« Elle ne se laisse capter que dans un récipient » : eau secours !
Dans un mois, il y aura le printemps maraîchin pendant trois jours.
Je sais pas si je pourrais y aller. Je marche mal dans les chemins blancs. Mais vous pouvez venir.
Depuis quelques années, dans nos belles plaines, des humains sûrement sans enfant ont imaginé un truc diabolique : piquer l’eau.
Y creusent, y creusent des méga-bassines. Pas toutes hyper méga genre 18 hectares, parfois c’est 5 hectares. Mais faut rajouter la terre autour pour enfouir leurs canalisations, planter leur double barrière avec caméras, gardiens sans toilettes sèche mais avec des gentils chiens, algéco…
Ici, la mobilisation a commencé en 2018. Personne n’y comprenait rien, je crois. Enfin moi.
On a un marais, deuxième zone humide de France.
Une Venise verte si sauvage.
Oui mais faut du maïs, y paraît.
Pour qui, pourquoi ?
Pour l’exportation, nourrir les futurs steaks hachés.
Ah ouais ? Donc par là on déforeste, par ci on creuse des cratères bassineux, pour vendre des steaks hachés ? Ben dis donc, ça doit rapporter les steaks, si on investit autant pour construire des trucs qui saccagent tout : la vie passée, la vie présente et la vie à venir…la vie quoi, la terre, l’oxygène, la beauté...
Pourtant y paraît qu’y a un truc qui s’appelle GIEC, y disent que ça craint pour l’espèce humaine. Dérèglement climatique qu’y disent. Ben elles vont devenir quoi les bêtes devant leur maïs, si y a plus d’humains pour les transformer en steak ?
Ouais, on sait, mais avant que ça arrive, on a du pognon à s’faire. Et pis si c’est pas nous, c’est les autres qui en feront. Donc on n’a pas le choix.
Ah...d’accord, je comprends, on n’a pas le choix. Ok, suis con, si on n’a pas le choix, ben oui alors faut y aller dans l’investissement de la déforestation, des pesticides, des méga-bassines. Ça me rappelle un truc, on n’a pas le choix. Mais c’était pas en français. Comme je suis vieux (87 ans), j’ai la mémoire qui flanche.
Et y a un problème : pour le maïs, y faut de l’eau.
Y a la sécheresse…
Pas grave, on va creuser et pomper les nappes phréatiques. Pan !
Donc ok, on creuse, on pompe l’eau, rien que pour nos fabricants de steaks, on dit que l’eau elle vient de la pluie. Pis en plus y pleut trop, donc elle sert à rien si on met pas un récipient, une bassine quoi.
Pour creuser, on achète des terres arables.
On met un nom dessus par exemple M.Homard De Rugy, les personnes n’ont aucune importance. Aucune. C’est plus des personnes c’est des rouages. Des choses. Y déclament jamais de poésie.
Objets au service d’un projet bien plus étendu qu’une bassine.
Dans un mois, il y aura le printemps maraîchin pendant trois jours.
Je sais pas si je pourrais y aller. Je marche mal dans les chemins blancs. Mais vous pouvez venir.
Ici y en a qu’y pensent qu’y a une alternative aux récipients. Y sont joyeux, parfois un peu moins, mais courageux ça oui, chevelus ou pas, néo ruraux ou natifs de Mauzé sur le Mignon.
Y ont créé un collectif. Bassines Non Merci (BNM). Même que Médiapart, Radio Parleur, Reporterre, le Figaro le connaît le BNM. C’est dire.
On en est à 3 ou 4 préfets depuis le début du saccage. Ça vient de changer encore. On compte plus les auditions libres, les auditions pas libres du tout, les manifestations, les pas manifestations (rassemblement statique qu’y disent).
Moi comme je marche pas, j’ai jamais marché, je me promenais, c’est pas pareil du tout du tout. Du coup, je lis. Grâce aux trucs que je comprends pas pour l’eau.
Et je suis tombé sur une pépite
Réparer l’eau. 149 pages limpides...Merci, merci tant Olivier Rey.
Ça me fait penser à Bashung « ode à la vie, ode à la poésie. »
Le philosophe mathématicien y parle de Ponge, je connaissais pas, de bien commun, de Gustave Courbet, de l’agro industrie, du Tibet, de Christian Bobin, de starfish, de robinets qui fuient, du programme « Europe Horizon », de récipients...si si…
A la page 124 (Elle ne se laisse capter que dans un récipient)
Et pis, y parle de Pascal Lamy page 134. Ca me disait quelque chose mais je trouvais plus. Alors j’ai creusé. Wikipédia. Ça m’a fait peur. J’ai fermé tout de suite. Profession haut fonctionnaire, je savais même pas que ça existait. Et bas fonctionnaire ça existe aussi ?
Alors je préfère vous recopier la page 144 que j’aime trop de Réparer l’eau, comme ces combattants malgré eux de Bassines Non Merci :
Vous dites, bon, je vais me baigner. Mais il serait plus juste de dire : excusez-moi,
j’ai rendez-vous,
j’ai rendez-vous avec l’eau,
avant je la craignais, à présent je ne désire plus qu’elle,
elle est comme une femme, vous comprenez,
et même un peu mieux qu’une femme, oui, nettement mieux. [...] La peur n’est plus là.
Elle est partie avec la pensée.
La pensée n’est plus dans votre esprit. Elle n’est plus dedans mais dehors :
vous allez dans l’eau comme dans une pensée
qui se penserait toute seule, d’elle-même, sans vous.
Vous nagez longtemps
dans la pensée extérieure, dans l’eau du monde.
Longtemps l’esprit vide, le corps sans pesanteur.
Quand vous sortez de l’eau, ce n’est pas pour la quitter mais
pour la contempler encore mieux,
de plus loin,
de ce regard apaisé qui succède à l’amour.
Christian Bobin, L’inespérée. (p73)
J’espère que vous viendrez par amour à Mauzé sur le Mignon
les 25, 26 et 27 mars :
No bassaran !