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Billet de blog 25 février 2016

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La vie avec Lacan (de Catherine Millot)

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Catherine Millot

La vie avec Lacan

Collection L'Infini, Gallimard

«Il fut un temps où j'avais le sentiment d'avoir saisi l'être de Lacan de l'intérieur. D'avoir comme une aperception de son rapport au monde, un accès mystérieux au lieu intime d'où émanait sa relation aux êtres et aux choses, à lui-même aussi. C'était comme si je m'étais glissée en lui.
Ce sentiment de le saisir de l'intérieur allait de pair avec l'impression d'être comprise au sens d'être toute entière incluse dans une sienne compréhension, dont l'étendue me dépassait. Son esprit – sa largeur, sa profondeur –, son univers mental englobait le mien comme une sphère en contiendrait une plus petite. J'ai découvert une idée semblable dans la lettre où Madame Teste parle de son mari. Comme elle, je me sentais transparente pour Lacan, convaincue qu'il avait de moi un savoir absolu. N'avoir rien à dissimuler, nul mystère à préserver, me donnait avec lui une totale liberté, mais pas seulement. Une part essentielle de mon être lui était remise, il en avait la garde, j'en étais déchargée. J'ai vécu à ses côtés pendant des années dans cette légèreté.»
Catherine Millot.

 

CATHERINE MILLOT

La vie avec Lacan

Feuilletez le livre

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"Au cours de cet automne, il entreprit de parfaire mon éducation par la lecture des humoristes du début du siècle qui faisaient un sort aux poncifs amoureux. Il me fit connaître Cami, dont j’ai retrouvé dans ma bibliothèque deux volumes : Les Amants de l’Entre-Ciel et Christophe Colon ou la Véritable découverte de l’Amérique. Il me citait volontiers l’ « Album des Eugènes », dans le Potomak de Jean Cocteau, qu’il me fit lire. On y trouve de jolis dessins des Mortimer « qui n’ont qu’un seul rêve et qu’un seul cœur », formule qui amusait beaucoup Lacan. Les Mortimer sont si unis, si heureux qu’ils ont tout le temps l’air de dormir, à moins que leurs yeux clos ne soient une figuration de l’extase conjugale. Le goût de Lacan pour le Potomak résonnait avec son côté dadaïste, qu’il me semble avoir toujours conservé. Il partageait avec les dadaïstes leur côté souvent caustique, la dérision à l’égard des convenances et des conventions, le goût de l’extravagance. Il aimait aussi citer La Famille Fenouillard et le Sapeur Camember. Il affectionnait particulièrement le célèbre adage : « Passé les bornes, il n’y a plus de limites. », qui lui allait comme un gant.
Il me fit également cadeau d’un petit livre plus sérieux mais plein d’humour aussi, une merveille d’intelligence : L’École des Muses d’Étienne Gilson. J’ai pensé, sur le moment, que ce cadeau était une mise en garde : que je n’aille pas me prendre pour une muse ! Mais aujourd’hui je crois plutôt qu’il appréciait simplement cet ouvrage où Gilson décrit les avatars de l’amour courtois dans les temps modernes, les impasses et les quiproquos rencontrés dans la tentative de le remettre au goût du jour par Beaudelaire, Wagner, Auguste Comte ou Maeterlinck.
Il n’omettait pas de compléter aussi mon éducation dans d’autres domaines. Ainsi, un jour, je lui racontai un rêve où je perdais mes dents, que j’interprétai comme l’expression d’une angoisse de castration. Lui m’enjoignit aussitôt d’aller chez le dentiste, ajoutant que si Ninon de Lenclos séduisait encore à soixante-dix ans, c’est qu’elle avait, chose rare à l’époque, gardé toutes ses dents. "

Pages 34-35

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