Remarques sur la Brève apologie pour un moment catholique de Jean Luc Marion Paris, 2017. Vous écrivez : « La séparation (de la laïcité) ne s'instaure ou ne peut s'instaurer que dans les pays qui ont été christianisés d'une manière ou d'une autre, qui ont été atteints par la révélation judéo-chrétienne (…) Dans tous les autres pays, même l'athéisme personnel devient impensable et impraticable, sinon dans la clandestinité et la marginalité. Voilà le fait » . Le tout, l'essentiel est de savoir si cette séparation (que ce terme résume correctement la laïcité est une autre question), si cette séparation, donc, a son origine dans le christianisme. Ou plutôt dans une réflexion -pas nécessairement chrétienne ou anti-chrétienne- sur les effets désastreux d'une confusion, par des chrétiens proclamés, entre ce qui revient à César & ce qui revient à Dieu. Car n'est-ce pas précisément contre ce précepte évangélique que s'est constituée l'Eglise (comme corps social), dès ses débuts officiels, en 313 avec l'édit de Milan ? On ne peut pas dire que la propagation du christianisme, en s'appuyant (L. Fox, 1988) sur sa reconnaissance par l'empire romain comme religion d'Etat unique (Théodose) jusqu'à Bonaparte, ait présenté le moindre caractère laïque ! De même le fait que les chrétiens n'aient plus eu à rendre un culte religieux à la personne de l'empereur ! Le « féroce Constantin » (Condorcet), « empereur et docteur, roi et prêtre », participait au concile de Nicée qui affirma la divinité du Christ !Les exemples ultérieurs de collusion sont célèbres et nombreux. Ce ne serait pas la première fois que l'Eglise et ses avocats invoqueraient ce qu'elle a pris l'initiative de ne pas respecter (par exemple, s'agissant des relations entre juifs et chrétiens) L'Eglise s'est heurtée à un obstacle, qui lui était en grande partie interne, intime : la séparation énoncée dans l'Evangile, impérative pour ceux qui, dites-vous, veulent vivre comme le Christ , ie être chrétiens. Un obstacle qui, foulé aux pieds d'emblée par l'institution ecclésiastique, finira par s'exprimer hors de l'Eglise en une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (car c'est là, en 1789, que s'est fait le rétablissement de l'universel que vous appelez de vos voeux). Si ce fut grâce à un long travail de sape du message du Christ, ce fut bel et bien malgré l'Eglise catholique. Alors, katolicos ? Mais en dehors de l'Eglise du même nom). C'est de cela qu'a suivi la laïcité type 1905. Elle a eu un caractère conflictuel auquel d'autres sociétés ont échappé -ainsi dans le monde anglo-saxon : aussi bien n'étaient-elles guère catholiques... On ne saurait donc passer au compte pertes et profits, comme vous le faites, les combats, les souffrances qui ont été nécessaires à la laïcité pour se dégager d'une Eglise si peu fidèle à ses propres principes. Notamment combats menés et souffrances subies par des chrétiens scrupuleusement attentifs, eux, au message laïque du Christ. Les jésuites auront beau dire : « Mihi animas, tibi caetera », le financement par l'Etat français d'uneEcole privée confessionnelle apparaît comme une des blessures les plus mal cicatricées de ce parcours bien douloureux au service de la laïcité de l'Evangile et, souvent, contre l'Eglise. Peut-il y avoirun moment catholique hors de l'Eglise catholique ? C'est un pari audacieux, pas l'évidence dont vous parlez.
Billet de blog 22 mai 2017
Jean Luc Marion & la laïcité
Dans quelle mesure peut-on parler d'une laïcité non seulement chrétienne, mais catholique? Faut-il accorder à M. J. L Marion qu'un moment catholique de la laïcité est venu?
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.