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Лентяй (fainéant), бывший неудачник (ex- loser), негодяй (vaurien), самозванец (imposteur), лицемер (hypocrite), категоричный (péremptoire), retraité sans gloire, probable escroc, possible usurpateur, politiquement suspect, traducteur très amateur de littérature russe.

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Billet de blog 10 août 2015

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Лентяй (fainéant), бывший неудачник (ex- loser), негодяй (vaurien), самозванец (imposteur), лицемер (hypocrite), категоричный (péremptoire), retraité sans gloire, probable escroc, possible usurpateur, politiquement suspect, traducteur très amateur de littérature russe.

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Une autre nouvelle de Tchekhov

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Лентяй (fainéant), бывший неудачник (ex- loser), негодяй (vaurien), самозванец (imposteur), лицемер (hypocrite), категоричный (péremptoire), retraité sans gloire, probable escroc, possible usurpateur, politiquement suspect, traducteur très amateur de littérature russe.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette courte et étrange nouvelle d’Anton Tchekhov, dans le style de Gogol, date de 1888.

Une communication nécessaire

Le 7 juillet 1876, à huit heures et demie du soir, fut achevée par moi la pièce de théâtre que voici. Plaise à mes adversaires de prendre connaissance de son contenu, que je livre au jugement de la société et du monde littéraire.

Mort subite d’un cheval

ou

Générosité du peuple russe

Etude dramatique en un acte

Personnages :

Lamoureux, un jeune homme.

La comtesse Dudattier, sa maîtresse.

Le comte Dudattier, époux de la comtesse.

Nil Egorov, conducteur du fiacre N° 13326.

L’action se passe en plein jour sur l’avenue Nevski.

Scène I

( Lamoureux et la comtesse sont assis dans le fiacre que conduit Nil Egorov )

   Lamoureux (la serrant dans ses bras ) . Oh, comme je t’aime ! Mais je ne serai pas tranquille, tant que nous ne serons pas à la gare, tant que nous n’aurons pas pris place dans notre wagon. Mon coeur sent que ton sale type de mari va se jeter aussitôt à notre poursuite. J’ai la frousse. ( A Nil ). Plus vite, que diable !

   La comtesse. Plus vite, cocher ! Sers-toi de ton fouet ! En voilà, un conducteur d’opérette !

   Nil ( fouettant le cheval ). Alors, espèce de choléra ! La dame a dit qu’elle donnerait un bon pourboire.

   La comtesse ( criant ). Encore, encore ! Fais-lui chauffer le cuir, à cette rosse ! Nous allons manquer notre train !

   Lamoureux ( la serrant dans ses bras et s’extasiant sur sa beauté surnaturelle ). Ô ma chérie ! Que vienne vite l’heure où, libérée de ton mari, tu seras toute à moi ! ( se retournant avec effroi. ) Ton mari nous rattrape ! Je l’aperçois ! Plus vite, misérable, comme si une armée de diables te couraient après ! ( il lui donne un coup dans le dos )

   La comtesse. Frappe-le sur la nuque ! Attends, je m’en charge, avec mon ombrelle...( elle le frappe )

   Nil ( fouettant le cheval de toutes ses forces ). Ho ! Ho ! Le maudit, le voilà qui trébuche ! ( épuisé, le cheval s’écroule, mourant )

   Lamoureux. Voilà le cheval crevé ! Horreur ! Ton mari est sur nous !

   Nil. Mon pauvre casse-cou, avec quoi vais-je gagner ma vie, à présent ? ( il tombe en sanglotant sur le cheval mort )

Scène II

 Les mêmes, plus le comte

   Le comte. Vous vous enfuyez ? Halte ! ( il l’attrape par le bras ) Femme adultère ! Ne t’ai-je point aimée ? N’ai-je point pourvu à tes besoins ?

   Lamoureux (lâchement ). Il faut disparaître en vitesse. ( il s’enfuit devant la foule qui commence bruyamment à se former )

   Le comte ( à Nil )Cocher ! La mort de ton cheval a préservé de l’outrage mon foyer familial. S’il n’avait pas crevé sur place, jamais je n’eusse pu rattraper les fugitifs. Voilà cent roubles pour toi !

   Nil ( généreusement ). Noble comte ! Je n’ai pas besoin de votre argent ! C’est pour moi une récompense suffisante, que de savoir que la mort de mon cher cheval a préservé de l’outrage votre foyer familial ! ( d’enthousiasme, la foule le jette en l’air. )

 Rideau

Le trente février 1886, cette pièce de ma composition fut représentée au bord du lac Baïkal par une troupe de théâtre amateur. Je devins donc membre de la Société des auteurs dramatiques, et reçus des mains du trésorier A.A. Maïkov les honoraires correspondants. Par la suite, je n’ai plus écrit de pièce, ni reçu d’argent.

Ainsi donc, en tant que membre de la Société susnommée, et en vertu des droits conférés par ce titre, et au nom de notre parti, j’exige avec insistance : 1/ que le président, le trésorier, le secrétaire et le bureau me présentent des excuses publiquement; 2/ que l’on procède à de nouvelles élections concernant les fonctions précitées, qui devront se voir attribuées à des membres de notre parti; 3/  que, sur le budget annuel de la Société, vingt-cinq mille roubles se voient dédiés à l’achat de billets de la loterie de Hambourg, avec redistribution équitable de chaque lot gagnant; 4/ qu’on joue, lors des réunions ordinaires aussi bien qu’extraordinaires, de la Société, de la musique militaire, et que l’on y serve des apéritifs corrects; 5/ qu’étant donné que la totalité des revenus de la Société se voient accaparés par 30 membres en tout et pour tout, dont les pièces sont représentées en province, alors que les 390 membres restants, dont les pièces ne sont jouées nulle part, ne perçoivent rien, ainsi donc que, par souci de justice et d’égalité, soit présentée devant les instances gouvernementales supérieures la demande visant à interdire à ces 30 membres de faire jouer leurs pièces, et donc de ruiner l’équilibre indispensable à la bonne marche des choses.

Je conclurai en spécifiant que je crois nécessaire qu’avertir que, si fût-ce une seule des demandes susmentionnées recevait une réponse négative, je serais dans l’obligation de me démettre de mon état de membre de la Société.

Le membre de la Société des auteurs dramatiques et compositeurs d’opéra 

                                                                                                                                                   Akaki Destarentules*                        

Note de la rédaction. En insérant cette communication de l’honorable membre de la Société des auteurs dramatiques et compositeurs d’opéra, nous caressons l’espoir qu’elle éveillera la pleine sympathie d’au moins la moitié des honorables membres de ladite Société, dont les mérites ne sont pas moins élevés que ceux du citoyen Akaki Destarentules. L’art dramatique russe est précisément cet important type de poésie dans lequel les Akaki Destarentules peuvent acquérir une gloire impérissable, des froides falaises de Finlande aux coulisses enflammées de nos théâtres, des murailles ébranlées du Kremlin au paisible bavardage des réunions ordinaires de la Société des auteurs dramatiques et compositeurs d’opéra...

(* Le prénom Akaki renvoyant au personnage central du "Manteau", Akaki Akakievitch)

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