Sébastien Dupuy est l’homme qui a redécouvert 25% de l’œuvre photographique de Gilles Caron dans les archives de Corbis-Sygma, parmi 50 000 négatifs de l’agence APIS, et permis à la Fondation Gilles Caron de compléter l’œuvre du légendaire photographe.
Exclusif : Johnny, un des films restitué à la Fondation Gilles Caron
24 août 1965 : Johnny Hallyday qui vient juste d’enregistrer « Le pénitencier » pendant son service militaire est démobilisé. Gilles Caron, qui a déjà fait plusieurs reportages sur le chanteur, se rend à la caserne pour assister à sa sortie. Sur cette planche-contact, on peut voir un code-barres collé « par erreur » selon Sébastien Dupuy, et le recadrage au crayon bleu d’une photo. Ce recadrage daterait, selon Hubert Henrotte, de l’époque Sygma. Il est l’œuvre de Monique Kouznetzoff, responsable « people » de l’agence, en vue d’un livre sur Johnny, mais la photographie n’a finalement pas été retenue par l’éditeur.
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Avant de rencontrer Sébastien Dupuy, avant de m’entretenir avec lui, j’ai beaucoup entendu parler de lui par des photographes de l'agence Sygma. Tous disaient du bien de l’homme. La chose est rare. Les photojournalistes sont souvent très intéressants quand ils évoquent leurs reportages, mais ils ont parfois la dent dure avec le « petit personnel » des agences de presse photo. Quand ils ne l’oublient pas purement et simplement, comme ce fut le cas l’été 2009 au moment du « crash » de l’agence Gamma (Eyedea-Presse) (cf A Visa Gamma fait débat).
De Sébastien Dupuy tous me disaient : « Un type qui aime la photographie », « un gars à l’écoute des photographes », « un honnête homme »…Venant des vieux briscards de l’agence Sygma, réputés - pour certains - pour leur jugement à la hache, les compliments n’étaient pas minces. Même Hubert Henrotte, qu’on disait avare de compliments, pivot fondateur des agences Gamma et Sygma, me vanta les mérites de ce jeune homme.
Embauché à l’agence Sygma juste avant son rachat par Corbis, le jeune homme – il n’a pas 40 ans aujourd’hui – a fait des études d’Histoire, de philosophie et d’histoire de la photographie. Françoise Riss, qui fut rédactrice en chef de Corbis-Sygma, le « trouve au sous-sol dans les archives. ». « J’ai vite compris que Sébastien avait des compétences rares » me raconte-t-elle au téléphone « Il a une vraie et vaste culture photographique. C’est un homme droit et qui a une passion pour la photo. J’en ai fait rapidement mon adjoint et quand j’ai quitté Corbis-Sygma fin 2003, c’est tout naturellement que j’ai demandé à la direction de Corbis qu’il me succède. »
Sébastien Dupuy poursuit alors le travail entrepris par Françoise Riss : identifier dans le fonds photographique de Sygma les œuvres photographiques les plus intéressantes, retrouver les photographes qui n’ont plus donné signe de vie. Editer avec eux leurs archives pour les numériser. C’est ainsi qu’environ 900 photojournalistes sur environ 8000 vont signer des contrats de droit français (ndlr : contrairement à ce que j’ai écrit dans un précédent billet) avec la société Corbis Corporation.
« Dans tout ce stock » me raconte Sébastien Dupuy devant un café à la brasserie Zimmer place du Châtelet à Paris, «il y avait aussi des fonds d’agences que Sygma avait rachetés au fil des ans. Celui de l’agence APIS est avec celui d’Europress le plus important : 50 000 négatifs accompagnés de fiches manuscrites… Chez Corbis, la direction me disait : on n’y touche pas. Et j’avais du mal à l’accepter… »
« Un jour, à l’occasion d’une recherche pour l’anniversaire de je ne sais plus quel évènement, je suis tombé sur un négatif de Gilles Caron, puis un second, puis un autre… Nous avons commencé à les mettre de côté et ça en faisait un certain nombre. D’une recherche informelle on est passé à un travail technique : j’ai demandé à deux de mes collègues iconographes d’établir un relevé des reportages Caron. » De fil en aiguille, 736 pellicules N&B et quelques diapositives vont être identifiés dont la planche-contact de la démobilisation de Johnny Hallyday.
Le 3 juillet 2009, lors du colloque « Gilles Caron photographe » qui s’est tenu à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne organisé par l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA) à Paris, Marianne Caron, veuve du photographe, apprend que des films sont encore dans les archives d’APIS, une agence rachetée par Sygma avant même que la société de Bill Gates ne la transforme en Corbis-Sygma.
Comme l’immense majorité des milliers de photographes qui ont collaboré à Sygma, elle ne sera pas avertie de la liquidation en mai 2010 de Corbis-Sygma. Personne n’a pris la peine d’avertir les photographes, la presse en fera « une brève », seul « A l’œil » s’en fera l’écho dans le Club Mediapart. Résultat : moins d’une vingtaine de photographes réclameront leurs images dans les délais légaux. C’est par hasard, que les enfants et la veuve de Gilles Caron feront in extremis une requête auprès du juge commissaire, qui a abouti ce mercredi 9 mars à la restitution des films, de quelques tirages d’époque et de diapositives couleur.
La Fondation Gilles Caron va maintenant procéder à la visualisation des films, à leur identification, nettoyage, numérisation et finalement valorisation. Un travail considérable qui demande des moyens humains qui dépassent les moyens financiers de cette petite organisation.
Les mécènes sont les bienvenus !
Remerciements à la Fondation Gilles Caron et à l'agence Gamma-Rapho
Lire également en anglais et en français les détails de la restitution des archives Caron :
25% of Gilles Caron’s work finally recovered in La lettre de la photographie
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- Le trés beau site officiel de la Fondation Gilles Caron
- Les photographies de Gilles Caron sont distribuées par Contact Press
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« A l'oeil » ?
« A l’œil » s'intéresse essentiellement au photojournalisme, à la photographie comme au journalisme, et à la presse en général. Il est tenu par Michel Puech, journaliste honoraire (carte de presse n°29349) avec la collaboration de Geneviève Delalot, et celle de nombreux photographes, journalistes, iconographes et documentalistes. Qu'ils soient ici tous remerciés.
« A l’œil » est ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler un blog. C’est en réalité une collection d’articles (reportages, enquêtes, billets d’humeur, etc.). Créé en août 2008 sur le site du Club de Mediapart, il dispose également de son propre site www.a-l-oeil.info qui reprend, outre les archives des publications dans le Club Mediapart, celles de La Lettre de la Photographie et de plusieurs autres publications auxquelles Michel Puech a collaboré. (Libération, Le Monde, La Croix, Le Courrier Picard, VSD, etc.)
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