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Billet de blog 6 août 2023

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ça ne finira donc jamais ?... L'éducation nationale joue l'épuisement ...

En février dernier, j'écrivais au Ministre de l'éducation... Il ne répondit pas ... Depuis j'ai appris des choses ... dont la moins importante est que le Ministre a changé, car dans notre administration, il apparaît clairement que si les Ministres ne font que passer, les problèmes restent !

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Mon dernier billet était un appel au secours. Vous le trouverez sous ce lien.

Je dois bien reconnaître qu'il était pour moi bien ténu, l'espoir que cette lettre ouverte provoque une quelconque réaction de mon administration ou de son plus haut responsable, et, de ce point de vue, je n'ai pas été surpris :

Rien ! Pas une réponse. De personne. Coup d'épée dans l'eau.

Ma démarche désespérée a été traitée comme la bave du crapaud par la blanche colombe ...

Pourtant, je ne pense pas qu'une personne raisonnablement lucide puisse lire ce courrier sans reconnaître que la "blancheur de la colombe" laisse à désirer, que cette colombe prend de plus en plus des airs de mouette mazoutée dans une marée noire, et qu'elle gagnerait à faire un brin de toilette !

En filant un peu plus la métaphore, le lecteur conviendra que la blanche colombe ne peut pas, en la circonstance, jouer les victimes, car c'est en pleine connaissance de la nature nauséabonde, noire, et malsaine de cette matière qu'elle a choisi de se vautrer dedans !

Il se pourrait donc que, toujours en la circonstance, aussi désagréable en soit la perspective pour la blanche colombe, la bave du crapaud possède des propriétés désinfectantes ... Et c'est pourquoi le crapaud va continuer de baver !...

En effet, divers éléments dont j'ai eu connaissance depuis cette précédente démarche confirment chacun des deux points essentiels que j'y soutenais déjà :

D'une part, en ce qui concerne mon propre cas, le délit de harcèlement est bien avéré, et des preuves nouvelles sont venues établir que je n'ai pas été la seule victime dans cet établissement,

Et d'autre part, une affaire très similaire à la mienne, survenue quelques années plus tôt, a connu une conclusion pénale le 30 juin dernier, qui ne va pas manquer d'éclabousser notre administration pour avoir manqué à son devoir de protection, ou plutôt pour avoir voulu protéger le harceleur au point d'en oublier la protection qu'elle devait à sa victime !

Dans cette affaire, comme dans la mienne, l'administration avait joué "la blanche colombe" ... et se retrouve aujourd'hui souillée par le même nuage de fumée noire qu'elle avait cru pouvoir lancer pour masquer les exactions du proviseur-adjoint mis en cause.

Ces deux points m'ont convaincu de l'opportunité à informer immédiatement le Procureur de la République afin qu'ils soient pris en compte dans le cadre de l'instruction de ma plainte pénale contre mon supérieur hiérarchique, Proviseur du lycée où j'exerçais.

Je vous en joins ci-dessous une copie (anonymisée)  :

courrier au procureur (pdf, 120.2 kB)

.

1) Parlons d'abord de ce qui concerne directement mon propre dossier :

Il s'avère qu'un collègue a subi, de la part de la Direction de mon établissement, des manœuvres d'intimidation et de déstabilisation  qui entrent parfaitement dans le champ de définition du harcèlement moral. Manœuvres qu'il a signalées à l'administration, sans qu'elle daigne intervenir, et qui ont vraisemblablement été le déclencheur d'un autre type de harcèlement, de la part d'une élève  cette fois, qui s'en est pris notamment à son logement et à son véhicule.

ci-dessous deux documents où il expose ses griefs :

courrier et main courante (pdf, 109.6 kB)

L'enquête de police a débouché sur une mise en examen de l'élève, qui, le jour de l'audience en correctionnelle, a évoqué d'emblée, comme si cet élément expliquait ou même justifiait ses actes, que le proviseur du lycée lui avait demandé de rédiger un rapport écrit à charge contre mon collègue ... Oui, oui ... Le même proviseur contre lequel ma plainte est déposée ... L'argument n'a pas évité à cette élève la condamnation à trois mois de prison avec sursis, ainsi bien sûr que le dédommagement de la victime.

Il s'avère par ailleurs qu'en juin dernier, alors que les cours étaient terminés, une autre collègue de ce même lycée a appris, par ce même proviseur, qu'un signalement avait été lancé contre elle par une parent d'élève au moyen d'un mail adressé à la Direction de l'établissement ainsi qu'au Rectorat. Et puis, après un entretien dans les locaux du lycée, au cours duquel cette mère d'élève n'était plus aussi sûre d'elle et commençait à évoquer la possibilité d'un malentendu, et après avoir dû insister pour obtenir copie du mail de signalement en question, ma collègue a constaté que le contenu du mail en question mettait grandement en cause ses compétences, son honneur et sa dignité, et qu'elle ne pouvait pas se contenter de "passer à autre chose" ...

ci-dessous son courrier de réclamation :

courrier de réclamation (pdf, 84.1 kB)

Trop d'éléments montrent, dans cette affaire, que l'attitude du proviseur n'a pas été ce qu'elle aurait dû être. Par exemple, il semble inexplicable que plusieurs conversations aient eu lieu, avec la CPE et avec le Proviseur, AVANT le signalement, sans que la collègue n'ait été invitée à participer, ni même informée de ce qui s'y est dit ! Il apparaît aussi que la mère d'élève semble avoir obtenu très complaisamment une adresse mail du Rectorat qui n'est pas facile à trouver puisque même les enseignants ne la connaissent pas !

Alors, si j'ajoute que les deux collègues, dont je viens de d'évoquer les problèmes rencontrés, sont précisément les seuls à m'avoir accordé leur soutien dans le cadre de mon affaire, il n'est pas déraisonnable de penser :

  • que ce soutien qu'ils m'ont accordé a peut-être participé à les faire devenir à leur tour la cible du harceleur.
  • Et que ces nouveaux éléments contribuent à montrer que ce Proviseur agit, de manière récurrente, au mépris des règlements. 

Et pourtant ... il y a fort à parier, qu'après l'avoir défendu contre vents et marées, l'administration centrale préférera continuer de le défendre plutôt que d'affronter la honte d'avoir à assumer sa propre responsabilité  !...

Du reste, depuis que je m'intéresse de près au thème du harcèlement moral hiérarchique et à celui de la protection fonctionnelle dans l'éducation nationale, je peux affirmer que c'est toujours ainsi qu'elle agit : Elle n'accorde son assistance au subordonné contre son supérieur que si une injonction lui en est faite par un tribunal, ou si le scandale est devenu tellement grand que les médias s'en sont emparé ...

Le paragraphe suivant illustre d'ailleurs très bien ce propos :

2) Une première jurisprudence !...

 Au début de mes déboires, lorsque le Rectorat me refusa pour la première fois la protection fonctionnelle sans même répondre à mon courrier de demande, je n'imaginais pas du tout l'existence d'une stratégie générale sur cette question au niveau national. J'attribuais plutôt la responsabilité de ma situation à une "défaillance humaine" chez un haut responsable ou à une relation privilégiée de mon chef d'établissement avec la hiérarchie du Rectorat.

Une erreur d'appréciation aussi grave ne pouvait provenir d'une "règle de conduite" ... Je cherchais donc désespérément dans la jurisprudence , administrative comme pénale, des exemples auxquels je puisse me référer en disant : "voyez ce chef d'établissement, ce qu'il a fait subir à cet enseignant, et comment le tribunal a finalement rendu justice ..."

Mais je ne trouvais nulle part de jurisprudence de cette nature ... Comme si j'étais tombé, quelle fatalité, sur le seul proviseur-voyou de France !

En revanche, je trouvais plusieurs dizaines de références de jurisprudence administrative sur des affaires où un harcèlement professionnel dans l'éducation nationale était invoqué ... Dans la plupart des cas, l'affaire s'arrêtait là, la requête était rejetée, non parce que l'administration avait prouvé que les griefs n'étaient pas fondés mais parce que, quelque part au cours de l'instruction, le requérant, privé d'assistance juridique, avait négligé une règle de procédure ou parce que l'administration avait très efficacement soutenu la thèse de la simple incompatibilité d'humeur dans une relation hiérarchique normale ...

Lorsque le harcèlement était retenu par la Cour, la condamnation finale se réduisait à la portion congrue et arrivait de nombreuses années après les faits reprochés.

Bref, tout cela démontrait par son caractère répétitif, à la fois une méthode, une doctrine ... et un savoir-faire consommé de l'administration.

Qu'un subordonné se plaigne d'un supérieur, et la réaction consiste en trois points :

a) on ne lui répond pas, sauf le plus tard possible, pour lui dire d'arrêter de mettre en cause son supérieur.

b) on lui pourrit l'existence afin de le dissuader de poursuivre le contentieux

c) on joue de la mauvaise foi sans aucune limite dans le cadre du contentieux, en faisant traîner l'instruction au maximum.

C'est ce que j'ai ressenti sur chaque jurisprudence que j'ai consultée, et c'est surtout ce que j'ai vécu moi-même ...

Mais là, le 30 juin dernier, un proviseur-adjoint a été condamné par un tribunal correctionnel pour harcèlement moral sur un professeur ! Une brèche s'ouvre enfin dans cette muraille.

Lisez plutôt les articles qui évoquent cette affaire :  AVANT la délibération   et APRÈS la délibération ...

Si le lecteur consulte ma série de chroniques "Rentrée des clashs", il pourra relever de nombreux points communs dans la description du traitement subi par ce professeur agrégé de mathématiques avec celle que je fais moi-même du mien ... on y retrouve les accusations de déstabilisation, de dénigrement et de manipulations diverses des acteurs tiers .

La seule circonstance qui fait contraste entre les deux affaires, c'est que, dans son cas, le collègue réunionnais est allé jusqu'à tenter à deux reprises de se donner la mort, alors que moi j'ai "seulement" dû déclarer un accident de service, suite à une crise de nerfs et de larmes, qui s'est avérée annonciatrice d'un "syndrome dépressif majeur en lien avec une problématique professionnelle"... Syndrome dont la consolidation n'a pas encore pu être observée à ce jour, bientôt quatre ans après l'accident.

On peut tout de même retenir que dans un cas comme dans l'autre, les faits reprochés ont eu de très graves conséquences sur la santé comme sur la carrière de l'enseignant.

Et maintenant voyons comment s'est comportée l'administration ... Voici le jugement de la Cour d'appel de Paris sur la demande indemnitaire de l'enseignant en question dans l'affaire de la Réunion : Jugement

On peut y lire, qu'en 2020, dans le cadre de ce contentieux, le ministère continue de contester le harcèlement moral, et qu'il va même jusqu'à justifier les deux tentatives de suicide par les problèmes rencontrés par l'intéressé en matière de maintien de la discipline dans ses classes  !

Et la Cour Administrative d'appel rejette  la requête de l'enseignant, estimant que 10 000 € correspondent à une bonne évaluation de la réparation à la charge de l’État.  Sans que personne n'ait davantage à répondre des nombreux manquements qui ont failli coûter la vie à ce fonctionnaire qui n'avait, de son côté, commis aucune faute !

J'ai de bonnes raisons de croire, ou tout au moins d'espérer, que le procès pénal qui vient de se conclure permettra à cet enseignant de réactiver le contentieux contre l’État... Il serait scandaleux, en effet, que les choses en restent là.

Mais, pour que cette injustice soit corrigée, et surtout pour en finir avec cette "manie" de l'administration scolaire (consistant à refuser la protection au moins "gradé" lors d'un conflit entre deux personnels, en obéissant au principe qui dicte que "le chef a toujours raison ..."), il devient indispensable que les médias se penchent sur le dossier et alertent l'opinion, et que la représentation nationale relaie l'information et pose directement et publiquement au gouvernement les questions auxquelles il ne daigne pas répondre lorsque c'est un fonctionnaire injustement traité qui les lui pose.

Tous mes efforts sont dirigés vers cet objectif ... Et, si je suis conscient de ne pas être le seul dans ce cas, j'ai bien peur de m'épuiser avant d'avoir fait bouger les pratiques ne serait-ce que d'un seul petit pas ...

 Il est vraiment lourd, ce mammouth !

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