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Billet de blog 20 octobre 2014

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Geneviève Fioraso assassine le Collège International de Philosophie (Ciph).

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Le Ministère de l’Education nationale et de la Recherche commémore à sa façon les dix ans de la mort de Jacques Derrida et les 31 ans du Ciph.

Journaux, magazines et télévision ont célébré, chacun à sa manière, le dixième anniversaire de Jacques Derrida. Certains ont parfois rappelé comment, celui qui est unanimement reconnu comme un des plus importants penseurs de notre temps s’y est aussi impliqué, penseur et acteur. Comment après avoir impulsé et animé le Greph[1], à la fois lieu critique de l’institution de l’enseignement philosophique en France, et force de proposition pour un enseignement de la philosophie pour tous, il a œuvré principalement avec  François Châtelet, Jean-Pierre Faye et Dominique Lecourt pour la création d’un lieu original favorisant les échanges entre philosophes, intellectuels, écrivains, scientifiques, artistes, et avec la société civile et ouvert à tous.

En 1983, et sous cette impulsion, l’Etat français décida la création du Collège International de Philosophie (le Ciph), c’est à dire la construction d’un espace public où la pensée critique s’exerce et se renouvelle en toute liberté, en surmontant les frontières nationales, linguistiques et disciplinaires, à côté des institutions d’enseignement supérieur et de recherche.

Depuis, son activité s’est développée, a rayonné mondialement. Elle  a été encore récemment reconnue et louangée par une commission d’évaluation diligentée par son Ministère de tutelle. Pour n’en rester qu’à l’année 2013, le Ciph a offert 720 heures de séminaires publics et gratuits et a organisé des colloques, des journées d’études, et des débats sur des livres avec leurs auteurs.

Le Ciph a sa propre revue entièrement en ligne et en libre accès[2], Rue Descartes , qui avec quatre livraisons par an, connait des taux de fréquentation qui attestent de son intérêt et de sa réussite[3]

Le Ciph en risque imminent de se trouver en cessation de paiement, et de plus pouvoir continuer tout simplement à exister. 

Mais pour le dire de façon aussi brutale qu’est brutale la situation qui lui est faite par le Ministère de l’ Education Nationale et par la Secrétaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche, le Ciph va devoir mettre la clé sous la porte : en reniement de ses engagements et de ses obligations, le ministère de tutelle ne lui verse pas la dotation de fonctionnement qui lui permet … de fonctionner.

C’est à dire la somme de 240 000 € qui couvre essentiellement les rémunérations des quatre membres du personnel administratif qui assure le bon fonctionnement de l’ensemble de cette institution.

Je n’entrerai pas dans la description fastidieuse du honteux ballet des exigences, ou plutôt des chinoiseries administratives, que les responsables du Ciph ont subies et qu’ils ont dû surmonter, comme un parcours d’obstacles administratifs  empêchant soudainement et de façon nouvelle le versement cette dotation de fonctionnement. Si bien que les quatre personnes constituant l’équipe administrative se trouvent devant la perspective immédiate d'une cessation d'activité. La trésorerie du CIPh, a été utilisée pour y suppléer dans  l’attente de cette dotation qui ne vient pas, ce qui bien sûr n’est pas sa destination. Elle est désormais vide. Ces personnels, essentiels à la vie du Ciph sont dans la même situation que n’importe quel salarié du privé dont le patron a décidé un dégraissage, et le Ciph lui-même est en quasi instance de fermeture.

On connaît la musique. 

On connaît la musique : il s’agit ici de la mise en œuvre d’une de ces tracasseries derrières lesquelles s’abritent honteusement les hauts responsables qui, sans l’assumer, veulent la mort d’une institution ou d’une entreprise. Méthode de l’économie libérale appliquée par l’Etat à ses propres institutions, aussi prestigieuse et efficace soit-elle ?

Madame Geneviève Fioraso, va-t-elle finir par découvrir l’existence du Ciph ? Va-t-elle enfin trouver dans son courrier, la lettre écrite le 30 septembre par la présidente du Conseil d’Administration du Ciph, qui après avoir exposé le feuilleton de tout l’imbroglio administratif imposé par les services de ce ministère, et les réponses pourtant adéquates apportées par le Ciph,  finit par « …attirer (son) attention sur l’extrême urgence de trouver une solution permettant au Collège International de Philosophie qui court le risque imminent de se trouver en cessation de paiement, de continuer tout simplement à exister ». Lettre à laquelle, presque un mois après, elle n’a toujours pas répondu.  

Dernier recours, une pétition ?

Dernier recours pour se faire entendre d’un gouvernement socialiste qui renie et les engagements de celui qui l’a précédé en 1983, une pétition[4] est en cours de signature. Car le Collège a instamment besoin de cette somme pour payer ses quatre salariés de la cellule administrative qui, sans cela, se retrouveront au chômage.

Il en a besoin pour son fonctionnement minimal, afin d’appuyer les activités en France et à l’étranger de ses 50 directeurs de programme non rémunérés

Cette pétition est adressée à Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et à Geneviève Fioraso, Secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et de la Recherche.  

Quand elle recevront les signatures, qu’il faut espérer les plus nombreuses possibles, les mettront-elles sur le compte  d’… « un climat de pessimisme et de découragement » [5] en estimant que « la situation n‘est pas dramatique » comme vient de le déclarer la secrétaire d’Etat vendredi après la manifestation des chercheurs qui veulent sauver la recherche.

Avons nous à faire  à un pouvoir aveugle, sourd et autiste ? Ou simplement malhonnête, ou peut-être un tout petit peu pervers ?


[1] On trouvera, à ce lien, les principaux textes de J. Derrida relatifs au Greph et à ses enjeux : http://www.acireph.org/5%20IREPh/Histoire%20enseignement/guerre%20des%20programmes/Acte%201/GC%20Acte%201.php

[2] http://www.ruedescartes.org/

[3] A la fin de l’année 2012, la revue du Ciph, Rue Descartes, a reçu 37 402 visites sur son site. Fin 2013,  73 171 visites. Après les trois premiers trimestres 2014, la fréquentation en nette hausse par rapport à la période correspondante de 2013 : +36% de visites sur www.ruedescartes.org  (68 895) et +46 % d’articles consultés sur cairn.info (118 757).

[4] https://www.change.org/p/sauvons-le-coll%C3%A8ge-international-de-philosophie-pour-le-droit-%C3%A0-la-philosophie-pour-tous

[5] http://www.lexpress.fr/education/fioraso-aux-chercheurs-la-situation-n-est-pas-dramatique_1612906.html#SYgfVdq7IC4p5ysB.99

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