C'est bien pire qu' un bric à brac prétentieux, abusivement présenté comme un « labyrinthe ».
C'est un spectacle pervers parcouru par le fil rouge d'une obsession : mettre en scène les figures de la perversion misogyne et les infliger au public de l’Odéon comme un nouveau must de la post-modernité théâtrale. Pas une des femmes sur la scène n'y échappe à devoir, jambes largement écartées, exhiber son pubis. Comme Isabelle Hupert-Aphrodite devenant la femme-Phèdre et découvrant horrifiée sa culotte ensanglantée par ses premières règles. La découvrant aussi longuement et largement au public, en l’accompagnant de ses tressautements.
Le public, - et peut-être les critiques aussi-, blasé par le désormais pont-aux-ânes-des-acteurs-qui-se-dénudent-sur-scène supportent ces exhibitions pubiennes, comme il doivent supporter l'application avec laquelle Isabelle Huppert-Phèdre se livre à une fellation sur un Hyppolyte mélancolique, par ailleurs joué par un acteur articulant péniblement le français. Ou celle d’une fornication nécrophilique à laquelle se livre Thésée, déguisé peut-être en mafieux sicilien ray-ban au nez, sur le cadavre de Phèdre, dans la chambre d’Hyppolite transformée en une improbable morgue, tandis qu’une voix off psalmodie gravement comment le corps est amené au bûcher.
La direction d'acteur a imposé à toutes ces femmes un jeu hystérique, danseuse comprise, qui va jusqu'à rappeler les grandes crises des malades de Charcot. Isabelle Hubert se prête à ce jeu avec une entière complaisance en championne des tressautements et des hurlements.
On se demande pendant tout le spectacle ce que vient faire là Rosalba Torres Guerrero, danseuse au corps magnifique, Sinon se livrer, avec la même complaisance, à cette mise en pièce du corps féminin et de sa danse.
Fabienne Pascaud est aveuglée par l'admiration inconditionnelle qu'elle porte à Isabelle Hupert : celle-ci ne sauve rien de ce spectacle répugnant tant par sa misogynie explicite que par sa mise en scène et sa scénographie outrageusement prétentieuses. Bien au contraire elle le sert et le porte à son point d'aboutissement : elle se livre sans retenue à une débauche de cris et de tressautements, en y apportant toute sa conviction et son savoir-faire. Ou plutôt son savoir-défaire, dans une jouissance destructrice jusqu’à se livrer dans la dernière partie, à un véritable saccage hurlant des vers de Racine. Elle est dans son jeu, l’inverse de la retenue et de la tension dramatique qui en provient. C’est probablement sa difficulté à incarner les affects dans leur réalité charnelle qui ne lui laisse comme issue que ce jeu outré.
Dans cette opération où non seulement les femmes, mais aussi le théâtre sont mis à mal, mis en pièces, elle est totalement impliquée, totalement partie prenante. En cela, elle est fidèle à la voie dans laquelle elle s’est engagée depuis les valseuses.
Il n’y a qu’à persévérer dans ces choix pour dégoûter des grandes scènes de théâtre.
Textes de Wajdi Mouawad/ Sarah Kane / J.M.Coetzee.
Mis en scène par Krzysztof Warlikowski.
Joué au théâtre de l’Odéon du 13 mars au 17 mai 2016.