Bon sang, comme c’est difficile ….
Voilà que « tout le monde » sait, en raison même des propres conditions de vie de chacun, que la société fonctionne sur des bases irrationnelles, en faisant le constat que, tel qu’il est, le « système » est inapte à offrir une vie sereine à chaque famille – c’est au contraire le règne du chacun pour soi –, inapte à répartir sur des bases justes les richesses produites – il faudrait remonter à l’Ancien régime pour voir autant de privilèges entre les mains d’une si petite minorité–, inapte à faire fonctionner et à développer les services publics, cette sorte de bien commun inventé au fil des générations auquel tous participent pour que tous en profitent – inapte, comme « tout le monde » a pu le constater dans le temps d’une génération, à faire vivre l’ambition d’une école égalitaire assurant la promotion de tous, à faire évoluer les chemins de fer qui vont à vau-l’eau, à assurer la fourniture d’énergie désormais livrée aux appétits les plus rapaces, à garantir l’accès aux autoroutes devenues une manne pour les boites privées du BTP les plus avides, à promouvoir la télévision abandonnée à la médiocrité, à la publicité, au bourrage des crânes, etc –, un « système » qui, finalement, confronté aux défis du dérèglement climatique, reste inerte devant la catastrophe annoncée, … « tout le monde » sait tout cela ! mais seule une petite minorité de citoyens s’en inquiète tandis que les autres vont leur chemin, pensent à Noël et aux soldes d’hiver, vont en vacances au bout du monde et achètent chez Amazon.
Et voilà que face à l’entreprise de destruction du système de retraite dont « tout le monde » sait qu’au bout du compte elle aboutira à l’obligation de cotiser à une retraite par capitalisation, comme on a déjà une assurance-vie quand on en a les moyens, c'est-à-dire au « chacun pour soi », seule une minorité de travailleurs salariés s’en émeut et s'oppose.
On a certes quelques centaines de milliers de gens dans les rues mais qu’est-ce que cela représente sur 66 millions de concernés ? Certes, pendant que les média répètent à l’envie qu’on aura « un système universel des retraites », personne pas même les pantins du petit écran ne croit à ces balivernes, tandis que chacun sait que cela ne donnera que des retraites croupion, calculées « sur l’ensemble de la carrière », à condition de bosser jusqu’à 64 ans minimum, avec des « points » qui, comme le point d’indice qui sert à calculer les traitements dans la fonction publique, pourront voir leur valeur bloquée, recalculée, diminuée au gré des gouvernements successifs, bref que ce sera la misère garantie pour la majorité des concernés. Mais, comme lors du vote des « lois travail » successives, ça ne fait bouger presque personne.
Système de retraites universel ? Mais qui fait le lien avec le conflit d’intérêt évident au sein de ce pouvoir congénitalement lié aux grands intérêts privés, aux banques, aux assurances et finalement aux fonds de pension ? Le président des riches est là aussi à la manœuvre : après l’impôt sur la fortune balayé, après le vote du CICE, après l’impôt sur les sociétés réduit à peau de chagrin, après tant d’autres mesures en faveur des riches, de la finance, du capital depuis plus de deux ans, la réforme des retraites n’a pas d’autre objectif que de transférer au capital privé l’immense, la colossale quantité de richesses représentée par le financement des retraites. Le libéralisme c’est une politique dont l’alpha et l’oméga consiste à drainer les richesses vers les riches et, « en même temps », c’est la volonté de détruire toute forme de solidarité, d’égalité et de justice, pour ne tolérer que compétition, rivalité, loi du plus fort. Et ce serait eux, les « libéraux » qui, sous le coup d’une « révélation » soudaine, voudraient instaurer un système de retraite juste ? « Personne » n’y croit. Mais l’immense majorité des citoyens reste passive, anesthésiée, tétanisée. Et au prochain rendez-vous électoral, tandis que les principales victimes de ce « système » s’abstiendront massivement, que d’autres donneront un vote stérile aux démagogues d’extrême-droite, idiots utiles qui sont, en dernière instance, les garde-chiourme de ce « système », il restera une portion conséquente de l’électorat pour voter sagement pour cette clique de fanatiques de l’injustice, marchant derrière Macron, que les bonimenteurs médiatiques leur auront sans finesse vendus comme les derniers produits de la modernité, jeunes, libres et « bankable ».
Quelques voix tentent d’informer et de secouer la paresse politique de la masse des citoyens. Par exemple en informant sur la loi Pacte qui prévoit que ceux qui cotiseront à une retraite par capitalisation verront leurs versements défiscalisés. C’est cela la vérité des libéraux : si vous êtes riches, vous aurez encore plus, si vous n’avez pas les moyens on vous prendra encore plus. Toujours plus de privilèges pour ceux qui ont déjà tout. Mélenchon évoquait récemment les « retraites chapeau » des « grands patrons », grands surtout comme prédateurs mais tout petits industriels en général ; pourquoi ne pas interdire les retraites chapeau dans le cadre du « système universel » des retraites en préparation ? Question stupide ! Il n’y aura pas de système universel, il n’y aura plus, après que les macronistes seront passés par là, que du « chacun pour soi ». Il ne restera qu’une société fondée sur les « valeurs » de soi-disant « winners », d’adeptes hallucinés de la « start up nation », quant aux autres que les « Marcheurs » piétinent sans les voir quand ils en croisent dans les gares, ils pourront bien crever. Et en silence, s’il vous plaît !