Alexy Fortin (avatar)

Alexy Fortin

de temps à autres

Abonné·e de Mediapart

121 Billets

2 Éditions

Billet de blog 19 janvier 2012

Alexy Fortin (avatar)

Alexy Fortin

de temps à autres

Abonné·e de Mediapart

Le sadique du 18h29

Je n'aime pas courir. Je n'aime pas tout l'attirail qui va avec la course à pieds. Cette manière qu'on les chaussures de se prendre pour des créatures technologiques.

Alexy Fortin (avatar)

Alexy Fortin

de temps à autres

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je n'aime pas courir. Je n'aime pas tout l'attirail qui va avec la course à pieds. Cette manière qu'on les chaussures de se prendre pour des créatures technologiques. Ces visages rougis par l'effort et la concentration comme si l'avenir du monde en dépendait.  Cette inutilité fondamentale de l'autre qui ne coure pas et qui ne mérite même pas d'être regarder. Cette façon de réduire le passant à un obstacle sur sa route, de transformer la rue, l'allée, la plage en piste en tartan pour battre des records... Non je n'aime pas ces souffles et cette manière de suer.

Pourtant hier j’ai couru. Oui, j’ai couru car j’ai dû courir. Je marchais tranquillement, trop sans doute, vers ma gare RER. Je dis ma gare, bien que ce ne soit évidemment pas la mienne, par souci de ne pas trop attirer les foudres des techniciens qui travaillent actuellement sur ma ligne. Je dis ma ligne par un même souci d’apaisement de mes rapports avec la gente « senecefienne» et autres Stifmen attachés au service public plutôt que du public. Bref (hélas encore un mot qu’on ne peut plus prononcer ou écrire sans penser à une émission de télé…) j’allais prendre mon RER B. B comme les baisers comptez-vous. B comme une bouffer tard tous les soirs parce que le dit RER a trente minutes « Trerb » de retard en raison d’un « incident voyageur » comme dit la dame à voix très aimable qui beugle dans le haut parleur de ma gare. Trente minutes « Treb » ça veut dire que quarante ou cinquante minutes à se cailler sur le quai en chantier, l’hiver sous la pluie, sans haut vent, sans abris.  Treb : norme officieuse qui signifie temps RER B. Un temps qui nous vient d’on ne sait où, un temps mutant.

Donc j’ai couru car le RER était à l’heure et que moi j’étais en retard. Il faut me comprendre. D’habitude, le RER étant en retard, il est inutile d’être tout à fait à l’heure ou bien c’est qu’on est un vieux garçon maniaque, ce que je ne suis pas. Je prenais donc le temps de profiter d’un jour où, heureusement, il ne pleuvait pas. 

Pas de chance la rame Irma, la toujours surprenante Irma, était pile poil au rendez-vous. 

J’ai couru sur le trottoir, en traversant la rue, en me précipitant dans le tunnel qui conduit à l’escalier. J’ai couru en montant quatre à quatre le dit escalier qui mène au quai. J’ai évidemment couru sur le quai. Et là quelque chose s’est passé de terrible qui m’a fait perdre la confiance aveugle que j’avais dans le genre humain. Le conducteur de la rame à qui je faisais des signes afin qu’il m’attende et qui semblait s’exécuter, au moment précis où j’allais ouvrir la porte du wagon, a mis la gomme. Le RER s’est ébranlé. J’ai donné un coup de pieds dans la carcasse ferroviaire et j’ai crié : « enculé » comme les supporters du PSG quand le gardien de l’équipe adverse fait un renvoi au six mètres.

Il était dix huit heures vingt neuf. J’ai attendu quarante cinq vraies minutes et suis évidemment arrivé en retard pour le dîner.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.