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Billet de blog 7 juin 2022

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NUPES: Des candidatures "citoyennes" pour faire entrer "le peuple" à l'Assemblée

Dans un grand nombre de circonscriptions, l'accord de la NUPES a eu pour effet de barrer la route de l’élection à de nombreux récidivistes de la candidature et, du coup, de dégager cette même route pour des candidat(e)s représentatifs/tives d’une citoyenneté de base audacieuse et d’un militantisme de terrain déterminé.

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Des centaines de candidatures "citoyennes" pour faire entrer "le peuple" à l'Assemblée nationale

Une campagne d’élections législatives inhabituelle se déroule dans l’indifférence du plus grand nombre et sans que les médias ne donnent vraiment à en lire les enjeux et le déroulement.

                    L’accord de la NUPES a eu pour effet, dans un grand nombre de circonscriptions, de barrer la route de l’élection à de nombreux récidivistes de la candidature, parfois et même souvent déjà détenteurs de mandats électifs, et, du coup, de dégager cette même route pour des candidat(e)s proposé(e)s par La France insoumise pour la plupart non pas novices en politique mais représentatifs et représentatives d’une citoyenneté de base audacieuse et d’un militantisme de terrain déterminé, avec des individus issus d’horizons très divers, militantes et militants associatifs, ex-gilets jaunes, syndicalistes des services publics ou salarié(e)s isolé(e)s des petites entreprises, animatrices et animateurs de listes « citoyennes » aux dernières élections municipales, etc.

                   Et, loin d’afficher un pédigrée de membre du cabinet de ceci ou cela, d’assistant(e)s parlementaires de tel(le) ou tel(le), ces candidat(e)s venu(e)s du terrain et du terroir, appartenant souvent au monde des ouvriers et des employés, jeunes en cours d’études, salarié(e)s sans emploi, jeunes mères isolées, syndicalistes, ex-gilets jaunes, membres des minorités discriminées, toutes et tous parlent un autre langage, décryptent le « programme partagé » de la NUPES à leur façon et à partir de leur « vécu », disent avec émotion leur espoir d’un changement enfin rendu possible, bref révolutionnent la politique à gauche.

                  Certes, il y a ici et là des situations moins claires, des parachutages, des manœuvres d’appareil, des carriérismes qui s’en sortiront, mais sur les 577 circonscriptions ce n’est pas ce qui domine : dans bien des endroits la NUPES a investi des candidat(e)s venu(e)s de cette base citoyenne qui cherche sa voie depuis déjà quelques années. Quel contraste avec la vague macroniste de 2017 faite de ces centaines de candidatures « sur CV », soi-disant venues de la « société civile » et, en réalité, on l’a vu à l’usage, clonées à partir d’une seule matrice, celle du « jeune candidat disruptif, compétent, moderne et tellement sympathique et bien élevé » qui leur servait de mentor et bientôt de maître !

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                    Ces quelques phrases me viennent après avoir participé à un petit rassemblement de campagne électorale dans les Hautes-Alpes, au pied du « kiosque » municipal, avec prise de parole, débat, buffet et prestation d’un groupe musical local.

                    Une campagne locale et sans bruit dont l’enjeu est IMMENSE : renvoyer dans ses pénates et sans préavis le député sortant macroniste qui postule sans honte à un quatrième mandat, un de ces ralliés de 2017 à l’opération de marketing macroniste qui se montait alors, un de ceux qui voyant l’étrange aventure à relents bonapartistes qui s’annonçait s’y précipita, un de ceux qui avait senti la bonne affaire dans la prise de pouvoir par effraction qui se préparait. Renvoyer à son jardin ce technocrate usé, ce vieux politicien venu de cette « gauche » sans principes et sans scrupules qui, sentant l’aubaine, a eu en effet son bol de lentilles en paiement de sa trahison, en l’occurrence un poste de rapporteur général du budget puis de ministre, un de ces notables boursoufflé, très 3e ou 4e République, que personne ne connaît en dehors du département mais que tout le monde reconnaîtra désormais depuis qu’on l’a vu se déhancher en direct, lourdement, rigolard et pathétique, au petit rassemblement du Champ-de-Mars au soir du second tour de l’élection présidentielle.

                     Face à ce représentant de ce que la politique produit de plus rance, la NUPES présente un duo de jeunes candidates qui, si elles ne font certes pas leurs premières armes à cette occasion, n’ont malgré tout que leur cœur et leur intelligence pour assurer la mission dont elles sont investies ; tout apprendre en même temps, essayer de dérouler au mieux les principaux points du programme, savoir se présenter et trouver le contact, arriver à faire de la simplicité de leur identité sociale (qui pourrait les desservir auprès de certains électeurs/électrices) une force, aller sans se démonter au-devant des questions difficiles à traiter voire des inévitables provocations plus ou moins malveillantes, donner toute sa place à leur expérience de militantes de terrain pour justifier et nourrir leur prétention à vouloir devenir des élues du peuple – « la République, c’est moi ! » –, être amenées après avoir défendu tant d’initiatives « citoyennes », jour après jour, mois après mois, de se sentir complètement citoyennes en effet, légitimes, à leur place et conquérantes dans cette bataille pour un siège de députée, avoir finalement conscience que leur possible arrivée au Palais Bourbon dans quinze jours, en cohortes, par dizaines et par dizaines, pourrait contribuer à changer le visage de la France et permettre de mettre en route une histoire qui ne pourra ensuite se comparer qu’à celles de 1936, 1945 ou 1981.

                       L’élection législative de juin 2022 dont des journalistes-perroquets vont répétant que « ce n’est pas une élection mais 577 élections » a pour premier enjeu, partout, dans chacune des 577 circonscriptions de France, la possibilité d’une révolution sociale à l’Assemblée nationale, d’une revanche sur la submersion réussie en 2017 par la jeunesse branchée macroniste, sur-diplômée, mondialisée, startupisée, arrogante et sûre d’elle-même, rayonnante et dominatrice, héritière et imitatrice inconsciente (et pourtant copie conforme) des bandes de muscadins de 1793, des arrivistes corrompus du Second Empire et des phalanges royalistes étudiantes de l’Entre-deux-guerres. La possibilité en effet de l’installation – enfin ! – du peuple sur les bancs du pouvoir législatif.

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