La crise de la démocratie représentative dit l’ampleur de la lassitude des citoyens qui rechignent ouvertement à déléguer leurs pouvoirs de citoyens à des professionnels de la politique.
Depuis des décennies, les promesses sociales de tous les partis de gouvernement se sont heurtées au mur des intérêts économiques et financiers au service des privilégiés. La lucidité acquise par une partie de la population face à l’urgence climatique accentue ce phénomène de rejet de la politique traditionnelle.
C’est sur ces effets délétères que l’extrême droite progresse inexorablement depuis 2002. Fait inédit en France depuis la collaboration et Vichy, elle se trouve aujourd’hui aux portes du pouvoir. Les silences accumulés de la part des dirigeants sur le passé collaborationniste comme sur les exactions coloniales autant que les lâchetés de la plupart des gouvernants ont participé à entretenir un climat de défiance envers les élus. Une partie de l’opinion se réfugie désormais auprès des réseaux sociaux, où l’entre soi est beaucoup plus sécurisant.
Or les cinq ans de pouvoir d’Emmanuel Macron n’ont fait qu’aggraver ces réalités.
Son « ni de gauche ni de droite », propre a l’exercice bonapartiste du pouvoir a contribué à brouiller le clivage entre gauche et droite, dévitalisant chemin faisant les références du vieux mouvement ouvrier que les partis traditionnels, avaient largement rendus caduques par leur réformes au service du néolibéralisme.
Pour se présenter comme la « candidate du pouvoir d'achat » Marine Le Pen s’est avancée masquée en gommant volontairement sa politique d’exclusion et ses obsessions nationalistes, comme sa proximité avec Orbàn. Elle a laissé à Zemmour, en parfaite résonance, le soin de cultiver le mépris de la démocratie, les accointances avec Poutine, la haine des immigrés et l’obsession de l’ordre public et moral dont elle est tout autant porteuse...
On n’a cependant aucun mal à imaginer ce que l’extrême droite, quelle qu’elle soit, ferait au gouvernement : arrêt de l'immigration, du regroupement familial, suppression du droit du sol, des aides sociales aux étrangers extra communautaires, de l'aide médicale d'état aux étrangers dits en situation irrégulière, restriction des libertés publiques, encadrement du droit associatif, contrôle accru sur la presse écrite et audiovisuelle, suppression probable de l’IVG, mépris total pour les souffrances du monde... Sans parler de tout le reste de leur programme ultra libéral et autoritaire.
Les extrêmes droites n'ont jamais été façonnées sur un seul modèle, Le Pen, Zemmour et leurs amis et complices sont les héritiers directs d'un « fascisme à la française », celui des Ligues des années trente, du pétainisme et de la Collaboration, de l'OAS... Sur ce terrain, la France dispose d’une réserve insoupçonnée.
Tout cela conduit à occulter le vrai visage du national populisme et ce que signifierait son accession au pouvoir. D’autant plus aisément que les principaux candidats se sont volontiers glissés dans le costume présidentiel, se référant, sans mesure, à la patrie, contribuant ainsi à banaliser le nationalisme tout en usant et mésusant du je de majesté, sans rarement faire référence aux expériences autonomes et aux engagements associatifs en cours ou à venir.
Épuisés par les difficultés multiples et excédés par l'arrogance de Macron et des puissants, nombre de citoyens ne veulent plus être contraints, même pour écarter un ennemi, de voter pour un adversaire politique, et en viennent à douter de la possibilité du pire. Toutefois un nombre important d’entre eux est désormais conscient des urgences, écologiques et sociales.
Aussi nous faut-il, dès maintenant, penser aux lendemains de l’élection et à la nécessaire refondation démocratique au plus près des citoyens, de l’entreprise au quartier, afin d’être en mesure, de réduire la consommation d’énergie tout en participant activement à la reconversion d’un certains nombre d’industries.
La condition de la réalisation a minima des recommandations des scientifiques les plus lucides, passe par la prise en charge concrète de collectifs de citoyens. Rien ne pourra se faire de manière verticale, encore moins sous un régime totalitaire : la Constituante comme les référendums ne sont qu’une étape ou un pis-aller.
C’est dans la mise en œuvre des constitutions et des lois que se joue la réalité des droits démocratiques et le véritable pouvoir d’exercer la responsabilité souveraine. Pour mémoire rappelons que la constitution de 1946 avait inscrit l’égalité des droits entre hommes et femmes. En vain.
C’est pourquoi aujourd’hui s’abstenir c’est ouvrir la voie au « fascisme à la française » dont le nationalisme est la forme la plus simple mais la plus dangereuse.
Bernard LANDAU, Michèle RIOT-SARCEY, Francis SITEL.