A quand le bûcher ? Une tyrannie naît sous nos yeux

Clémentine Autain 1 a déclaré, sur France Info le 2 février dernier, que « le profil de la France insoumise depuis un an n’a pas permis d’engranger des forces et nous a coûté. C’est un enjeu de profil, de certains positionnements, du clash, de manque parfois de solennité. » Elle a ajouté que, pour 2027, il fallait absolument une candidature unique et que « nous avons le devoir de gagner ».
Tandis qu’aucun représentant officiel de LFI n’a commenté ces propos, Jean-Luc Mélenchon qui n’est même pas un porte-parole, a vigoureusement réagi, dit-on, sur un réseau social interne du mouvement - vigoureusement au sens d’au-delà de toute proportionnalité : « Le sabotage de Clémentine Autain doit cesser ! Les coups dans le dos en période de campagne électorale ne sont pas acceptables. Qui entend dire, à part dans les classes moyennes supérieures et les journalistes amis des criminels de guerre, que nous reculons ? Partir serait mieux, plus honnête, plus respectueux humainement. Donc hors de portée. » Au sujet du peu d’échos des points de vue exprimés publiquement par François Ruffin, J.-L. Mélenchon aurait aussi écrit que « seules les personnes qui représentent officiellement le mouvement bénéficient de l’appui de l’orga(nisation). »
Le « gazeux », c’est cela…
Voilà où en sont rendues, au sein de La France insoumise, les conditions du débat politique ! En fait, le fondateur de LFI considère – et il le dit – qu’il ne doit pas y avoir de débat sur l’orientation du mouvement et qu’une seule voix doit se faire entendre ; pire, il prononce l’excommunication de qui ose exprimer une critique, même légère, ou une position différente de la doxa qu’il formule. D’ailleurs, il ne propose pas d’argumentation pour répondre à Clémentine Autain mais parle de « sabotage », de « coups dans le dos », et il suggère même une collusion de celle qui accompagne ses entreprises depuis plus de dix ans avec « les criminels de guerre »… !!! Un champ lexical qui fait de Clémentine Autain une traitresse. Bref, la mauvaise foi, le mensonge et les méthodes staliniennes s’additionnent chez Mélenchon pour priver toute voix différente de sa légitimité.
Le sort de Clémentine Autain est scellé ; celui de Ruffin, s’il persiste, est annoncé ; après Corbière et Garrido qui figuraient dans les dernières charrettes de mise à l’écart dans LFI - les dernières car il y en a déjà eu plusieurs autres, au fil des années, sans parler des milliers d’anonymes qui, vaccinés, se sont mis à l’écart - il se confirme pour qui en doutait que le mélenchonisme est une forme de tyrannie, d’autocratie ; qu’il est par principe hostile au pluralisme et qu’il constitue une menace pour l’esprit démocratique. Pour survivre au sein de LFI, il faut être « un proche » ou « une proche » de Mélenchon ; pour y avoir un avenir, il faut être soit un(e) suiveur soit un(e) complice, soit un(e) intime soit un(e)thuriféraire, soit un(e)porte-voix soit un(e) imitateur-trice ; sûrement pas un(e) « remontrant » qui est aussitôt traité d’hérétique et voué à la mise à l’écart.
Certes, Mélenchon ne pourrait pas éliminer Sébastien Castellion ni brûler Michel Servet mais sa cité de l’avenir – s’il avait les moyens de l’imposer – deviendrait sans doute, en peu de mois, la jumelle de la Genève de Jean Calvin 2…
1 Ajouté le 19 février : Voir le dernier billet de Clémentine Autain (qui n'est pas sans rapport avec celui-ci : https://clementine-autain.fr/silence-on-tourne/
2 « Il suffit qu’un homme doué d’une certaine puissance de suggestion se lève et déclare péremptoirement qu’il a trouvé ou inventé la formule grâce à laquelle le monde pourra se sauver pour que des milliers et des milliers d’hommes lui apportent immédiatement leur confiance ; et il est de règle constante qu’une idéologie nouvelle crée tout d’abord un idéalisme nouveau. Car celui qui apporte aux hommes une nouvelle illusion d’unité et de pureté commence par tirer d’eux les forces les plus sacrées : l’enthousiasme, l’esprit de sacrifice. (…) Ce qui, hier encore, avait été leur bonheur suprême, la liberté, ils l’abandonnent par amour pour lui (…). Une véritable ivresse de solidarité les fait se précipiter dans la servitude et on les voit même vanter les verges avec lesquelles on les flagelle. (…) Malheureusement ces idéalistes et utopistes se démasquent presque toujours au lendemain de leur victoire comme les pires ennemis de l’intelligence. Car la puissance pousse à la toute-puissance, la victoire à l’abus de la victoire (…). Ils n’ont pas assez de leurs courtisans, de leurs satellites, de leurs créatures, des éternels suiveurs de tout mouvement, ils voudraient encore que les hommes libres, les rares esprits indépendants se fissent leurs glorificateurs et leurs valets et ils se mettent à dénoncer toute opinion divergente comme une crime d’État. (…) Grâce à une organisation extraordinaire, Calvin avait réussi à transformer une ville entière, un État ne comptant que des citoyens libres, en une vaste et docile machinerie, à supprimer toute liberté de pensée, toute indépendance, au profit de sa seule doctrine. Rien à Genève n’échappait à son pouvoir. (…) La doctrine calviniste était devenue la loi et celui qui osait élever contre elle la moindre objection, le cachot, l’exil ou le bûcher, ces arguments définitifs de toute dictature, lui ont bientôt enseigné qu’à Genève une seule vérité était tolérée dont Calvin était le prophète. » (extraits de Stefan Zweig, Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin, 1936.)