Dans les discours diffusés par les média actuellement, je suis frappée par l’utilisation répétée, quelques soient les provenances de ces discours, de termes et de concepts qui semblent communs à tous les gens qui les utilisent, dans des buts différents, en leur donnant des sens différents. Les divers individus qui s’expriment utilisent généralement ces mots pour s’opposer les uns aux autres, dans le cadre de polémiques, bien que se référant à un langage de communication commun.
Pour mettre un peu d’ordre dans cette cacophonie langagière, il m’a semblé utile de me pencher sur quelques-uns de ces termes, en comparant leur sens d’origine défini par le dictionnaire avec le sens que leur donnent les communicants actuels, afin d’avoir une idée plus claire de ce dont on parlait exactement.
La validité des discours que nous pouvons être amenés à tenir repose sur leur conformité avec les faits : quand quelqu’un me dit quelque chose, et que je regarde ce qu’il en est en comparant avec ce que je peux moi-même observer, si je constate que ce qu’il me dit ne correspond pas aux faits, je sais que ses propos ne sont pas fiables.
Dans cette optique, les termes que je propose d’examiner ici aujourd’hui sont les termes suivants : « valeurs » et « évaluation ».
Les valeurs :
Définition du Robert :
« une valeur : ce qui est vrai, beau, bien, selon un jugement personnel plus ou moins en accord avec celui de la société de l’époque ; ce jugement ; Les valeurs morales, sociales, esthétiques. Théorie des valeurs (=> axiologie.) « Les valeurs d’une société », « La liberté, seule valeur impérissable de l’histoire » (Camus). Echelle des valeurs : l’ensemble des valeurs classées de la plus haute à la plus faible, dans la conscience, et servant de référence dans les jugements, la conduite. « Le système de valeurs [d’une société] reflète sa culture. » (Sartre). »
Quand je tape « nos valeurs » dans Google, j’obtiens une liste d’entreprises, de politiques, de cabinets de conseil, etc., qui, bien qu’œuvrant dans des domaines différents, généralement en conflit les uns avec les autres, brandissent leurs dites valeurs comme des boucliers moraux censé attester de leur qualités d’éthique, de leur excellence, etc..
Malheureusement, les citoyens de base, confrontés aux tribulations de la vie actuelle, ne peuvent que constater, au fil des ans, que ces discours ne correspondent pas aux faits qu’ils vivent, dans le cadre desquels l’éthique et l’excellence brillent par leur absence, et les « valeurs » prônées sont quotidiennement bafouées. Autrement dit, le langage utilisé ne reflète pas la réalité, il en donne une image fausse, destinée à abuser les destinataires de ces discours, autrement dit nous-mêmes, sur la nature de la réalité.
Ces discours sur les valeurs reposent sur le postulat silencieux qu’il existerait quelque chose comme « des valeurs », existant indépendamment de nous et au-dessus de nous, dont la valeur serait supérieure à la nôtre, et au nom desquels nous serions censées aller jusqu’à nous sacrifier.
Posons-nous alors la question suivante : Qu’en est-il exactement de l’existence réelle de ces « valeurs » et de leur supériorité supposée ?
Une valeur nécessite un cerveau humain pour la concevoir comme telle. Sans ce cerveau pour attribuer une valeur à quelque chose, « les valeurs » n’existent pas.
L’expression "les valeurs de la démocratie" a un sens aujourd’hui en référence au modèle politique de la démocratie occidentale, au contexte historique dans lequel elle est apparue et à ses textes fondateurs, mais dans une société humaine qui n’en a jamais entendu parler, elle n’a pas. Pour un humain vivant au moyen âge, les valeurs de la démocratie n’existaient pas, et ces mots n’auraient pas eu de sens pour lui. Avant l’apparition de l’homme sur la planète, « les valeurs » n’existaient pas.
Ainsi, non seulement les valeurs n’existent pas sans nous, mais c’est nous qui les créons. Ce sont des créations mentales, des concepts produits par notre structure nerveuse qui leur donne un sens précis. Notre structure nerveuse humaine est dotée de la capacité de créer et de manier des symboles, c’est à dire des signes chargés de sens. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans ces domaines reposent sur notre inconscience de cette capacité, et l’utilisation inadaptée que nous en faisons.
En d’autres termes, le postulat de l’existence de « valeurs » indépendantes de l’espèce humaine et supérieures à celle-ci est un faux postulat, un sophisme, une illusion, dont l’existence dépend de celle que nous lui attribuons : si nous ne lui attribuons pas cette existence, elle n’existe pas. En leur attribuant une valeur supérieure à nous, nous n’agissons pas différemment des peuples de l’antiquité, qui élevaient des idoles de pierre ou de minerais divers, devant lesquelles ils se prosternaient.
Je ne veux pas dire par là que le modèle démocratique serait dépourvu de valeur, bien au contraire : je n’en connais pas de plus souhaitable personnellement, mais comme tout modèle créé par l’homme, c’est un outil utile, et non une déité. Or le postulat sur lequel repose ce modèle est la reconnaissance des droits imprescriptibles des êtres humains, et de leur valeur absolue.
Si nous considérons maintenant la « valeur travail » : que représente-t-elle ? Que signifie cette expression ? Toujours selon le Robert, le sens est différent de celui donné précédemment :
« Caractère mesurable (d’un objet) en tant que susceptible d’être échangé, désiré. => prix. Qualité (d’un bien, d’un service) fondée sur son utilité (valeur d’usage),, sur le rapport de l’offre à la demande (valeur d’échange), sur la quantité de facteurs nécessaires à sa production (valeur travail) ; Théorie de la valeur. Valeur de la force de travail. »
Dans ce cas, il ne s’agit plus d’une valeur au sens éthique, mais du prix, mesurable, du travail, et de ce qu’il peut rapporter, ce qui n’est pas du tout la même chose. C’est cette valeur-là qui est en question dans le phénomène de la mondialisation : la valeur d’un même travail sera différente pour une entreprise selon que le salarié qui l’effectue travaille en France ou au Pakistan, qu’il est payé 1000 € ou 30 € par mois. Cette valeur est inversement proportionnelle pour l’entreprise et le salarié : plus le travail rapporte à l’entreprise, moins il rapporte au salarié. Nous voyons alors qu’un travail donné, par exemple celui que nécessite la fabrication d’un meuble, n’a pas le même prix, la même valeur, selon les acteurs qui l’effectuent, mais que celle-ci varie en fonction de ces acteurs.
« La valeur travail » a été également utilisée en relation avec la devise du gouvernement de Vichy pendant la deuxième guerre mondiale, « Travail famille patrie », dans le sens donnant au travail une valeur en soi, selon le sens de la première définition. Toutefois il ne s’agit plus de critères éthiques réels de la société actuelle, mais de ceux prônés par un gouvernement qui n’existe plus, sous la pression d’un occupant ennemi, dans un contexte historique révolu.
Nous voyons alors qu’il n’existe aucune « valeur travail » qui existerait en soit, et de toute éternité, indépendamment des gens que ce mot concerne, et des emplois qu’ils peuvent avoir. Si j’ai un travail intéressant, bien payé, à contrat indéterminé, que j’ai plaisir à accomplir, ce travail a pour moi une valeur correspondant à l’argent qu’il me permet de gagner et à la qualité de vie qu’il m’apporte. Si j’ai un travail épuisant, mal payé et précaire, ce travail a pour moi une valeur moindre. Mais il n’existe aucune abstraction qui s’appellerait « le travail », que je serais tenue de révérer ou d’adorer, et qui exigerait ma soumission.
William Burroughs : « Il n’y a pas de valeur au-dessus des gens.» C’est aussi simple que cela.
Evaluation :
Examinons maintenant le sens d’un autre terme, également très en vogue depuis les années 90, à partir desquelles il est devenu incontournable dans le monde du management et, de là, dans le monde du travail en général, qui est le mot « évaluation ».
Dans ce contexte, évaluer constitue le monopole de gens chargés de la réalisation des audits, de la gestion des ressources humaines, qui organisent et réalisent les évaluations des salariés, etc.. Ces évaluations et ces audits correspondent aux critères des modélisations utilisées dans en management, dont la nature est généralement non précisée, ces critères étant considérés par les évaluateurs comme incontestables et ayant valeur absolue.
Regardons maintenant comment les choses se passent en réalité à travers un exemple simple, compréhensible par tout le monde: faire ses courses au supermarché.
Avant d’aller faire nos courses, nous réfléchissons à ce que nous allons acheter, en fonction de ce dont nous avons besoin. Nous évaluons nous-mêmes ces besoins et notons les achats à effectuer sur une liste de courses, en fonction de l’importance qu’ils ont pour nous, de la valeur que nous leur attribuons.
Ensuite dans le supermarché, nous pouvons voir d’autres objets que nous n’avions pas prévu d’acheter, mais dont nous évaluons comme souhaitable de nous les procurer.
Nous allons évaluer en fonction de nos besoins, de nos goûts, de nos impressions, de nos expériences antérieures, de l’argent dont nous disposons, des opportunités offertes par le lieu de vente (soldes, etc.) etc., en fonction de critères variés qui nous sont propres, selon les domaines dans lesquels nous évoluons, et dans lesquels entre en jeu notre possibilité de choix. Ainsi évaluer est nécessaire pour faire des choix.
Nous voyons qu’évaluer ne constitue nullement le monopole d’évaluateurs autorisés, c’est une faculté commune à tous les êtres humains. Nous évaluons tout le temps, tous les jours.
A noter que l’espèce humaine n’est pas la seule à évaluer : le chien Fido et le chat Minet font aussi des choix : Minet préfère une boite de thon au sachet de boulette de supermarché, et Fido préfère mes croutes de fromage à ses croquettes. Ils sont parfaitement capables d’évaluer le goût d’une nourriture qui leur est présentée.
Si nous comparons alors avec le sens du mot « évaluation » en termes de management, il repose sur des critères basés sur le postulat de la valeur absolue de l’argent, au mépris de toute autre valeur. L’évaluateur officiel s’attribue un pouvoir d’évaluer incontestable, indiscutable, quasi divin, et la modélisation qu’il utilise pour ce faire, sa grille d’évaluation qu’il est seul à connaître, a valeur de pythie.
Aucune possibilité de choix dans ce contexte où les individus sont réduits à des reflets d’un verbe imposé.
Le problème, c’est que ni la grille d’évaluation, ni ses critères de valeur ne sont précisés au départ: Aucun évaluateur ne dit: « Sur la base de la modélisation Trucmuche, en fonction de votre « base de personnalité » correspondant à la nature de votre métier, je sais que vous êtes dans l’incapacité de désobéir aux ordres et de vous défendre, et que je peux partant de là vous imposer des conditions de travail intolérables que d’autres « bases de personnalité » n’accepterons jamais.» (sic). (A noter que ces « bases de personnalité », leur nombre, leur nature, leurs noms, etc. diffèrent selon leurs inventeurs. Leur fonction ne consiste pas tant à refléter la personnalité des individus considérés que de constituer un « créneau porteur » rémunérateur pour les gens qui les vendent, et de répondre aux intérêts des gens qui les achètent. D’où le nombre d’inventeurs de modélisations qui se bousculent au portillon pour mettre sur le marché des modèles d’évaluation de leur cru, en compétition les uns avec les autres, en se présentant comme d’incontournables détenteurs de vérité.)
De la même façon, aucun contrat de travail ne stipule que la valeur du salarié se limite à sa valeur marchande, au bénéfice qu’il permet de réaliser, que ce salarié s’engage en le signant à travailler un maximum pour être payé un minimum , et que les termes du contrat écrit qu’il doit signer ne correspondent généralement pas au contrat réel, qui se révèle trop souvent in vivo comme un marché de dupe.
Là encore, la carte, à savoir le contrat de travail, censé reposer sur des critères de droit, ne correspond pas aux conditions de travail réelles. Or les différences entre les deux sont, pour le salarié, au moment où il s’engage dans un tel contrat, de l’ordre de l’inconnu et de l’inconnaissable tant qu’il n’a pas vu ce qu’il en était exactement sur le terrain : il ne peux pas savoir, en répondant à une offre d’emploi émanant d’une agence intérim, que le contrat dont il s’agit n’est en réalité pas un contrat d’intérim, mais de simple CDD; il ne peux pas savoir à l’avance que le salaire qu’il touchera réellement sera inférieur au montant stipulé dans le contrat, que le poste sur lequel il travaillera sera dévalué par rapport à sa qualification réelle, que des heures supplémentaires ne lui seront jamais payées, qu’il ne touchera aucune indemnité de précarité, etc., et ceci en fonction des « dérégulations » successives. Si les contrats de travail décrivaient fidèlement les conditions du travail réel, je suppose que beaucoup de gens réfléchiraient à deux fois avant de signer.
Nous pouvons observer le même phénomène dans le domaine de la publicité en général : des produits décrits comme des merveilles indispensables (voir les télé achats) se révèlent souvent une fois acquis, très décevants, sinon carrément encombrants, inutiles, sinon nuisibles.
On observe un gouffre entre les critères d’évaluation affichés au départ (l’éthique, l’excellence, etc.) et la réalité, gouffre créé par des communicants, professionnels de l’escroquerie sémantique, passés maîtres dans l’art de faire prendre des vessies pour des lanternes.
Ainsi le sens d’ « évaluation » en termes de management repose, là encore, sur de faux postulats: le monopole de l’évaluation par un petit nombre d’individus sur la base d’un système de valeur unique, dont les critères ne sont pas explicités au départ, dont les règles sont différentes de celles pour lesquelles la personne s’engage sur le papier, et qui repose sur la croyance en l’existence d’abstractions et de créations mentales en leur attribuant une valeur absolue. Ainsi ce monopole n’existe pas de fait, il ne repose sur rien, la faculté d’évaluer étant la chose au monde la mieux partagée.
Dernier point : les « évaluations » en management ont pour but affiché de « faire des économies ». Elles produisent des statistiques chiffrées, qui sont censées attester de leur scientificité, et partant de là, tenir lieu de vérité.
Problèmes :
1. Les chiffres avancés, confrontés aux faits par des observateurs sur le terrain, donnent de ces faits une vision faussée, représentant les résultats programmés par les évaluateurs à des fins de manipulation de l’opinion. Voir à ce propos le livre de Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna Des chiffres et des doutes (éditions Michalon). Ce trucage des chiffres est incompatible avec une démarche scientifique réelle.
2.Les chiffres et statistiques donnés ne prennent pas en compte le coefficient de l’observateur qui les produit, lequel ne s’inclut pas lui-même comme donnée dans sa carte de la réalité. Ces chiffres font abstraction du coût des évaluations, des programmes informatiques, des formations, de la bureaucratie, du temps des agents consacré à ces tâches, du montant des contrats des sociétés gestionnaires, etc.. Autrement dit, ils font l’impasse, dans les dépenses qu’ils prennent en compte, sur le coût, exorbitant, générée par ce système de gestion. De ce fait, les seules économies avancées comme souhaitables et possibles sont doctrinalement et faussement limitées aux réductions de personnel et de moyens. Dans le cadre de la gestion des services publics, plus les dépenses de gestion augmentent, plus celles en personnel et en moyens diminuent.
Cette vision de l’observation, qui fait abstraction du coefficient de l’observateur en se limitant à l’objet observé, correspond à la démarche inhérente à l’âge classique (Newton, Descartes). Elle pouvait être qualifiée de scientifique au XVII° siècle, mais ne correspond plus aux critères de scientificité en vigueur depuis le XX° siècle, sur la base de la physique moderne, selon laquelle tout ce que l’homme peut connaître est un phénomène dû conjointement à l’observateur et à ce qu’il observe (voir De la notion de simultanéité, Science and Sanity, Alfred Korzybski).
En conséquence, les évaluations réalisées dans ce contexte, faussées à la base et scientifiquement dépassées, ne répondent pas aux critères avancés pour justifier leur existence, les évaluateurs se gardant bien de les respecter eux-mêmes.
Restructuration sur la base de la sémantique générale :
Dans le premier chapitre du séminaire de sémantique générale à Olivet college (1939), Alfred Korzybski traite des concepts de valeur et d’évaluation :
p. 3 :
"En S.G. et dans les sciences humaines, nous ne pouvons négliger la méthodologie scientifique. L’évaluation humaine en ce qu’elle a de pire est appelée "démence". Les évaluations humaines en ce qu’elles ont de meilleur résident dans les mathématiques et les sciences exactes. En S.G. nous prenons en considération les méthodes mathématiques et psychiatriques et les appliquons à notre orientation générale, ce qui n’avait jamais été réalisé auparavant."
"Le terme sémantique n’est pas nouveau. Il vient d’un mot grec qui veut dire signification, valeur, sens. Il était utilisé il y a de nombreuses années, mais l’ancienne sémantique a aujourd’hui disparu. J’appelle cette nouvelle discipline Sémantique Générale pour la différencier de l’ancien usage. La science de la S.G. est la science des valeurs - de l’évaluation. Une science générale des valeurs et de l’évaluation. Je veux que vous réalisiez et évaluiez ceci par vous-mêmes parce que je ne peux pas le faire à votre place. En S.G., nous traitons des valeurs et de l’évaluation, ce qui représente des problèmes considérables."
"Je veux que vous compreniez que chaque fois que vous aimez ou détestez quelque chose, chaque fois que vous aimez ou haïssez, etc., que faites-vous intérieurement ? Vous évaluez! C’est là notre problème majeur et en S.G., l’évaluation, évaluer, les valeurs, deviennent des termes techniques. Je parlerai tout au long des séminaires de l’importance de l’emploi de ce terme évaluation; il recouvre des problèmes sans fin. Vous découvrirez que chaque réaction psychologique est un problème d’évaluation."
p. 4 :
"Quand nous traitons d’une théorie générale d’évaluation, nous traitons en même temps de chaque réaction psychologique et parfois même organique intérieure à nous-mêmes. Quand vous dites que vous aimez ou détestez quelqu’un, est-ce que vous évaluer ? Oui. Quand vous parlez ensuite de vos sentiments ou de vos orientations, quels qu’ils soient, ne traitez-vous pas de vos évaluations les plus profondes ? Une théorie générale d’évaluation incluant toutes vos orientations privées, publiques et autres ne peut négliger les sciences et les mathématiques, celles-ci étant fondamentales pour une science de l’évaluation. En S.G., nous traitons de l’évaluation d’une façon générale. Mais notez également ceci, à savoir que les mathématiques procurent une théorie de l’évaluation au sens strict du terme."
"Par évaluation, j’entends vos sentiments. Evaluation se révèle être en S.G. un terme technique. Je développerai ceci plus tard. Si vous pensez à tout ce qui vous arrive en termes d’évaluation au lieu de l’appréhender en termes d’amour, de haine, etc., alors c’est de l’évaluation; et quand nous avons recherché des facteurs d’évaluation, alors nous avons prise sur ce qui se passe en nous."
"La S.G. étant une théorie avancée des valeurs, une théorie générale d’évaluation, toutes nos réactions psychologiques se révèlent n’être que des problèmes d’évaluation. Si nous avons prise sur les facteurs d’évaluation, nous avons prise sur nous-mêmes et, en fait, sur autrui. Au fur et à mesure que le séminaire avancera, vous verrez comment cela fonctionne."
p.6:
"Quand je vous dis d’un terme qu’il est technique, servez-vous en. Faites l’effort de les utiliser tous. Observez les résultats et si vous n’obtenez pas de résultat, alors venez me le reprocher, après avoir essayé, pas avant. Utilisez le mot évaluation au sujet de toutes vos réactions psychologiques; c’est un terme technique. Vous comprendrez cela plus tard au fur et à mesure que nous avancerons. Pour chaque terme que vous utilisez, voyez la part d’évaluation qu’il contient. Vous verrez que vos sentiments ne sont rien d’autre que des évaluations. Utilisez le terme évaluation au sujet de n’importe quoi, chaque fois que c’est possible. C’est un terme technique aussi doit-il être employé en permanence. Si vous faites cela, vous constaterez les résultats. Vous souviendrez-vous que quand j’insiste sur le fait qu’un terme est technique en S.G., vous devriez vous en servir ? Vous découvrirez que de tels termes marchent automatiquement; de façon inattendue comme ils le font dans le domaine des sciences."
"Avant d’aller plus loin, vous devez traduire les mots de la vie de tous les jours en termes techniques. L’amour ou la colère, etc., sont des évaluations. Et tout ceci marche bien, tout comme les termes techniques en mathématiques. Quand vous demandez à quelqu’un comment il va, vous lui demandez comment il évalue quelque chose. Si vous utilisez délibérément ce terme, il recouvre très souvent une évaluation organique, un sourire, le besoin de nourriture, etc. En terminologie, il convient de réfléchir à l’emploi des termes – vous devez trouver comment traduire l’usage de quelque chose en termes d’évaluation. La faim serait une évaluation organique mais dans mon travail, je ne suis pas tant intéressé par l’évaluation organique que par l’évaluation psycho-logique effectuée sur des fondements physico-mathématiques qui sont eux-mêmes basés sur l’évaluation. Quand nous avons un terme éprouvé, nous l’appliquons délibérément dans le domaine des sciences. Les vieux termes sont inutilisables parce qu’ils ne nous donnent aucun mécanisme. Or l’évaluation autorise une évaluation scientifique. Une science procédant par limitations, comme vous serez amenés à le voir, nous sortons également des vastes généralisations par des limitations. Aimer ou détester quelqu’un est une question de savoir comment vous évaluez cette personne. Je vous conseille de travailler sérieusement la traduction des termes anglais ordinaires en termes d‘évaluations humaines. Il y a une formule précise en S.G. à appliquer, et ce que je dis est une réponse générale à vos questions. Cette formule consiste à répondre, chaque fois que vous avez une question à poser à quelqu’un d’autre ou à vous-mêmes : "Je ne sais pas, voyons ce qu’il en est". En d’autres termes, l’investigation des faits.
Observez ce dont il s’agit et à quoi cela s’applique, et vous obtenez votre réponse. Ceci est une démarche scientifique."
p.7:
"l’environnement linguistique n’est-il pas aussi vital que l’eau et l’air ? Il y a ensuite l’environnement chargé de sens, l’environnement des valeurs. N’avez-vous pas tout autour de vous un environnement de valeurs ? Pouvez-vous y échapper ? Réalisez-vous alors que l’équilibre est un problème d’évaluation et le déséquilibre, un problème d’erreur d’évaluation? Chacun de vous est entouré de tout un environnement de valeurs et d’évaluations. Tout ceci est un environnement linguistique et sémantique, et l’environnement des évaluations est tout aussi important que l’air ou l’eau. Ceci a été négligé jusqu’à maintenant."
Nous voyons ici que le terme « évaluation » tel qu’il est utilisé en termes de management d’entreprise, repose sur un détournement du sens de ce terme. Il en limite son utilisation à ce domaine, à des professionnels de l’évaluation, et confisque son utilisation, privant doctrinalement les non professionnels de leur capacité à évaluer par eux-mêmes en les empêchant de prendre conscience du fonctionnement de leur structure nerveuse.
Cette manipulation sémantique repose sur une infériorisation de l’image de l’organisme humain.
Comment sort-on de là ?
Très simplement. Que fait Korzybski ici ? Il le résume dans cette phrase : « Recherchez les faits, examinez-les, ne vous laissez pas aveugler avec des fictions fallacieuses.»
Ce dont il s’agit ici, c’est tout simplement d’appliquer une démarche scientifique dans l’investigation des faits de la vie de tous les jours, ce qui est, potentiellement, à la portée de tout le monde. C’est à cela que sert la sémantique générale.