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Billet de blog 26 décembre 2018

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Assemblée générale sur un rond-point

Il fait 4 degrés sous zéro sur ce rond-point à 18 heures, l’heure de l’assemblée générale des Gilets jaunes.

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Assemblée générale sur un rond-point

 Il fait 4 degrés sous zéro sur ce rond-point à 18 heures, l’heure de l’assemblée générale des Gilets jaunes. Une soixantaine de participants sont réunis autour de deux gros bidons où brûlent des planches de palette.

Ça commence à l’heure dite ; bref rappel des règles de prise de parole et des points à discuter. Ambiance détendue, amicale. Seul inconvénient : on a un peu de mal à s’entendre car trop de conducteurs de voiture klaxonnent en tournant autour du rond-point, sans compter les chauffeurs de camions qui font hurler leurs avertisseurs en passant. On se serre un peu plus et deux petits mégaphones (eh ! oui…) sont mis en circulation.

Premier point : les actions à venir. Le consensus est immédiat pour ne pas entraver la circulation des vacanciers ni perturber le travail des entreprises saisonnières pour lesquelles ces journées de fin d’année sont décisives. On discute un peu plus sur le blocage – ou pas – des véhicules se rendant aux centres commerciaux ou sur l’idée de se rendre devant les sièges des institutions représentant l’État – « oui, mais pas de violence, surtout ». Bref, l’accord est total sur le fait de « se faire voir », de se rendre visibles et d’en profiter pour discuter avec les gens. On décide même de distribuer un petit flyer (avant on disait « tract ») d’un quart de page avec les principales revendications. On ira sur le marché, dimanche, et samedi on improvisera à partir du rond-point. On vote : large approbation, pas d'opposition.

Un problème surgit qui n’avait pas été annoncé : le maire de la ville ne veut pas ouvrir de cahier de doléances, alors que dans les petites villes et villages autour il n’y a, en général, pas de difficulté. Décision : il faudra le harceler de demandes.

Second point : une radio locale a demandé à interviewer des Gilets jaunes. On a demandé que des questions écrites soient communiquées à l’avance. Les « messagers » - ni délégués, ni représentants, « messagers », on y tient - qui avaient été désignés un fois précédente répondront donc à l’invitation. Ils ont préparé des réponses écrites au sept questions ; elles sont lues au micro pour discussion. Quelques remarques fusent, ici et là, rien qui remette en cause l’orientation générale de ces pré-réponses : l’accord sur la démarche, les objectifs, les méthodes, sur le ressenti est évident. De l'ISF au RIC, pouvoir d'achat et baisse des taxes (la TVA sur les produits de base), justice égale pour tous quelle que soit la classe ou la couleur de peau, la liste dépasse les vingt ou vingt cinq thèmes déjà bien connus. Tout de même : « Tu diras bien que ce qu’on veut c’est de pouvoir vivre normalement » ; « Dis-leur bien qu’on veut plus de justice, des salaires à la hauteur du travail ; dis-leur que si le SMIC avaient augmenté comme les prix depuis l’Euro, il serait à 3000 € ! » Ou bien aussi : « Insistez bien sur le fait qu’on n’en veut plus de la destruction de la planète » ou « Et tu parles des médias, de ce journalisme qui n’en a que le nom, des ces télé vendues ».... Au total, un texte complet, détaillé, nuancé et très déterminé. On vote : unanimité. Juste quelques mots ont été changés.

Troisième point à traiter avant de conclure : la coordination avec les autres ronds-points du département. C’est un peu flou car sur ce rond-point on se sent « bien organisé » alors que sur les autres… Mais une réunion générale est annoncée où tout le monde peut venir, pas de délégation. Et il faudrait que tout le monde prenne son tour pour ne pas se reposer sur ceux qui sont là depuis 36 jours…

Donc : les Gilets jaunes ont le moral au top. Ils ne veulent rien lâcher, ils sont sûrs de leur fait, ils se sentent soutenus par la population : les coups de klaxon sont là, ça n’arrête pas. Et après le 7 janvier, on redémarre.

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