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Billet de blog 3 juil. 2014

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Van Gogh, le suicidé de la société : Antonin Artaud et son double.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Regardez-le.

Regardez-le, le peintre, qui nous regarde, qui « nous inspecte et nous épie… »  de son regard de peintre. De peintre ? De fou.

De fou ? demande Artaud [1].

«Un fou, Van Gogh? Que celui qui a su un jour regarder une face humaine regarde le portrait de Van Gogh par lui-même […]. Peinte par Van Gogh extralucide, cette figure de boucher roux, qui nous inspecte et nous épie, qui nous scrute d’un œil torve aussi.»

Vincent Van Gogh (1853-1890) Portrait de l’artiste Saint Rémy de Provence. Septembre 1889 Musée d’Orsay.

Nous regarde-t-il comme un champ de blé ou de coquelicot, comme un ciel étoilé ? Nous voit-il comme un de ces paysages qui bougent, et tremblent, et entrent en  convulsion jusqu’à nous révéler la fièvre qui nous habite à notre insu ?

«Méfiez-vous des beaux paysages de Van Gogh tourbillonnants et pacifiques, convulsés et pacifiés. C’est la santé entre deux reprises de la fièvre chaude qui va passer. C’est la fièvre entre deux reprises d’une insurrection de bonne santé ».

Artaud regarde Van Gogh qui nous regarde. Il le regarde et nous le voyons par son regard.

Il faut connaître Artaud, cri halluciné de souffrance à vif, pour comprendre son insurrection et ce jet soudain, de ce texte sublime, inspiré, révolté, par lequel il arrache Van Gogh à l’emprise des psychiatres.

Antonin Artaud. Auto-portrait.

Au musée d'Orsay, il faut voir et revoir et voir encore l’exposition Artaud/Van Gogh, « le suicidé de la société ».

 Cette exposition, c’est celle d’un livre-tableaux, d’une voix-peinture. C’est celle d’Artaud, l’écrivain poète, et du peintre Van Gogh, son double.

Artaud écrit :

« Je suis aussi comme le pauvre Van Gogh, au plus près de formidables ébullitions internes. »

 Qui voit-on? Qu’y voit-on ? Artaud et son double ?

De même que … « Le théâtre aussi doit être considéré comme le Double non pas de cette réalité quotidienne et directe dont il s’est peu à peu réduit à n’être que l’inerte copie, aussi vaine qu’édulcorée, mais d’une autre réalité dangereuse et typique »[2], la peinture de Van Gogh va être cette porte, qui ouvre à  la « vie passionnée et convulsive » et à « l’incandescence implacable »[3].

 1947, Artaud découvre halluciné les tableaux de Van Gogh.

1937, il est interné en asile psychiatrique pour une nuit de neuf ans.

 Revenons dix ans en arrière…

 Antonin Artaud et l’électricité…

En septembre 1937, un an après sa chevauchée au Mexique chez les indiens Tarahumaras pour y être initié aux rites du soleil et du peyotl, Antonin Artaud est arrêté à Dublin pour vagabondage et trouble de l'ordre public. Embarqué de force il est remis directement aux autorités françaises, puis à l'Hôpital général, entravé dans une camisole de force et placé dans le service des aliénés. Il est jugé violent, dangereux pour lui-même et pour les autres et souffrant d'hallucinations et d'idées de persécution : « Je soussigné, Dr. R. certifie que le nommé Artaud (…) est atteint de troubles mentaux caractérisés par des idées de persécutions avec hallucinations, dit qu'on lui présente des mets empoisonnés, qu'on lui envoie des gaz dans sa cellule, qu'on lui met des chats sur la figure, voit des hommes noirs près de lui, se croit traqué par la Police, menace ceux qui l’entourent. Dangereux pour lui-même et pour les autres (… ) »[4].

Tous les témoins pendant ces année d’internement attestent de la lutte farouche qu’il va mener … «  contre la fureur persécutrice de ses démons, leur opposant toutes sortes d’exorcismes, signes cabalistiques pour chasser les « initiés », reniflements, projections de salives, rites conjuratoires, qu’il continuera de pratiquer jusqu’à (..) la fin de sa vie »[5].

 Il est transféré sous placement d'office à l'hôpital psychiatrique de Sotteville-les-Rouen. Sa mère, ne l’apprendra que trois mois après et, aidée de Jean Paulhan, le fera transférer en avril 1938 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Là, le certificat de quinzaine du 15 avril indique : « Prétentions littéraires peut-être justifiées dans la limite où le délire peut servir d'inspiration. À maintenir. »[6]. Il va continuer d’aller d’hôpital en services psychiatriques. A Ville-Evrard, un psychiatre diagnostique « graphorrhée ».

Nouvelle thérapie découverte par les médecins italiens Ugo Cerletti et Lucio Bini à la fin des années trente, l’électrochoc a été expérimenté en France fin  1940 par le psychiatre Jacques Rondepierre, médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard.  Artaud doit sa à grande maigreur due aux carences alimentaires qui sévissaient dans les hôpitaux psychiatriques à partir de 1939, d’échapper à d’une première tentative de traitement par électrochocs.

En novembre 1942, Robert Desnos prend contact avec le docteur Gaston Ferdière, ami de longue date des surréalistes et médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Rodez dans l’Aveyron. Ferdière est un homme cultivé, amateur d’art et pratiquant l’art-thérapie : il incite ses patients à peindre, à sculpter, à écrire. Ces démarches aboutissent et Artaud est transféré en janvier 1943. Les hôpitaux psychiatriques connaissent dans la zone non-Occupée, des restrictions alimentaires[7] moins extrêmes que dans le reste du pays. Les deux années précédentes, alors que les aliénés internés meurent massivement de faim à cause des restrictions alimentaires, l’électrochoc se répand à une vitesse stupéfiante dans l’ensemble des asiles de France : la nouvelle thérapeutique en effet suscite l’enthousiasme d’une grande majorité de psychiatres[8]. Le docteur Ferdière n’échappe pas à cet engouement et administrera à Artaud  cinquante-huit électrochocs[9] en plusieurs séries de chaque fois au moins une dizaine. La violence de cette thérapie qui provoque des convulsions semblables à celles de l’épilepsie de type « grand mal » est telle que la deuxième séance  provoqua chez Artaud une fracture de la neuvième vertèbre dorsale, en juin 43. Le 6 juin 45, après une troisième série de 12 électrochocs, Artaud écrit au Dr. Latrémolière : « L’électrochoc, M. Latrémolière, me désespère, il m’enlève la mémoire, il m’engourdit la pensée et mon cœur ; il fait de moi un absent qui se connaît absent et se voit pendant des semaines à la poursuite de son être, comme un mort à côté d’un vivant qui n’est plus lui et chez qui il ne peut plus entrer »[10]

Les chocs électriques étaient alors « délivrés » sans anesthésie ni curarisation. Est-il nécessaire de décrire ce que fut le supplice subi par Artaud comme par tous les autres « patients » ? Il suffit de préciser que la pratique va très vite se répandre d’utiliser cette technique comme moyen de punition envers les internés jugés récalcitrants.

 A la suite des interventions de ses amis, Arthur Adamov, Marthe Robert, Jean Paulhan, il sort de l’asile de Rodez, c’est à dire de ces neuf ans d’internement psychiatrique.

Le 31 janvier 1947, il écrit au Dr. Jean Dequeker, assistant du Dr. Ferdière : « Le Dr. Ferdière est venu ici, à Paris mais je ne lui ai pas serré la main qu’il me tendait. Je ne lui pardonnerai jamais, 2 ans d’électrochocs et 50 séances avec 50 comas soit 5 séries. Je ne lui pardonnerai pas non plus mon retour d’Espalion dans la voiture cellulaire de l’asile, entre deux infirmiers qui me racontèrent que le Dr. Ferdière m’invitait à dîner et qui n’annoncèrent dégoutamment en arrivant que le Dr. Ferdière leur avait donné l’ordre de me mener à l’INFIRMERIE. Ce qui m’a donné à ce moment-là un choc noir au cœur (…) Ce fut l’impression la plus sinistre de ma vie. On n’impose pas de pareils traumatismes d’angoisse à un honnête homme propre, qui n’a pas une tache dans sa vie, ni sur le plan sexuel, ni sur le plan moral. Surtout quand on est soi-même un érotomane convaincu  (…)»[11].

Quelques aspects de son activité.

 A Sainte Maxime, dans le Var, il écrit, « Ladresse au Dalaï Lama », et « LAdresse au Pape », « Le retour d’Artaud le Momo », et corrige d’anciens textes pour la publication de ses œuvres complètes.  

En juillet-aout : il enregistre au Club d’essai « Aliénation et magie noire » diffusé le lendemain.

Il compose « Centre-mère et patron-minet ».

Le 1er. août, il signe avec les éditions Gallimard un contrat pour Les Cenci.

Il écrit « Insulte à l’Inconditionné », « L’exécration du père-mère », « Histoire entre la groume et dieu », « Le retour d’Artaud le Mômo ».

Il reprend sa place à Montparnasse, et à Saint-Germain-des-Prés ,  au Flore, aux Deux Magots, nimbé de l’auréole de poète «fou », symbole du combat pour la liberté, entouré de ses amis Roger Blin, Alain Cuny,….

« Au sortir de l’asile de Rodez, après l’occupation nazie, un fou soufflait sur ses amis, à Montparnasse, au Flore, rue Bonaparte. Il hurlait comme le vent pour éteindre le feu d’une persécution. Il se piquait le crâne avec des instruments magiques : une pointe acérée, un couteau, une épingle. Il se pinçait une narine en aspirant avec violence par l’autre. Il tirait le pan de sa veste tout en lançant un bras devant lui et en poussant des cris rituels. La paix était revenue ; l’Allemand s’était enfui et la France de la Collaboration sombrait. Les exilés retrouvaient leur patrie et la jeunesse rêvait à de nouveaux plaisirs. L’insensé était libre de danser dans les rues ; de quoi se plaignait-il au juste ? Il était pauvre mais célèbre.  Il n’avait plus de dents ; son corps troué de part en part était marqué par les violences de l’hôpital psychiatrique et par des années de pénuries. Ses membres restaient tordus d’angoisses. Il était assailli par de furieuses douleurs internes ; son ventre était criblé de spasmes ; de son visage suintait une eau venue d’un océan lointain. Il naviguait dans ses souliers percés. Chacun se demandait pourquoi cet homme bizarre rencontrait à chaque pas des ennemis que personne ne voyait »[12].

Début septembre, il signe avec Gallimard un contrat pour ses Œuvres  complètes, (quatre tomes sont prévus).  Il écrit « Centre pitere et pôtron chier ». Il écrit abondamment. Les 5 poèmes d’ «Arthur le Mômo » qui seront édités chez Bordas. Coleridge le traître. Il écrit d’un seul jet  « Ci-Gît » précédé de « La culture indienne ».  Il commence à dicter à Paule Thévenin les textes de « Suppôts et Supplications ».

Il y écrit[13]:

« (…) Ainsi donc c’est en prévention d’être dieu

que moi,

Antonin Artaud

ait été martyrisé pendant les siècles des siècles

et comme étant justement cet homme, et l’homme qui n’avait jamais voulu de dieu,

et que toutes les églises ont toujours persécuté pour lui extirper son athéisme,

et c’est en prévention d’être dieu que moi, Antonin Artaud, petit-bourgeois de Marseille (…) me suis vu frappé d’un coup de couteau dans le dos le 10 juin 1916 à Marseille devant l’église des Réformés,

asphyxié d’envoûtements à mort pendant toute mon existence,

frappé en 1928 à Montmartre d’un second coup de couteau dans le dos,

puis frappé à Dublin d’un coup de barre de fer sur la colonne vertébrale,

agressé sur un navire, avec à l’avant le trou de l’ancre tout ouvert pour y faire passer mon corps,

encamisolé sur ce même navire après agression,

puis interné,

maintenu dix-sept jours en camisole avec les pieds attachés au lit,

tenu pendant trois ans au secret,

empoisonné systématiquement pendant cinq mois,

que j’ai souffert un mois de coma sous le choc du dernier empoisonnement à l’asile Sainte-Anne,

enfin passé pendant deux ans à l’électrochoc à l’asile de Rodez afin d’y perdre la mémoire de mon moi dit supra-naturel,

alors que je n’ai jamais eu deux mois mais un seul, le mien, celui d’un homme qui n’a jamais voulu entendre parler de dieu.

Alors.

Alors ?

C’est en prévention d’être dieu que j’ai été un peu partout persécuté comme un homme à travers toute ma vie,

                                                             Ici, (…) ».

*****

Il est sollicité par le directeur du Théâtre du Vieux-Colombiers pour y donner un spectacle. Il songe d’abord à mettre en scène les « Bacchantes » d’Euripide mais finalement préfère donner une conférence accompagnée de la lecture de ses poèmes.

*****

La conférence  au théâtre du Vieux-Colombier « Je ne sais pas parler… on me mange mes mots ».

Le 13 janvier 1947, il était sur la scène du Théâtre du Vieux-Colombier pour sa conférence devant le Tout-Paris intellectuel et artistique. Devant une salle comble, il allait raconter sa vie d’interné, la bataille de Dublin, les envoûtements, sa lutte contre les forces du mal et lire ses poèmes. 

Evelyne Grossman écrit : « Il avait formé le projet d’une conférence pour témoigner à la face du monde des souffrances qu’il avait endurées durant ces neuf années d’internement. Il entendait crier sa révolte, demander à la société des comptes mais aussi affirmer avec éclat son retour sur la scène publique ».[14]                

Il avait déjà, prononcé des conférences, -à la Sorbonne dans les années 20 et 30, et aussi au Mexique -, mais cette fois, celle-ci fut très controversée : fallait-il qu’Artaud se donne « en spectacle » demanderont certains ? Elle fut perçue par d’autres comme hors norme, violente et bouleversante. Très vite transfigurée, elle constitua un des derniers actes mythiques des « vies et légendes d’Antonin Artaud ». Il n’en existe pas de texte à proprement parler « Je ne vais pas faire une conférence élégante et je ne vais pas faire une conférence./ Je ne sais pas parler,/ quand je parle, je bégaie parce qu’on me mange mes mots » écrit-il dans l’un de ses cahiers en décembre 1946. Il ne reste de cette conférence que des notes préparatoires, éparses rassemblées par Paule Thévenin[15]. Les témoignages concordent pour dire le désarroi et la souffrance d'Artaud lorsqu’il fut sur la scène. Paule Thévenin écrit : « Il ne parvint pas à lire le beau texte qu'il avait préparé et put tout juste, en donnant l'impression de souffrir intensément à chaque mot qu'il s'arrachait, faire le récit de quelques faits marquants de son existence. »

Il finit par laisser tomber ses feuillets, puis ses lunettes. Il les cherche. Dans un silence saisissant de la salle, Gide monta sur la scène pour le prendre dans ses bras et le rassurer, aidé par Adamov. La soirée s’interrompt.

Dans le journal Combat du 19 mars 1948, Gide déclare : « Jamais encore Antonin Artaud ne m'avait paru plus admirable. De son être matériel rien ne subsistait que d'expressif : sa silhouette dégingandée, son visage consumé par la flamme intérieure, ses mains de qui se noient »[16]

C’est sur cette même scène de ce Théâtre du Vieux-Colombier, qu’Artaud avait participé à la création de La Vie est un songe, de Calderón de la Barca, mise en scène par Charles Dullin en 1922. Il interprétait Bazille, roi de Pologne. Puis  en 1935 il y avait créé lui-même Les Cenci, jouée dans des décors et des costumes de Balthus. La conférence acquiert ainsi une très forte portée symbolique : elle a lieu dans le théâtre où Artaud a joué son premier rôle, et a monté son seul spectacle abouti. Il revient devant un public amical, ému, tendu.

Artaud  revient et c’est un déchirement.

 Evelyne Grossman présente ainsi sa conférence[17] : « Les thèmes qu’il développe dans ces cahiers sont ceux qu’il reprendra inlassablement jusqu’à la fin de sa vie et dont on retrouvera l’écho dans son dernier recueil, Suppôts et supplications. D’abord l’histoire réinventée et transfigurée de sa vie à Marseille, à Rodez, où il mourut « sous un électrochoc », en Irlande, au Mexique (…) Récits circonstanciés et répétés qu’on range d’ordinaire à la rubrique « délire paranoïaque » : les envoûtements qu’il a subis, le coup de couteau reçu à Marseille en 1916, les empoisonnements par les médecins, son « interminable bataille avec l’occulte », les persécutions venants de certains initiés, de la police ou de « cette sempiternelle anonyme machine appelée société ». Ce leitmotiv enfin, de tous ses derniers écrits, exprimer ‘‘ la colère de ce grand négligé de l’histoire, tant de l’homme que des animaux : le corps’’ ; en finir avec cette anatomie abjecte où l’homme fut enfermé, lors de ce tout premier envoûtement qui a pour nom ‘‘naissance’’ ; en finir avec le corps mortel, « ce squelette habillé de chair et surchargé d’organes » ; redonner à l’homme son corps infini et immortel :’’Ce qui veut dire que chaque individu qui existe est aussi grand que toute l’immensité’’».

La lettre qu’il écrivit le 31 janvier à Pascal Pia,  directeur du journal Combat témoigne de ces obsessions :

« Monsieur,

Merci de l’article que combat a consacré à ma séance du 13 janvier courant. Mais ce geste de votre part n’efface pas la réponse qui, d’après ce qui m’a été rapporté, a été donnée par vous à une personne venant, quelques avant la séances, vous demander de publier quinze lignes de textes que j’avais écrites pour en affirmer l’opportunité et l’intérêt.                                                                                            Vous avez répondu, paraît-il, que ça n’en valait pas la peine.         Ainsi donc, Monsieur Pia, 2 coups de couteau dans le dos, un coup de barre de fer, qui  m’a broyé et scindé en deux la colonne vertébrale, une agression criminelle sur un navire en pleine mer, 3 ans de mise au secret, 5 mois d’emprisonnement systématiques, dont le dernier  (empoisonnement) à l’Asile Sainte-Anne m’a laissé pour un mois dans le coma,                                                                                                 deux ans d’électrochocs injustifiés, ponctués de cinquante comas, dont l’un des premiers a fait croire au médecin qui me l’avait appliqué que j’étais mort et lui avait fait donner à deux infirmiers, l’ordre de transporter mon corps à la morgue, 9 ans d’internement arbitraire enfin, ne sont pas un assez joli grumeau d’anomalies pour que le directeur d’un grand journal puisse croire que la curiosité et le sadisme du grand public auront de quoi s’y satisfaire entièrement, et quelle sensationnelle estrapade aurai-je dû avoir à raconter pour apaiser par avance votre souci de la palpitante information (…) Car il y a des choses qu’on ne dit plus, mais qu’on assène et devant la salle du Vieux Colombier, je me suis rendu compte tout d’un coup après la vocifération de mes poèmes, qu’on ne les assène plus avec des mots , mais avec des coups : canons, bombes extra-atomiques, bâtons, torpilles, bref, tout l’arsenal. (…)                                                                                       J’ai fait cette séance pour dire : vous public, qui en dehors de mes amis représentez une société qui m’a interné et maintenu 9 ans interné, pour le seul crime d’avoir cru aux envoûtements et de le dire, je viens non seulement vous redire que je crois aux envoûtements, mais je pense que vous êtes, vous, Société, toute entière coupable des envoûtements qui ont été jetés sur moi pour me livrer pieds et poings liés aux mains de mes incarcérateurs, et qui ensuite ont servi avec l’aide l’incarcération, des électrochocs et des poissons à épuiser mes forces et à ruiner ma santé pendant 9 ans. Et ces envoûtements font parti de tout un système dont le monde vit depuis environs le déluge, et sur lequel je vous apporte  aujourd’hui les preuves les plus sensationnelles et le plus précis renseignements »[18].

Van Gogh : autoportrait halluciné de l’écrivain-poète en peintre.

A la fin du mois de janvier 1947, une exposition Van Gogh va bientôt ouvrir à l’Orangerie des Tuileries.

Pierre Loeb, galeriste, un des proches d’Artaud qui a un rôle de soutien et d’ami, l’avait incité à écrire un texte sur Vincent Van Gogh. Il refuse : il est occupé à la préparation de la publication de ses œuvres chez Gallimard et Van Gogh ne l’intéresse pas particulièrement. Pierre Loeb lui envoie les extraits d’un livre de François-Joachim Beer, Du démon de Van Gogh, paru dans Le journal Arts. Beer est psychiatre, tenant retardataire de la théorie de l’hérédité dégénérescence[19]. Celui-ci dresse un diagnostic clinique de Van Gogh et de son œuvre qui réduit le génie de Vincent Van Gogh à une folie « du type dégénérée » : c’est un déséquilibré à l’hérédité chargée. Artaud réagit très vivement, enragé contre  cette immixtion psychiatrique dont il a lui-même tant souffert, et immixtion dans l'art : il parle de psychurgi[20]. Il entre dans une colère noire. Le texte infatué de ce psychiatre qui range Van Gogh dans la grille de sa nosographie lui est insupportable. Il s’enflamme et prend fait et cause pour Van Gogh. Artaud entre dans une colère noire et commence à jeter ses mots.

Le 2 février, après une visite de l'exposition au pas de charge, Antonin Artaud rédige d'une traite l’essentiel de sa véhémente protestation.

« Non, Van Gogh n'était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques », écrit-il dans un essai au style lyrique très « écrit », dicté à la fidèle Paule Thévenin d'une parole syncopée et furibonde.

« Van Gogh le suicidé de la société »[21] est un plaidoyer pour l'aliéné — « il y a dans tout dément un génie incompris dont l'idée qui luisait dans sa tête fit peur ».

C’est aussi un réquisitoire contre la société — « un aliéné est aussi un homme qu'elle n'a pas voulu entendre et qu'elle a empêché d'émettre d'insupportables vérités … C’est ainsi que la société a fait étrangler dans ses asiles tous ceux dont elle a voulu se débarrasser ou se défendre, comme ayant refusé de se rendre avec elle complices de certaines hautes saletés».

Au Musée d’Orsay : Artaud en Van Gogh

Le texte d’Artaud ne laissait pas indemne, sortant de sa bouche d’ombre et de souffrances, de prédicateur visionnaire, d’annonciateur d’Apocalypse.

Exposition merveilleuse. Isabelle Cahn, conservateur en chef au musée d'Orsay, en a eu l’idée extraordinaire, l’a réalisée, et l’a fait exister. 

Cette exposition nous introduit au cœur du lien intime qui lie Artaud à Vincent. 

On ne peut demander à une exposition comme celle-ci, qui nous met en présence de deux génies et de l’art absolu, d’être avant tout un exercice de pédagogie.  Elle dit peu, très peu de choses, sur Antonin Artaud, sur sa propre folie, son désespoir, sa haine violente des psychiatres, sur leur bêtise et leur suffisance obtuses, sur les pratiques incantatoires de désenvoûtement auxquelles il s’est livré contre eux. Elle fait cependant percevoir que la folie, loin d’effrayer encore et de mériter l’horreur toujours actuelle des camisoles chimiques et de la convulsivothérapie, ces électrochocs qui ont tant torturés Artaud, jouxte la création la plus inventive, la plus décisive, et nous ouvre aux vibrations secrètes du monde, aux nuits étoilées et aux soleils d’incandescence.

L’exposition s’ouvre sur une pièce obscure, une sorte de sas, où, à condition de vraiment tendre l’oreille, on perçoit dans le lointain, la voix d’Antonin Artaud vers la fin de sa vie, criarde, éraillée, crissant dans les aigus. Incantatoire. La voix de cette forme particulière de tortures psychiques qui le ravageaient.

Pourquoi une telle discrétion ?

Au tout début de l’exposition un cartouche explique  les circonstances de l’écriture du « Suicidé de la société » et précise :

« En s'appuyant sur les catégories ou les désignations singulières mises en avant par Artaud dans Van Gogh le suicidé de la société, le parcours de l'exposition se déroule à travers une quarantaine de tableaux, un choix de dessins et de lettres de Van Gogh ainsi qu'une sélection d'œuvres graphiques du poète-dessinateur. »

Tout l’accrochage des toiles de Van Gogh est magnifiquement conçu en fonction du texte d’Artaud.

Mais au-delà, il n’y a rien ou presque sur les raisons de l’empathie d’Artaud pour  Vincent Van Gogh, sinon les extraits du texte d’Artaud, qui parle, parle….et parle de cette empathie qui lui a fait écrire :

«Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés, dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli.
Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain,
preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,
par le fait même,
un formidable musicien.»

Artaud se projette, s’identifie, se confond. Ce texte jaculatoire, inspiré, est comme l’envers sublime et sublimé de ceux qu’il a écrit dans la période précédente, où il répète comme une litanie, l’obsession de ses malheurs, des agressions, qu’il a subies, des douleurs qu’il a endurées. Ici, tout d’un coup, c’est la révélation prophétique de ce que dit et peut le génie d’un peintre qui révèle les insupportables vérités d’un monde vibratoire, en convulsion. C’est la parole inspirée d’Artaud qui se libère et parle de ce que peut la création.

*****

Cette exposition nous rend voyants.  

Nous voyons, là, entre texte et tableaux, à quel point Artaud se projette entièrement dans les tableaux de Van Gogh. D’abord comme une réaction violente contre ce psychiatre qui a publié cette plaquette où il diagnostique de façon pédante la folie d’Artaud : entre  dégénérescence, hérédité tarée et schizophrènie.

Artaud s’insurge avec véhémence : Vincent, c’est lui-même. Il voit sa vision qui  révèle « d’insupportables vérités ». Il en témoigne. Il voit la persécution. Il voit la machinerie de la machine, du système, de la société qui rejette Vincent, et veut sa mort.

Il accuse le Dr Gachet d’avoir poussé Vincent à la mort, d'en être la cause.

Portrait du Docteur Gachet. Musée d’Orsay.

A côté du tableau le représentant, dans un cartouche, ce passage du texte d'Artaud :

 « Je pense pourtant plus que jamais que c’est au docteur Gachet, d’Auvers-sur-Oise, que van Gogh a dû , ce jour-là,

a dû, dis-je, de quitter la vie,-

car Van Gogh était une de ces natures d’une lucidité supérieure qui leur permet, en toutes circonstances, de voir plus loin, infiniment et dangereusement plus loin que le réel immédiat et apparent des faits ».

La haine d’Antonin Artaud pour le corps médical en entier est prégnante. Dans une autre salle, un tableau du jardin du docteur Gachet : noyée au milieu d’une mer efflorescente de marguerites, Marguerite justement, la fille de Gachet que l’on distingue à peine. Vincent aurait-il eu du sentiment pour elle ? Le tableau est peint quelques jours avant sa mort. Gachet a-t-il envoyé dans les champs de blés, rejoindre les corbeaux ?

Gachet ancêtre de Ferdière, tous deux psychiatres modernistes, amis des arts, amoureux et amoureux des génies ? Mais fermés à leur  intériorité et, à leur manière, enfermant. En faisant le portrait de Gachet, Artaud peintre liquide sa relation à Ferdière :

« J’ai passé neuf ans moi-même dans un asile d’aliénés et je n’ai jamais eu l’obsession du suicide, mais je sais que chaque conversation avec un psychiatre, le matin à l’heure de la visite, me donnait l’envie de me pendre, sentant que je ne pourrais pas l’égorger. »[22]

 *****

La toile qui a le plus inspiré Artaud lors de sa visite de 1947 n’est pas exposée à Orsay : Le Champ de blé aux corbeaux, trop fragile, n'est pas transportable et ne quitte plus le Van Gogh Museum d'Amsterdam. Une heureuse installation vidéo la remplace, permettant d'admirer, par le grossis­sement des détails, la justesse et l'acuité du regard d’Artaud.

« Regarder n'est pas une affaire de réflexion mais d'effraction. Un coup acéré de bistouri. » Le scalpel d'Artaud dissèque « comme au tranchoir » l'anatomie géologique du tableau — « une espèce de plaine livide peut-être, vide en tout cas, où la couleur lie-de-vin de la terre s'affronte éperdument avec le jaune sale des blés ». Dispersés sur le bleu violacé du ciel, les corbeaux sont d'insolites oiseaux de mauvais augure : « Nul autre peintre que Van Gogh n'aura su trouver comme lui, pour peindre ses corbeaux, ce noir de truffes, ce noir de gueuleton riche, et en même temps comme excrémentiel. »

Le bouleversement que produit le commentaire d’Artaud est décuplé par la voix et la diction bouleversantes d’Alain Cuny, désormais et à jamais indissociables.

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Qu’est-ce que peindre ?

On peut être étonné par l’indifférence totale d’Artaud à l’égard de ce qu’il y a de technicité dans la peinture. Alors que dans ses lettres à son frère Théo, (dont certaines exposées) Vincent ne cessent de travailler des questions techniques qui le passionnent et peut être l’obsèdent, - questions par exemple sur la fragmentation de la touche, sur la palette, sur les rapports de couleurs, sur l’expression de la lumière.  Artaud n’y accorde aucun intérêt. Il voit en Vincent un sauvage, un peintre pulsionnel, un « convulsionnaire » : dix fois, vingt fois, Artaud parle des convulsions des toiles de Vincent, du monde en convulsion qu’il peint, montre et révèle. Van Gogh peint dans la spontanéité : il y a eu des peintres déclare Artaud, Jérôme Bosch par exemple, qui travaillaient le dessin, la peinture… C’étaient des peintres, des artistes. Vincent Van Gogh lui, est un visionnaire, il est un voyant de la réalité dont il montre les convulsions, dans une sorte de naïve spontanéité du trait mouvant et des couleurs éclatantes. Son génie tient tout entier dans sa sauvagerie et la naïveté de son ignorance.

A croire Artaud, Van Gogh est une sorte d’idiot pictural, un sublime idiot.

Et pourtant, à certains moments, c’est bien en technicien du dessin qu’Artaud rencontre et interroge Van Gogh, et paradoxalement, c’est en visionnaire que celui-ci répond. Dans une salle consacrée aux dessins d’Artaud, on peut lire ceci :

Qu’est-ce que dessiner ?

« Comment y arrive-t-on ? », s’interroge Artaud avec Van Gogh en pensant à ses propres dessins mais aussi à ceux de Vincent «...tracés d’un trait discontinu, avec des points, des hachures, des crêtes d’encre brune, des traits enroulés sur eux mêmes, des taches d’aquarelles, pour maitriser la forme, l’air, l’espace, exprimer sans l’enfermer un instant de vie.

C’est l’action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible, qui semble se trouver entre ce que l’on sent et ce que l’on  peut. Comment traverser ce mur et le traverser à la lime, lentement et avec patience à mon sens »[23]

L’écriture d’Artaud, « une sorte de voyance interne des cataclysmes de l’âme ».

 Faut-il voir dans la peinture de Van Gogh comme dans l’écriture d’Artaud, un désastre de la pensée, un effondrement de l’âme, troués tantôt de percées de lumières luttant contre la nuit de l’esprit, les failles de la composition et les imprécisions de la forme, , comme le croit Michel Schneider[24] allant chercher un allié chez Michel Foucault et son texte « La folie, l’absence d’œuvre »[25] ? Malgré toute la révérence que l’on peut avoir pour l’œuvre de Foucault nous ne le suivrons pas sur ce point où il interprète  la folie comme l’inexprimable : ne pas l’expulser dans l’objectivité, c’est la laisser se dire elle-même. Mais la folie est par essence ce qui ne se dit pas, c’est l’absence d’œuvre. « La folie d’Artaud ne se glisse pas dans les interstices de l’œuvre, elle est précisément l’absence d’œuvre, la présence ressassée de cette absence, son vide central éprouvé et mesuré dans toutes ses dimensions (…) La folie est absolue rupture de l’œuvre ; elle forme le moment constitutif d’une abolition qui fonde dans le temps la vérité de l’œuvre ; elle en dessine le bord extérieur, la ligne d’effondrement, le profil contre le vide. L’œuvre éprouve dans la folie sa propre absence, mais cette épreuve, le courage recommencé de cette épreuve, tous ces mots jetés contre une absence fondamentale de langage, tout cet espace de souffrance physique et de terreur qui entoure le vide, ou plutôt coïncide avec lui, voilà l’œuvre elle-même : l’escarpement sur le gouffre de l’absence d’œuvre. »

 En somme, la présence-absence ou l’absence-présence…. L’œuvre cependant est bien là, présente, à condition d’y accéder. A moins de la qualifier de « prétentions littéraires » et de « graphorrhée ».

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 Ce ne sont pas les neuf ans d’internements, mais toute la vie d’Artaud qui fut une confrontation aux prétentions et au pouvoir de la psychiatrie. Dès l’âge de cinq ans, il a d’étranges visions, il voit double. Verdict douteux : il est atteint d’une méningite, maladie mortelle. Comme il n’en meurt pas, et puisque la science ne peut errer, il est considéré comme mort et ressuscité. Miraculé.

Commencent alors ses maux de têtes qui ne finiront jamais et des convulsions. On lui délègue un prêtre et un spécialiste des maladies nerveuses. Commencent aussi la longue histoire de ses rapports avec la religion et la médecine, qui se dénouera cinquante ans plus tard dans la chambre ascétique qu’il habitait à Ivry, probablement intoxiqué par les surdoses de tranquillisants, d’opium, de laudanum, qu’il absorbait pour apaiser la torture de ses insupportables maux. 

 « Entre temps l’asile, la drogue, les traitements insensés des psychiatres, les piqûres et surtout le long voyage d’une écriture qui permet à Artaud de se construire une thérapeutique intime et un théâtre à usage secret, capable de le protéger contre les assauts répétés d’un savoir médical qui prend appui sur le « pouvoir des mères ». Les mots de corps contre les maux du corps, les mots de la pensée contre les maux de têtes : la langue d’Artaud est un geste rituel, une parole de chair qui tantôt clame sa soumission et tantôt hurle sa révolte, dans le grand style d’une métaphore surréaliste corrigée par le rythme contraignant d’une tradition mystique. (…)

A travers Van Gogh, Artaud porte un coup fatal à la psychiatrie et à la maladie des mères (…).

Antonin Artaud est sans doute le premier parmi les innombrables psychiatrisés du demi siècle à témoigner de l’intérieur de la poésie et de la littérature, du pouvoir psychiatrique ; il propose une nouvelle écoute de la folie qui anticipe sur es pratiques à venir des antipsychiatres. Il montre que la maladie mentale est une invention de la médecine et de la société. Loin de nier l’existence de la folie, il manifeste que son encerclement est à l’origine de son impossible expression. (…)

Les derniers textes d’Artaud (…) réalisent cette articulation jusque-là impossible entre une écriture poétique et une parole explicite et corporelle de la folie (…) une sorte de voyance interne des cataclysmes de l’âme. La psychiatrie elle-même, devant les progrès constants de la chimie, de l’électricité et de la pharmacologie, voit déjà poindre le déclin de ses figures d’antan ; le patriarche autoritaire  ou bon enfant est remplacé progressivement par l’administrateur de drogues, par l’anonyme fonctionnaire bardé de compétences et capable d’ordonner la déraison au nouvel ordre de la société.

Avec Artaud, la folie change de scène, elle parle dans la rue comme dans les temps anciens, elle échappe au délire médical, elle sort des grandes coulisses de l’être et devient un théâtre : elle rencontre l’agitation, la propagande et le remue-ménage des mots. La revanche du Mômo s’est accomplie ».[26]


[1] Exposition au Musée d’Orsay : Van Gogh / Artaud. Le suicidé de la société. Jusqu’au 6 juillet .

[2] Antonin Artaud, Gallimard, Œuvres Complètes, tome IV, p.46.

[3] Antonin Artaud "le Théâtre et son double". O.C. idem.

[4] Extrait du certificat du 13 octobre 1937, établi par le docteur R. avant le transfert à Rouen. Evelyne Grossman, Chronologie d'Antonin Artaud, in Artaud Œuvres, Gallimard, Quarto, Paris, 2004, p. 847.

[5] Evelyne Grossman, in Artaud, Œuvres Idem p. 845

[6] Certificat du Dr. N. de Sainte Anne. Reproduit dans  Evelyne Grossman, idem.

[7] Il est  établi que plus de 40 000 internés dans les hôpitaux psychiatriques sont morts de faim en France sous l’Occupation, après une agonie découlant d’inanition.

 Voir : Isabelle von Bueltzingsloewen   L'Hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l'Occupation, Aubier, 2007 Flammarion-Champs, Histoire, 2009.

[8]  Isabelle von Bueltzingsloewen  , Un fol espoir thérapeutique ? L’introduction de l’électrochoc dans les hôpitaux psychiatriques français (1941-1945). Le corps humain et l’électricité.  Annales historiques de l’électricité. 2010/1 (N°8). Victoires Editions.

[9] Depuis, la sismothérapie, rebaptisée électro convulsivothérapie (ECT) est largement pratiquée par la psychiatrie « biologique », devenue aujourd’hui dominante, quand les psychotropes sont jugés inopérants (dépressions, accès maniaques, certains symptômes de la schizophrénie). Les résultats sont cependant estimés suffisants par les psychiatres pour négliger les effets secondaires graves (céphalées, courbatures, nausées, complications orthopédiques, troubles de la mémoire et des facultés cognitives gravement invalidants et parfois irréversibles, perte de l’orientation). L’ECT est toujours pratiquée alors même qu’on ignore les mécanismes biologiques sous-tendant leur effet antidépresseurs et ceux qui sont à l’origine de leurs conséquences amnésiques. Depuis la loi du 4 mars 2002, relative au "droit du malade", le « consentement libre et éclairé du malade »  est strictement nécessaire pour que puisse être pratiqué ce genre de thérapie. Il a fallu attendre plus de 60 ans pour limiter la pratique barbare de cette technique médicale. Il reste qu’à l’heure actuelle, il y a 70 000 ECT par an en France, et plus de 200 000 en Angleterre. Les séances qui varient de 6 à 12, sont administrées au rythme de 2 à 3 par semaines. Artaud en a subies plus du double.

 Jean-Noël Missa  Naissance de la psychiatrie biologique. Histoire des traitements des maladies mentales au XXe siècle, PUF, 2006 ;  Florence de Mèredieu, , "Sur l'électrochoc, le Cas Antonin Artaud", Paris, Blusson, 1996. Morel, Pierre, Claude Quétel : Les médecines de la folie, Pluriel-poche.

[10] Artaud, Œuvres, édition établie, présentée et annotée par Evelyne Grossman, Quarto/Gallimard, 2004, p. 1759.

[11] Lettre au Dr. Jean Dequeker, in : Artaud Œuvres, Quarto.  p. 1203.

[12] Elisabeth Roudinesco , Antonin Artaud, quatre lieux sur la mer. In, La psychanalyse mère et chienne. Avec Henri Deluy. UGE 10/18, 1979.

[13]  Ibid. p. 1415

[14] Ibidem, p. 1172.

[15] Sous le titre Histoire vécue d’Artaud-Mômo – Tête à tête par Antonin Artaud. Œuvres complètes vol. XXVI, Gallimard.

[16]  in : Antonin Artaud, Œuvres, Quarto/Gallimard, , p. 1191.

[17] Artaud, Œuvres, édition établie, présentée et annotée par Evelyne Grossman,    Quarto/Gallimard, 2004. p. 1173

[18] Artaud, Œuvres, Quarto/Gallimard, 2004. p. 1201

[19] voir Henri Ellenberger Histoire de la découverte de l’inconscient, Fayard, 1994 ; Michel Foucault, La volonté de savoir, Gallimard 1976 et Elisabeth Roudinesco Dictionnaire de psychanalyse, Fayard 2006.

[20] La Psychurgie est un terme utilisé par les occultistes du xixe et du début du xxe siècle. Il est introduit par Fabre d’Olivet (1767-1825) : il a « l'ambition d'organiser un culte de l'invisible, [en s'appuyant] sur le principe d'une science encore inconnue de "l'homme universel", la "psychurgie", véritable art d'utiliser son énergie mentale ». Ce mot est composé sur le modèle de théurgie, du grec Psukhê l'esprit et urgia, l'action.

[21]  L’ouvrage parut chez K éditeur fin 1947. Selon le vœu d’Artaud, il était illustré  de 7 reproductions de tableaux de Van Gogh. Le livre reçut le prix Sainte-Beuve en janvier 1948.

[22]  A.Artaud, Van Gogh, le suicidé de la société, Gallimard, O.C. vol. XIII

[23] Lettre de Vincent à Théo Van Gogh. La Haye, 22 octobre 1882. Cité par Artaud dans Van Gogh, le suicidé de la société.  idem

[24] Le Point - Publié le 16/03/2014. Michel Schneider, Van Gogh, la folie à l’œuvre.

[25] M. Foucault, Histoire de la folie, Gallimard Tel, pp. 554-557.

[26] [26] Elisabeth Roudinesco, Antonin Artaud, quatre lieux sur la mer. In, La psychanalyse mère et chienne. Avec Henri Deluy. UGE 10/18, 1979.

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