel candidat est sur- ou sous-estimé dans son intention de vote. En effet tout dépend du biais de départ sur les estimations brutes avant redressement. On a peu de données de la part des sondeurs sur ces biais de leurs panels et il n’est pas sûr que ceux-ci soient identiques d’une élection à l’autre. Personnellement j’ai pu voir que les panels surestiment légèrement le vote Le Pen et donc je pourrais pronostiquer que son score sera proche de la réalité. Mais ce n’est pas tout, il faut aussi prendre en compte les rectificatifs manuels apportés encore après les redressements. Donc prudence, attendons les résultats. Quoique, je serais tenté d’avancer à mes risques et périls que le score de Pécresse sera plus faible que ce que nous ont dit dernièrement les sondages et celui de Mélenchon peut-être un peu plus faible. Bref, on verra ce soir.
Notons que les évolutions dans le temps méritent considération. En effet autant les niveaux sont sujets à caution en raison des biais autant les variations ont un sens du fait que les biais restent identiques. Ainsi il est sans doute vrai que les scores de Macron et de Le Pen se sont effectivement rapprochés vers la fin, que les scores de Pécresse, Zemmour, Jadot se sont effondrés peu à peu.