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Billet de blog 2 novembre 2018

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Le "Robespierre" de MM. Gauchet & Mélenchon

Dans un article paru dans la revue "Philosophie Magazine" du mois d'octobre 2018, MM. Gauchet & Mélenchon laissent entrevoir l'étrange conception des droits de l'homme sur laquelle ils se mettent d'accord...

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1°) M. Mélenchon commence plutôt bien: "...ma conclusion: chaque fois que nous parlons des droits de l'homme, il manque toujours un bout de la phrase".

Mais cela ne dure pas, car il poursuit: "le plus grave serait de laisser traîner dans la boue le souvenir de Robespierre, et l'idée qui l'a mené: les êtres humains (sic) naissent libres et égaux en droit (sic). Si vous lâchez cela, c'est fini." 

a) Rappelons le texte de l'article 1 de 1789: "les HOMMES naissent ET DEMEURENT libres et égaux en droitS". M. Mélenchon parle d'or.

b) Oublier leur "demeurance", c'est enlever aux droits de l'homme une bonne part de leur tranchant.  

c) On s'inquiètera que M. Gauchet, historien érudit de la "Révolution des droits de l'homme », n'ai rien trouvé rien à redire à une inexactitude aussi flagrante.. Comme s'il y avait eu là de quoi alimenter sa conception des droits de l'homme...

d) Les auteurs de la Déclaration de 1789 mettaient "l'oubli" des droits de l'homme au nombre des "malheurs publics" (Préambule).

2°) MM. Gauchet & Mélenchon s'accordent donc pour identifier Robespierre aux droits de l'homme de 1789.

M. Gauchet ne résiste pas à la tentation d'expliquer l'échec de Robespierre et la "Terreur" par le fait que "Les droits l'homme ne sont pas une politique" (sa conviction déjà ancienne). 

Aurait-il trouvé  son CQFD?

Pas tout à fait nous semble-t-il.

Car, précisément, Robespierre n'était pas un militant des droits de l'homme et du citoyen. Certes, cette Déclaration, l'Incorruptible n'a pas manqué de l'évoquer. Et comment aurait-il pu l'éviter? Mais le décisif est qu' il n'en a jamais fait un argument. Et sur des points essentiels.  Dont deux au moins méritent d'être ici évoqués.

Aussi est-il assez vain de rappeler sa critique de la peine de mort, en 1791. Puisque son réquisitoire contre cette peine invoquait surtout le risque de voir se raréfier les dénonciations des "mauvais" citoyens par les "bons"... ce qui ne manque pas d'être prémonitoire, non? <Robert Badinter, dans une réédition des principaux textes sur la peine de mort, a supprimé les quelques lignes dans lesquelles Robespierre faisait de l’abolition de la peine de mort la condition de possibilité de l’indispensable délation. Et ce n’est pas faute de place : moins de 10 lignes ! C’était pourtant, semble-t-il, le seul argument vraiment original de l’Incorruptible, Et aussi celui qui annonce ce qui sera le propre de la Terreur selon Chénier : la délation.

Quant au projet de Robespierre d'une Déclaration des droits, en 1793, également évoqué, il est vrai qu'il semble d'abord fustiger le comportement des politiques corrompus, et de le juger à l'aune de la Déclaration de 1789. Comme si, à ses yeux, elle avait été trahie (suffrage censitaire, etc.). Mais cette référence apparente à 1789 se dissipe vite. Quand on constate qu'il propose évidemment une AUTRE Déclaration (qui sera largement reprise dans celle de 1793). Une AUTRE Déclaration que celle de 1789. Ne serait-ce, précisément, en ceci que les hommes n'y demeurent plus libres et égaux en droits.

Et nous y revoilà.

Quelle que soit la cause de l'échec politique de Robespierre, ce n'est pas le respect des droits de 1789 qui peut l'expliquer. Pas davantage que la thèse générale de M. Gauchet, qui répète une fois de plus, toujours sans l'établir sa conviction que les droits de l'homme de 1789 sont cause de l'impuissance du politique, malheur de notre modernité..

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