La campagne est lancée à Hénin-Beaumont. Jean-Luc Mélenchon repart à la bataille avec la ferme intention de permettre au Pas de Calais de ne pas perdre le Nord, ce Nord qui a été de tout temps de gauche. Il vient lui demander de retrouver le sens de l’orientation. D’aucuns disent sur un ton de reproche « Il ne manque pas d’audace, le gars », sous entendu « Il se prend pour qui ? ». Nous, nous disons « Il ne manque pas de courage » sous entendu « Il est à sa place, au cœur de la bataille ».
Comme d’habitude, ce grand amoureux de la langue française a improvisé un discours qui est un régal, chaque mot étant comme un projectile qui, en rafale, donne une phrase ciselée dirigée vers le but assigné : démonter la démarche de l’adversaire, prouver sa nocivité et démontrer et affirmer sa propre vision avec une conviction et une foi inébranlables.
Depuis le premier meeting à Paris suivant la création du Parti de gauche où il a tracé le chemin, il n’a pas changé de discours, au contraire il l’a affiné, amélioré et rendu compréhensible par tous. Mais c’est la même incantation : Unité, égalité, solidarité, fraternité, laïcité, résistance, inlassablement.
Alors qu’il remplissait le rôle de rédacteur en chef du journal « L’Humanité » il y a quelques jours, voici ce qu’il a écrit sur l’argent, cet argent qui pervertit même les meilleurs et a été l’élément déclencheur de la chute de la maison Sarkozy :
« L'argent, cette imposture ! »
« L'argent a toujours eu une odeur. Il n'est jamais le simple instrument d'échange qu'il prétend être. Car toutes les sociétés qui l'ont utilisé ont été des sociétés de classe, donc des systèmes de domination des uns sur les autres. Il les a durcis. Car la naissance de l'argent a permis que soit accumulée la richesse en dehors de sa réalité matérielle immédiate. Il a permis de différer l'échange. L'argent fait voyager dans le temps les envies et les objets qui les assouvissent. Je mangerai demain les poissons que je peux m'acheter aujourd'hui car il y aura toujours quelqu'un pour le pêcher à ma place si je le paie pour ça. L'argent c'est un frigo. Il stocke en conservant intact le pouvoir de celui qui l'accumule. Et justement parce qu'il a ce pouvoir, il permet d'oser ce qui aurait été inenvisageable sans cela : prendre aux autres davantage que ce dont on a besoin. Dans ces conditions, qu'on en ait beaucoup ou qu'on en manque, l'argent est toujours la mesure de la prédation des uns sur les autres. De là je déduis que de toutes les maladies humaines la cupidité est la plus antisociale.
Les pouvoirs symboliques et culturels sont des denrées périssables dont il faut sans cesse prouver de nouveau les raisons d'être pour reproduire du consentement à son autorité. Le pouvoir de l'argent ne nécessite aucune preuve pour s'exercer. Il vient, il se donne, il prend. Tout le monde consent. La dureté du pouvoir de l'argent résulte de cette nature intime et du consentement universel qui la protège. En ce sens, la richesse individuelle, c'est-à-dire l'accumulation privée de beaucoup d'argent dont on n'a pas besoin, est en soi inhumaine, c'est-à-dire au-delà d'une nécessité humaine. C'est donc un abus de pouvoir et une incitation à tous les abus de pouvoir.
L'argent se présente comme un équivalent entre les moyens de satisfaire nos besoins. En cela il semble postuler notre commune humanité. Il semble même incarner la part la plus humaine de nous, celle qui s'accomplit dans l'échange ! Trompe-l’œil ! Car qu'est-ce qui est fondamentalement humain ? Je veux parler de ce qui distingue un échange humain de tous les autres systèmes d'échanges et de symbioses dans la nature ? Ce qui se donne sans contrepartie. Donc ce qui est gratuit dans l'échange. Sur ce seuil, l'argent est nu comme un ver sans pouvoir. Le carrosse n'est même plus une citrouille ! Mais alors commence le territoire de l'amour et de la fraternité. »
J-L Mélenchon