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Historien, membre du Groupe d'histoire sociale (GHS), recherches sur l'histoire des sciences et des milieux scientifiques.

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Billet de blog 23 septembre 2017

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Pour un média de masse indépendant et alternatif

Le « système médiatique » a fait l’élection présidentielle et a joué un rôle déterminant dans le résultat des élections législatives du printemps. Un média de masse alternatif doit être pensé. Il est grand temps.

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Le « système médiatique » a fait l’élection présidentielle et a joué un rôle déterminant dans le résultat des élections législatives du printemps.

On appelle « système médiatique » l’ensemble formé par les médias écrits et audio-visuels dominants, les responsables de rédaction et éditorialistes qui les représentent, et les quelques milliardaires qui les possèdent. L’interaction entre ces éléments, leur solidarité économique et idéologique, leur fonctionnement en complémentarité, leur fermeture à toute influence de la société réelle sur eux, leur tendance à fonctionner comme un automate à tendance totalitaire greffé sur celle-ci, doivent faire renoncer à tout espoir d’amélioration, de transformation, de démocratisation de ce système. Sauf à ce que survienne une nouvelle « Libération ».

En effet, loin de respecter les principes démocratiques qui avaient été à la base de la reconstitution, à la Libération, d’un système d’information libéré des tutelles financières privées, pluraliste et ouvert à de nouvelles générations de journalistes libres et indépendants, gage d’une vie politique respectueuse des citoyens et offrant une large part d’œuvre éducative – on était dans une France dans laquelle le taux de scolarisation à 14 ans restait faible et la société peu urbanisée – le système médiatique actuel est devenu le principal obstacle à la vie démocratique, à l’expression du pluralisme et surtout à toute affirmation d’une alternative au monde libéral dominant. Pour le système médiatique, TINA est un article de foi : « There is no alternative », comme disait Margaret Tatcher et comme veut nous l’inculquer au marteau-pilon le président Macron.

Les managers de ce système médiatique qui sont aussi, très souvent, ceux qui énoncent et propagent les « éléments de langage » destinés à structurer l’actualité médiatique, qui organisent sur la durée, entre scoops, buzz et images en boucle, les campagnes médiatiques, ceux qui – aussi – choisissent ce qui doit être tu, caché (« pas vu à la télé »), censuré même, tous ceux-là constituent une caste apparentée à l’oligarchie, comme il existe aussi une caste de la haute fonction publique (« Bercy »), une caste universitaire, etc. Leurs représentants les plus connus dont la longévité s’apparente à celle du bureau politique du temps de Brejnev (Elkabbach, Duhamel, Okrent, Pujadas, Joffrin….) mais aussi leurs subordonnés besogneux et dévoués moins repérés, formatés eux aussi dans le soi-disant écoles de journalisme sœurs jumelles de Sciences Po et autre Dauphine, ont plus de pouvoir, comme serviteurs de cette oligarchie, que n’importe quel politicien.

Certes, on peut penser que les citoyens ont depuis longtemps décrypté cette réalité. La crédibilité des journalistes - en fait le sous-groupe des éditorialistes, présentateurs et autres animateurs - est proche de zéro, selon les sondages. On peut même penser qu’une large fraction de l’opinion est hostile à des individus qu’elle identifie à des défenseurs zélés et souvent pas très finauds des politiques néolibérales, n’attend rien de bon du maintien du système économique actuel, attribue les difficultés sociales de la majeure partie de la population à ce système, et, peut-être, voudrait une changement profond. Il n’en reste pas moins que l’influence de ce système de propagande sans contrepoids est profonde et structure au final « l’opinion » et surtout l’opinion des citoyens qui votent ( moins de la moitié de ceux qui en auraient le droit, et surtout pas les forces vives du pays).

La campagne de lancement médiatique de Macron au cours de l’année 2016-2017 a été la dernière illustration de la violente efficacité de ce système médiatique.

Un contrepoids existerait dans la permanence d’une mission informative et éducative, entretenue par des journalistes aussi attachés à leur métier que peuvent l’être, par exemple, certains enseignants. Mais l’influence de ce pan entier du monde médiatique - hors système, en somme - est faible, limitée, sporadique. Que pèsent les programmes culturels des grands médias audiovisuels face au déferlement des séries formatées, des émissions de divertissement navrantes, des programmes d’actualité consacrés aux faits divers, aux catastrophes et aux « marronniers » aussi nombreux qu’orientés en sens unique ? Les campagnes - comme celle qui a réussi à présenter et à imposer Macron comme un représentant du changement et de la jeunesse et comme une chance pour l’avenir de la France - emportent tout. Elles déferlent. Elles assurent la domination idéologique.

Que faire ? Il y a beaucoup à apprendre et même à retenir de toutes les tentatives de La France insoumise et de Mélenchon personnellement pour s’autonomiser vis-à-vis de ce système médiatique, pour le dénoncer certes mais surtout pour s’en passer et passer par d’autres moyens pour faire connaître L’Avenir en commun et convaincre qu’une alternative à la société actuelle est non seulement possible mais urgente (l’abandon du productivisme aveugle, l’orientation de la société vers un mode de consommation durable, un juste partage des richesses, une démocratie participative fondée sur une VIème République, etc.).

Mais il faut aller plus loin dans cette direction. Un média de masse alternatif doit être pensé, généralisant les expériences actuelles de médias en réseaux, dépassant les tentatives de maintenir une presse écrite indépendante et alternative, s’inspirant des modèles de sites d’information en ligne existants,  reprenant les divers moyens relayés sur youtube et sur internet plus généralement.

Depuis quelques semaines se répand l’information selon laquelle un tel média, essentiellement audiovisuel, serait sur le point de voir le jour. C’est la première bonne nouvelle depuis que l’espoir de voir Jean-Luc Mélenchon accéder au second tour de la Présidentielle s’est effondré.

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