Tous ceux qui, comme moi, ont mis dans la France insoumise tous leurs espoirs de changement politique à court terme espèrent, à cette heure, que la phase de la campagne électorale qui s’ouvre va permettre de clarifier la situation à gauche dans les quinze jours qui viennent et ainsi d’ouvrir la voie à un véritable changement politique en France.
Qu’espérer ?
D’une part, que la cohérence du programme défendu par Jean-Luc Mélenchon, avec ses trois volets principaux - alternative sociale et écologique, rupture avec les politiques d’austérité imposées par l’Europe, transformation démocratique et modernisation de nos institutions – convainque suffisamment d’électeurs, surtout des abstentionnistes potentiels, pour permettre à JLM de crever la barre des 12% à laquelle il est scotché dans les sondages et de redevenir ainsi le candidat du « vote utile » à gauche.
D’autre part, que le score de Benoît Hamon, acharné à faire le grand écart avec la droite socialiste et cependant lâché par le PS, continue sur sa pente descendante jusqu’à s’effondrer au point que sa candidature perdra le peu de légitimité qui lui reste. Les conditions seront alors réunies pour que son retrait négocié permette d’opérer le rassemblement toutes les forces de gauche et écologistes autour du candidat de la France insoumise. Ce sera la responsabilité de J.-L. Mélenchon de tout faire pour permettre à cette hypothèse de se concrétiser. C’est alors que la convention de non-agression adoptée avec Hamon permettra que les deux électorats s’amalgament, que des personnalités représentatives comme Buffet, Taubira ou Hulot s’expriment à leur tour et qu’une dynamique supplémentaire s’opère.
Si ces conditions ne se réalisent pas, si J.-L. Mélenchon ne décolle pas dans les sondages et si Hamon ne s’effondre pas, alors, on peut prévoir que c’est l’inverse qui se produira : Hamon tendra à devenir le candidat du vote utile à gauche et le score de Mélenchon baissera, aussi injuste que cela soit, comme il avait baissé à la fin de la campagne de 2012. Il ne faut pas négliger que, même en cas de retrait de Mélenchon, son électorat ne reviendrait pas facilement vers le candidat socialiste.
Je suis de ceux qui ne croient plus aux programmes et aux promesses des socialistes, y compris venant de Hamon. Ministre de Hollande, il porte la responsabilité de touts les renoncements des premiers mois du quinquennat, il a voté le CICE et le Pacte de stabilité, puis il a organisé, avec d’autres, l’arrivée au pouvoir de Valls, ensuite, « frondeur » prudent, il n’a jamais rompu avec le gouvernement ; il tente aujourd’hui de défendre le bilan de Hollande-Valls et de présenter un programme évitant les remises en cause trop brutales, il accepte la perspective de faire élire, en juin, un groupe parlementaire majoritairement acquis à la ligne Hollande-Valls-Macron. Il est tellement… tellement socialiste, quoi !
Mais il faut bien constater que, les mêmes raisons qui font que la mouvance écolo a préféré le brouillard Hamon au projet porté par Mélenchon, qui font qu’un électeur sur quatre, décidé à aller voter, est prêt à donner les clés de la maison, en dépit de toute raison, à Macron, qui font qu’il reste encore au parti socialiste, après cinq années de reniements, près de la moitié de ses électeurs, ces raisons font que la France insoumise et la candidature de Mélenchon sont aujourd’hui en échec : le « peuple » n’émerge pas, la révolution citoyenne patine et le « dégagisme » ne s’applique ni à Macron ni à Le Pen.
Dans ces conditions, Jean-Luc Mélenchon a raison de continuer son offensive avec l’espoir qu’il puisse se passer quelque chose de décisif dans les deux ou trois semaines qui viennent. Il mène la plus belle des campagnes, il l’anime avec une force de conviction inlassable et il donne une belle image de ce que peut être la politique. Tous les effets à long terme de la nouveauté politique qu’il propose dépassent infiniment les enjeux de l’élection présidentielle actuelle. Mais celle-ci étant ce qu’elle est et étant donné la gravité des conséquences du futur résultat du scrutin, je suis certain qu’avec son équipe de campagne il a envisagé toutes les hypothèses et toutes les stratégies ; certain qu’il sait à quel point, ceux qui le soutiennent, attendent encore de lui, une fois de plus, qu’il sache se montrer à la hauteur de la situation.