Historien, membre du Groupe d'histoire sociale (GHS), recherches sur l'histoire des sciences et des milieux scientifiques.
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Fins de mois-fin du monde : face aux droites, le peuple, uni.
La convergence des mobilisations pour la justice sociale, fiscale et écologique, modifie le rapport des forces. Face aux droites, qu'elles soient derrière Macon, Wauquiez ou Le Pen, toutes opposées à tout ce que réclament ces mobilisations, il faut construire un peuple majoritaire, décidé à dégager du pouvoir tous les défenseurs des injustices et des inégalités.
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Fin de mois - Fin du monde : mêmes responsables, les droites ; même combat, le peuple.
Marche du siècle, 16 mars 2019, Paris
La convergence des mobilisations pour la justice sociale, fiscale et écologique, constitue un progrès dans la modification du rapport des forces. Samedi, il y avait, dans le cortège parisien, une forte présence de citoyens des banlieues, venus avec leurs revendications : « Police partout, justice nulle part ». Le déferlement de jeunes auquel on a assisté constitue aussi une donnée nouvelle. La présence nombreuse de gilets jaunes dans le cortège de la Marche pour le climat a changé la dominante de cette manifestation qui, sinon, aurait été très « bon chic-bon genre ». Ne pas oublier que si la cause écologique paraît défendue, trop souvent, par des « bobos », les premières victimes du désastre écologique et climatique, ce sont (et ce sera dans le futur) les milieux populaires ; les riches s’en foutent parce qu’il pensent qu’ils s’en sortiront toujours et parce que leur valeur de base c’est l’égoïsme de classe !**
Surtout, pour sauver la planète et pour changer notre modèle de production et de consommation, il faut soustraire la richesse à l’appropriation privée pour la mettre au service du « bien commun » ; il faut donc remettre en cause le capital, les intérêts égoïstes des actionnaires, la tyrannie du marché. Macron défend le système. Issu de la caste il n’a d’autre repère que les intérêts de la caste. Il est soumis aux intérêts privés, il se fout de la planète. Si nous voulons gagner contre Macron, nous devons devenir majoritaires et anticapitalistes.
C’est pourquoi il est temps que les gilets jaunes choisissent dans quel camp politique ils se placent. Le « ni droite - ni gauche », « tous pareils - tous pourris », slogans courants chez les gilets jaunes, courants aussi chez les abstentionnistes, c’est non seulement botter en touche, c’est non seulement choisir une impasse, mais c’est surtout faire le jeu de ceux qui sont au pouvoir et qui y resteront si on les laisse faire. L’illusion macroniste a pourtant fait long feu : tout le monde sait aujourd’hui que Macron est de droite ; certains ont cru que les macronistes étaient « jeunes », « modernes », qu’ils allaient faire autre chose… Il n’y a qu’un Villani pour tenter de maintenir le voile sur la réalité et tenter de pérenniser cette esbrouffe éventée. En deux ans, on a vu ce qu’il en est : ils sont pires que les autres, ils défendent les mêmes intérêts de la caste dominante avec en plus le cynisme, l’arrogance, l’égoïsme en bandoulière. Les macronistes, ils osent tout, c’est à ça qu’on les reconnait…
La droite, les droites, qu’elles soient derrière Macon, Wauquiez ou Le Pen, sont absolument opposées à tout ce que réclament et qui unit les gilets jaunes. Hausse des salaires, hausse du SMIC, taxer les riches, les actionnaires, les fraudeurs, rétablir l’ISF, taxer les pollueurs, les entreprises polluantes, les importateurs, etc… et même contre le RIC. Être de droite, c’est - comme ça l’a toujours été - être contre l’égalité, la justice, la fraternité ; c’est s’opposer au partage et à la solidarité, c’est défendre l’inégalité ; c'est éternellement recycler un vieux darwinisme social qui sied si bien aux belles âmes ; c’est promouvoir avec acharnement la compétition de tous contre tous, c’est « après moi le déluge ». L’humanité ne s’en sortira que si elle choisit l’entraide contre la rivalité, la mise en commun contre la propriété. On en est là !
Petit rappel historique : la droite d’aujourd’hui est contre le droit du travail, contre la hausse des salaires, contre les services publics, la sécu et les retraites. Rien de nouveau car la droite, dans le passé c’était l’opposition aux 40 heures et aux congés payés en 1936, ce fut le soutien massif à la dictature de Pétain étranglant la République, en 1940 (quand je dis la droite, je veux dire tout ce que la France comptait de patrons, de propriétaires, de rentiers, de magistrats, de journalistes, d’universitaires, le haut-clergé, l’armée, la haute fonction publique, etc…).
Ça n’est pas si compliqué : la droite c’est le camp des assujettis à l’ISF, c’est le parti de ceux qui ont (ou rêvent d'avoir) 150 m2 à Paris, le yacht et le Rotary Club, la villa sur la Côte, à Dauville ou à Saint-Tropez, le pied-à-terre à Megève et Courchevel, les « avoirs » au CAC 40, le coffre en Suisse et un compte aux Bahamas,… La droite, c’est le 16ème arrondissement, Auteuil-Passy-Neuilly, Versailles. C'est éventuellement l'électorat majoritaire à Nice et sur la Côte d'Azur. La droite c’est l’hostilité aux droits sociaux, à la garantie des salaires, à la limitation du temps de travail ; et aussi : la droite a été contre le droit de vote des femmes, contre la laïcité quand il s’est agi de séparer l’Église de l’État, contre l’école publique gratuite et obligatoire ; la droite s’est appuyée et s'appuie sur l’Église comme la corde soutient le pendu ; la droite a été et reste, souvent, contre la légalisation du droit à l’avortement, contre l’abolition de la peine de mort, contre le mariage pour tous. La droite a soutenu le retour de de Gaulle au pouvoir en 1958, par un coup d’Etat militaire, parce qu’elle croyait qu’il « sauverait » l’empire colonial… et, de nos jours, la droite qui fut massivement antisémite s'est reconvertie - au moins en façade - en anti-arabes, africains et migrants de toutes les provenances. La droite, c’est aussi la défense de la 5ème République parce que cette constitution lui garantit un pouvoir central fort tenant bien serrée la muselière sur la voix du peuple. La droite, c’est la défense des Traités européens actuels qui contraignent à l’adoption de politiques d’austérité, qui exigent le démantèlement des services publics, qui organisent à la mise en concurrence des salariés, et que interdisent l’harmonisation sociale et fiscale entre les pays. Last but not the least, la droite c’est s’appuyer sur la droite allemande pour mener à la baguette les peuples européens (cf : la Grèce). J’en passe… La droite a été royaliste et bonapartiste tant que cela a été possible ; quand il lui a fallu se résoudre à la République, ça lui est resté en travers de la gorge parce que la République c’est, en principe, le pouvoir du peuple pour le peuple et par le peuple, et que la droite c’est, au contraire, le pouvoir aux mains des « élites », le « Parti de l’Ordre », pour la conservation de l’ordre social, la défense des privilèges, le culte du chef, l’ordre moral éventuellement.
En ces temps où le pouvoir macronien se proclame « ni de droite, ni de gauche », la confusion est au maximum. Même certains gilets jaunes croient qu’en reprenant le même slogan ils font preuve d’esprit rebelle…
Manifestation Paris, 16 mars 2019
Agrandissement : Illustration 2
Et que dire de la droite et de la violence dans la société ? Ceux qui incendient le Fouquet’s et affrontent les CRS, même s’ils se font plaisir, desservent la cause populaire. Ils isolent ceux qui sont en lutte, ils affaiblissent les mobilisations, ils brouillent le message. La violence ne sert que le pouvoir. Il n'est que d'entendre ses hérauts appelant dans les médias au retour à l'ordre ! S’il le faut, ils iront jusqu’à nous massacrer, sans hésiter, comme lors de la Commune de 1871 (30 000 fusillés) ; ils appelleront l’armée ; ils proclameront l’article 16 de la Constitution qui donne les pleins pouvoirs au président ; ils iront même jusqu’à laisser le pouvoir au F-Haine, le temps qu’il fasse la sale besogne, et ils reviendront aux affaires tout propres avec des promesses mielleuses. La mobilisation massive et pacifique pour les droits et les libertés, et l’unité de tous contre toutes les violences policières - violences dans les banlieues, violences contre les salariés grévistes et les syndicalistes, violences contre les zadistes, violences contre les lycéens, violences contre les migrants, violences contre les gilets jaunes, violences partout... - font partie du mouvement de convergence en cours.
L’issue, la solution, c’est la mobilisation majoritaire du peuple, décidé à dégager du pouvoir tous les défenseurs de l’injustice et de l’inégalité. Encore faut-il que ledit peuple sache reconnaître ses amis de ses ennemis…
** Au passage, notons que les médias dominants, s’ils ont consacré, pour se dédouaner, quelques rapides paroles et, pour les télés, quelques images d’ensemble des mobilisations du week end, n’ont volontairement pas été à la rencontre de ces foules, n’ont pas diffusé des plans rapprochés des groupes de manifestants, n’ont pas interviewé des participants dans toute la diversité de leurs motivations. Ils ont censuré - il n’y a pas d’autre mot - cet événement. Il ne fallait pas que le public en fût informé, surtout pas ! Les bateleurs de bas étage, hommes et femmes, chargé(e)s d’« animer les plateaux », de BFM à France info, de LCI à C-News, ont, au-delà d’un parti pris systématique insultant pour l’intelligence du public, appelé en chœur à la curée en diffusant jusqu’à la nausée les images qui leur convenaient des Champs-Élysées et en les faisant « commenter » par toutes les droites invitées au sabbat, des droites avec lesquelles ils/elles se sentaient en totale connivence.
Pour un reportage informé, honnête et avec le recul de l'humour, sur la journée aux champs de samedi 16, suivre ce lien.
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Mise à jour, dimanche 20 heures : qui est-elle cette « journaliste » de BFM TV pour décréter, péremptoire, que la présence des gilets jaunes à la Marche du siècle, samedi, était "anecdotique" ? Elle n'y est pas allée, surtout pas ; le boulot de journaliste, le terrain, c'est bon pour les CDD ! Elle, elle voit tout du haut de son arbre, comme la pythie de Delphes. Surtout, à longueur d'émission, elle suinte le mépris, le cynisme, bref le macronisme : elle est raccord avec Castagner et Macron.
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