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Billet de blog 4 juin 2013

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La Grand' Messe de Jacques-Alain Miller : Dans l'épisode premier, Miller-Capitaine Win-Win part à la Conquête du Monde.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans lequel lecteur, tu découvriras que, semblable aux Valeureux[1], notre héros picaresque porte des noms multiples, savoir : Meunier du Moulin à Paroles Lacanissimes, Commandeur des Plaideurs, Bey des Transcripteurs par le Droit Autorisé, Grand Ordonnateur de l'Université Supérieure et Philosophique et, - ( last but not least) -, Miller-Capitaine Win-Win.

L’«Université Populaire de Jacques Lacan. Colloque animé par Jacques-Alain Miller. Le désir et la loi » s’est tenue ce samedi 25 et ce dimanche 26 mai à la Mutualité, à Paris.

L'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet[2] est située dans le 5e arrondissement, quartier Saint-Victor, au 23 rue des Bernardins, à quelques dizaines de mètres de la rue Saint-Victor où se tient la Maison de la Mutualité. Devant l’entrée de l’église, dimanche dernier, j’ai croisé quelques couples désuets, deux ou trois scouts, un marcheur en tenue de marche, sac à dos, grand bâton à la main et béret sur la tête, un curé en soutane gros godillots aux pieds. Devant l’entrée de la Mutualité, ce n’était pas du tout la même atmosphère : le long du trottoir, une théorie de gros-bras, brassards du service d’ordre bien visibles, certainement loués à une société de gardiennage, protégeait l’entrée du Salon Maubert, où se tenait une autre sorte de messe, un autre intégrisme.

On attendait avec impatience et inquiétude cette Université Populaire. L’annonce dans Lacan Quotidien, (LQ), il y a trois mois,  a été suivie d’un silence d’autant plus retentissant qu’il était contraire à l’habituelle absence de discrétion jacqu’alainmillérienne. Allait-elle se tenir ?

Soudain, "Dernière Minute" affichée sur LQ, Mercredi 22 mai 2013 à 18 h32, ce fut enfin le soulagement, la nouvelle tomba : le colloque était confirmé, au jour et à l’heure dite.
Autre soulagement : le Séminaire VI, Le désir et son interprétation, texte établi par Jacques-Alain Miller, allait enfin paraître. Et Jacques-Alain Miller qui avait disparu depuis déjà quelques temps allait enfin réapparaître. On en avait la confirmation.

Les premiers exemplaires seraient en vente en exclusivité à l'accueil librairie le samedi 25 mai dès 9h.

Jacques-Alain Miller présentera Le Séminaire VI puis répondra aux questions de la salle, le dimanche 26 juin de 11h à 13h. Le livre[3] paraîtra ensuite en librairie le 6 juin.

C’est pourquoi, ce jour-là, j’ai décidé de m’y rendre pour couvrir l’événement.

Au programme, rien. Aucune annonce. Ou plutôt, l’intervention célibataire de Jacques-Alain Miller comme seule annonce. Tout cela avait des allures bizarres. Tout se faisait sous le manteau, avec publicité minimale, information donnée aux Happy Few  membres de l’Ecole, sans plus. Information elle-même minimale.

Le colloque était organisé par l’UFORCA. L’UFORCA ?...

Le cosmos de Jacques-Alain Miller ressemble à celui des grandes entreprises détenues par le  capital financier où pullulent les sociétés ceci, et les sociétés cela, emboîtées les unes dans les autres, se montrant et se masquant tour à tour, pour mieux permettre la circulation des capitaux, s’investissant ici, se retirant de là.  Monde volontairement labyrinthique où il est difficile de savoir qui est contrôlé par qui et qui possède quoi. Il n’est pas plus aisé de saisir le sens de ce cosmos millerien. On ne peut y parvenir que si on ne se laisse pas prendre à l’apparence du paradigme finaliste et utilitariste, - ceci à été créé en vue de…, pour tel usage et dans tel but - , et qu’on ose envisager derrière lui, celui de la vision chamanistique procédant par une incantation  de la prolifération cumulative. On s’aidera pour cela de la relecture du chapitre X de l’ Anthropologie structurale  de Claude Lévi-Strauss, qui théorise l’efficacité symbolique de l’incantation chamanistique. On comprendra alors que selon la logique de ce monde foisonnant, l’UFORCA n'est que l’une de ces nombreuses enseignes de la même maison-mère. La prolifération est ici la forme nécessaire de la conquête du monde : Tomorrow, the World !

Je n’invente rien, car à le faire, je serai toujours en deçà de la réalité.

Voici la déclaration, - il faudrait dire proclamation - , faite par Jacques-Alain Miller, Grand ordonnateur de l'Université Supérieure et Philosophique et Capitaine Win-Win, le 1er fév. 2011, à l’occasion des 38émes Journées de l’Ecole de la freudienne, nouveaux versets de l’Ecclésiaste[4] :

Il y a un temps pour penser – méditer, calculer, supputer, tergiverser – et il y a un temps pour agir, foncer, passer au registre de l’acte, ce qui comporte toujours de traverser en toute hâte la barrière du non-savoir.

Voici quelque temps que j’ai mis l’idée en discussion, de créer un puissant pôle d’enseignement à Paris, en réunissant sous un même chapeau, sans mettre en cause leur autonomie de fonctionnement, les enseignements de l’École, ceux du Département de psychanalyse, les deux Sections cliniques, le Collège freudien pour la formation permanente, l’Envers de Paris, les Groupes du Champ freudien, que sais-je encore ? Je suis allé jusqu’à évoquer l’idée d’une Université européenne, et cette idée a été soutenue par Uforca, bien accueillie en Espagne comme en Italie.

(...)

Une ligne politique se dégage ; je l’expose au fur et à mesure qu’elle se révèle à moi, comme un prophète qui ne serait que logicien ; elle recueille ces jours-ci l’assentiment de la plupart. Eh bien, le moment est venu de conclure sur l’affaire universitaire, pour aller de l’avant sur d’autres plans encore.

Je dis « Université populaire », parce que le terme est connu, qu’il a cours, et qu’il indique bien que nous prendrons à cœur cette « éducation freudienne du peuple français » que j’appelais de mes vœux au début de cette décennie – sauf à l’étendre à tous les peuples, comme nous y encourage l’exemple de Mitra Kadivar en République islamique d’Iran. Les religions ont bien réussi à orienter l’humanité vers des divinités d’utilité douteuse, et dont l’existence est sujette à controverse. Pourquoi reculer devant la notion d’une humanité analysante ? Ce n’est pas pour demain, je vous le concède – mais après-demain ? Tomorrow, the World !

 (…)

Je pose l’acte. Je n’ai pas plus de détails à communiquer. On les discutera ensuite, dans l’esprit des Journées, win-win. Cette Université populaire, je la construirai à ciel ouvert, sous la tyrannie de la transparence, avec ceux qui voudront y collaborer, en particulier dans le Journal, et sur Twitter ».

Tomorrow, the World !

Demain ?... Non.

Pas pour demain, il nous le concède, mais pour après demain, l’humanité analysante. Une ligne politique se dégage, …celle d’un prophète qui ne serait que logicien.

Qu’on en suive bien le déroulement logique.

D’abord une  « éducation freudienne du peuple français », puis, sur l’exemple de Mitra Kadivar, (vous savez, l’héroïne millero-lacanienne prétendument persécutée par le régime iranien grâce aux méchants tortionnaires psychiatres aux ordres et libérée par la « Grande Pétition Jacqu’alainmillérienne ».

Sur son exemple donc, hop ! « pourquoi reculer devant la notion d’une humanité analysante » ? Mitra Kadivar, une inspiratrice venue du monde des Esprits : comme les chamans qui, grâce aux fumigations de certaines fèves ou à la consommation de champignons hallucinogènes entrent en communication avec les esprits, Miller Win-Win consomme du Mitra Kadivar et se fait prophète : Tomorrow the world. De ce Miller Win-Win, faut-il rire ou avoir froid dans le dos ?

 De cette poussée vers le « toujours plus », son frère Gérard en a traité, dans l’un de ses tout-premiers livres[5].

Le surmoi incite bien plus qu’il n’interdit, il « pousse à …». 

C’est le côté « toujours plus » de l’exigence d'un conquérant – ça n’arrête jamais !

 Le Capitaine Win-Win partira-t-il à la Conquête du Monde ?

 To morrow…, la suite.


[1] Les Valeureux, c’est à la fois le nom de la trétralogie d’Albert Cohen (Solal, Belle du Seigneur, Mangeclous, Les Valeureux) et le titre du dernier volume de celle-ci : un savoureux roman picaresque aux aventures  rocambolesques. Ses cinq personnages principaux se nomment eux-mêmes ainsi : les Valeureux.

Voici ce qu’on peux lire en quatrième de couverture : « Les Valeureux, ce sont les cinq cousins Solal de Céphalonie : le charmant et naïf oncle Saltiel, le délicieux petit Salomon, Michaël le séducteur, Mattathias l'avare et surtout Mangeclous, le Bey des menteurs, le « capitaine des vents », perpétuellement affamé, aussi fertile qu'Ulysse en tours ingénieux, telle l'Université Supérieure et Philosophique de Céphalonie, où il donne de savoureux cours de séduction, ou cette épître à la Reine d'Angleterre, riche en conseils culinaires ».

 Ces personnages se donnent de multiples noms. Particuliérement Mangeclous, personnage Gargantuesque grotesque et grandiose, truculent et démesuré, grisé du plaisir d’être lui-même, qui est surnommé aussi Longues Dents, et Œil de Satan, et Lord High Life et Sultan des Tousseurs, et Crâne en Selle et Pieds Noirs, et Haut de Forme et Bey des Menteurs, et Parole d’honneur et Presque Avocat, et Compliqueur de Procès, et Médecin de Lavements, et Âme de l’Intérêt et Plein d’Astuce, et Dévoreur de Patrimoines, et Barbe en Fourche et Père de la Crasse, et Captitaine des Vents.

C’est aussi l’histoire d’un peuple juif soudé et solidaire , dont les liens familiaux sont sacrés. La leçon d’Albert Cohen y est à la fois sommaire et essentielle : en ce monde mortifère et cruel, les rapports tendres et heureux qu’on nomme « amour » sont primordiaux afin de surmonter les épreuves de la vie.

Les Valeureux, Gallimard, Folio ,1970.

[2] Depuis le 27 février 1977, date de son occupation illégale par la force par des proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, fraternité dont elle dépend officieusement depuis lors, cette église constitue le principal lieu de culte parisien du mouvement catholique traditionaliste — c’est-à-dire « intégriste » — ainsi que de la frange catholique de l'extrême droite française.

[3] Le Seminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par Jacques-Alain Miller, Editions de La Martinière & Le Champ freudien , 2013.

[4] « Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux: 2 un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté; 3 un temps pour tuer, et un temps pour guérir; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir; 4 un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser (…) ». Ecclésiaste 3 (version Segond 1910).

[5] Gérard Miller, Les pousse-au-jouir du Maréchal Pétain, préface de Roland Barthes, Paris, Le Seuil 1975.

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