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Billet de blog 10 avril 2013

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Des nouvelles de Tunisie: Raja Ben Slama, une femme en lutte pour les libertés et toujours menacée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme tous les signataires de la pétition pour la défense de Raja Ben Slama, j'ai reçu d'elle son communiqué où elle fait le point sur sa situation. Avant de la lire, je pense bon de rappeler les faits. Le mieux est que je laisse la parole à l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires qui, dans son communiqué du 25 février dernier, déclarait :

Après le mandat d’amener lancé contre la professeure Raja Ben Slama, l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires dénonce cette décision et exprime sa solidarité avec la professeure menacée d’arrestation.

Un mandat d’amener a été lancée contre   l’universitaire Raja Ben Slama, professeur de littérature arabe à la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba, le 21 février 2013 et elle a été informée que des poursuites judiciaires avaient été engagées contre elle sur la base d’une loi abrogée après la Révolution,   pour un délit d’opinion en relation avec une critique adressée à un constituant du parti Ennnadha.
Face à cette décision grave qui porte atteinte à la liberté d’expression et qui vise à réduire au silence les voix libres, l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires exprime sa solidarité sans faille avec  Raja Ben Slama et  dénonce ce nouveau procès qui s’ajoute à la liste des poursuites judiciaires intentées contre plusieurs intellectuels et créateurs et particulièrement Habib Kazdaghli, doyen de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba. 
Elle considère le recours à ce genre de poursuites comme une nouvelle tentative de la part des autorités  d’instrumentaliser   la justice et de l’impliquer dans des controverses intellectuelles, un soutien, une couverture aux campagnes savamment orchestrées menées par certaines parties pour porter atteinte à la liberté d’opinion et museler l’intelligentsia tunisienne et leur légitimation. 
Elle appelle, pour toutes ces raisons, les autorités concernées à l’abandon  de toutes les poursuites à l’encontre de Raja Ben Slama, de tous les universitaires et les créateurs tunisiens.
Pour le bureau de l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires Habib Mellakh

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Je tiens à dire qu'à ce jour, cette pétition a reçue 6 111 signatures et qu'il est toujours possible de la signer en allant à :

http://www.petitions24.net/petition_en_faveur_de_raja_benslama_et_pour_les_libertes_en_tunisPétition en faveur de Raja Benslama

Voici la pétition:

Pour la défense des libertés en Tunisie

Les signataires de la présente pétition dénoncent les poursuites pour délit d’opinion, engagées par le pouvoir islamiste en Tunisie contre Raja Benslama, psychanalyste et professeur à l’université de Tunis. Ils s’indignent qu’un mandat d’amener ait été lancé contre elle, le 21 février 2013, pour avoir critiqué un dirigeant du parti Ennahda à l’Assemblée constituante. Ils découvrent avec stupéfaction que le Ministre de la justice a autorisé ces poursuites sur la base d’une loi abrogée, après la révolution. Ils constatent que les agressions et les persécutions contre les intellectuels (artistes, journalistes, universitaires, humoristes, etc.) s’amplifient de jours en jours. Le doyen de la Faculté des lettres de La Manouba est trainé devant les tribunaux, depuis plus d’un an, sous des prétextes fallacieux. Devant ces graves atteintes aux droits et aux libertés, ils exigent des autorités tunisiennes l’abandon de toutes les poursuites. Ils demandent aux dirigeants des États européens d’adopter une position ferme face au parti Ennahda et à son supposé « islamisme modéré ».

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Et voici le communiqué de Raja Benslama, daté du 7 avril dernier 

Chers amis,

J’ai été auditionnée le 5/4/2013 par le juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis. Je suis, comme vous le savez, accusée de diffamation par le député de la Nahdha qui est le rapporteur général de la constitution, en vertu de l’article 128 du code pénal.

Résumé de mes réponses :

-Mr Habib Khedher a déformé mes propos, estimant qu'ils concernent ses mœurs et sa vie privée.  Je ne connais pas Habib Khedher en personne et sa vie privée ne me concerne pas. J'ai soulevé une question ayant trait à l'éthique politiqueLa relecture de mes propos par le juge confirme cette déformation de mes propos.

- J’ai montré la différence entre les deux  moutures  de l’article 26 : celle qui a été votée par la commission des libertés et des droits et celle retournée par le rapporteur général. La première  édicte la liberté de création et d’expression sans restriction. La seconde  soumets ces  libertés culturelles à des restrictions (santé publique,  sécurité publique et  morale publique). De plus, cette mouture annule la spécificité de l’activité artistique par le déplacement d’un alinéa. La liberté de la presse et la liberté de création sont ainsi traitées de la même manière. Il se trouve que cette  mouture retournée est bien celle du parti Nahdha, refusée par 11 contituants contre 10.

Donc, le rapporteur général n’a pas respecté le résultat du vote, a outrepassé ses prérogatives et a tenté d’imposer les choix idéologiques de son parti.

-La commission des droits et des libertés a fini par refuser la mouture du rapporteur général. Ce qui me donne raison : elle est liberticide.

-Je n’ai  fait que commenter une vidéo montrant deux constituants en train d’accuser le rapporteur général d’avoir falsifié l’article 26.

Mes avocats ont demandé de classer l’affaire pour les raisons suivantes :

- Des irrégularités de forme : le fait d'attribuer le titre de fonctionnaire public à Habib Khedher est illégal.

- Cette affaire constitue un glissement vers une nouvelle dictature restrictive des libertés. On a le droit de critiquer les personnalités publiques.

-Devant le palais de justice

Des universitaires et des défenseurs des droits de l'homme sont venus me soutenir. Ils  ont scandé  des slogans qui réclament la liberté d'expression et les libertés académiques.

Merci infinement pour votre solidarité pour la cause de la liberté en Tunisie.

Raja Benslama

Psychanalyste, professeure à l'université de Tunis

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