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Ce qui frappe le visiteur lorsqu'il arrive pour la première fois en Chine en plus des grandes marques occidentales présentes un peu partout dans les grandes villes, ce sont des gares modernes, des trains rapides et confortables qui partent et arrivent à l'heure, des voitures électriques un peu partout, des robots livreurs dans les hôtels, l'utilisation généralisée des paiements par QR codes etc. Ces exemples que le voyageur rencontre dès ses premiers pas en Chine, qui ne sont que quelques arbres qui cachent la forêt, montrent la volonté de ce pays de faire de l'innovation technologique un axe central de son développement. Le 4e plénum du 20e Comité central du Parti communiste chinois qui s'est tenu à Pékin du 20 au 23 octobre 2025, souligne dans son communiqué l'importance accordée à la technologie et à l'innovation dan le nouveau plan quinquennal (2026/2030) : "(...) Il faut conjuguer les efforts de tous pour faire de la Chine une vraie puissance dans les domaines de l'éducation, des ressources humaines et des sciences et technologies, améliorer l'efficience globale du système d'innovation national, renforcer la capacité d'innovation autonome sur tous les plans, se situer à la pointe du progrès technologique". Justement dans le domaine de la technologie, la Chine devance déjà les Etats-Unis dans 37 des 44 technologies dites "critiques" selon l'ASPI. La recherche chinoise sur l'IA a publié en 2024 plus de travaux universitaires que leurs pairs américains et européens réunis. La robotisation des entreprises chinoises connaît un développement impressionnant. La Chine à elle seule a installé plus de robots industriels dans ses usines que le reste du monde.
Rappelons qu'avant la Révolution chinoise de 1949, la Chine était parmi les pays les plus arriérés et les plus pauvres du monde dont l'espérance de vie était inférieure à 40 ans. Aujourd'hui c'est-à-dire 76 ans seulement après, la République populaire de Chine est devenue la deuxième puissance économique et son espérance de vie dépasse désormais celle des Etats-Unis. Pour la Banque mondiale, la Chine est déjà première puissance mondiale si l'on tient compte de son PIB mesuré en parité de pouvoir d'achat (1).
Il va sans dire que sans la révolution de 1949 menée triomphalement par le Parti communiste chinois, ce progrès fulgurant, le plus rapide de l'histoire moderne, n'aurait tout simplement pas été possible. La Chine revient donc de très loin. En effet, de 1839 à 1949, le pays avait été humilié par les puissances occidentales qui ont réussi à obtenir, entre autres, des "Concessions" sur son propre territoire. La Chine est tombée dans l’état d’une société semi-coloniale et semi-féodale. Les chinois appellent cette triste période le "Siècle des humiliations". Il fallait attendre la révolution socialiste de 1949 pour que la Chine s'émancipe de la tutelle occidentale. La révolution a mis ainsi fin à son état de désagrégation, aboli les traités inégaux imposés à la Chine par les puissances étrangères. La révolution a rendu au peuple chinois, non seulement sa dignité bafouée par des agressions impérialistes en tout genre, mais elle a jeté les fondements d'une renaissance de la nation chinoise. Dès le début, les révolutionnaires chinois ont compris que le salut de leur pays ne viendrait pas du capitalisme. Ils ont emprunté alors la longue et tortueuse route du socialisme. Car "seul le socialisme peut sauver la Chine et que seul le socialisme lui permet de se développer". La Constitution de 1954 précise dans son article 4 "La République populaire de Chine, s'appuyant sur les organes de l'État et les forces sociales, par l'industrialisation socialiste et la transformation socialiste, garantit l'élimination progressive du système d'exploitation et l'instauration d'une société socialiste." Mais il s'agit d'un socialisme singulier, original, adapté aux réalités de la Chine avec une forte présence du marché et du capital privé national et étranger dans son économie. En effet depuis 1978 des réformes importantes ont été adoptées et appliquées progressivement. C'est un changement de ligne mais pas d'orientation. Car la Chine demeure selon sa propre constitution un pays socialiste, mais un socialisme de marché : " Le secteur économique individuel, le secteur privé et les autres secteurs qui n'appartiennent pas à l'économie publique qui existent dans les limites définies par la loi, constituent une composante majeure de l'économie socialiste de marché." (article 11 de la Constitution de 1982 consolidée en 2018). Cette association de deux logiques
contradictoires, celle du marché capitaliste et celle du socialisme s'inscrit, pour les révolutionnaires chinois, dans une perspective à long terme de construction du socialisme. En attendant, cette combinaison originale, ce système hybride, s'il a permis une croissance élevée, a favorisé en même temps l'apparition d'une classe moyenne, de riches voire de très riches associés au capital étranger notamment dans les grandes villes avec toutes les conséquences qui en découlent au niveau de la répartition des richesses. Les inégalités et la pauvreté se sont accrues. La Chine est devenue l'un des pays où les inégalités de revenus sont les plus importantes au monde. Ainsi entre 1984 et 2010 son coefficient de Gini (2) qui mesure le degré d'inégalité d'un pays est passé de 27,1 à 43,7 selon la Banque mondiale. Conscients de cette situation, les dirigeants chinois ont pris des mesures concrètes pour lutter contre la pauvreté notamment dans le milieu rural. Ainsi une Agence de lutte contre la pauvreté a été créée en 1986, des fonds spéciaux de l'Etat sont alloués aux régions les plus pauvres du pays, la suppression totale des taxes agricoles en 2006, la mise en place d'une couverture médicale etc. Cette guerre contre les inégalités et la pauvreté a été menée et supervisée par le Parti communiste chinois. Le coefficient de Gini a ainsi baissé passant de 43,7 en 2010 à 36 en 2022 selon toujours la Banque mondiale. La pauvreté extrême a été totalement éradiquée en Chine : la population qui vivait avec seulement 3 dollars par jour est passée de 48,1 % en 2002 à 0 % en 2022.
L'implication de l'Etat et du Parti dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Car en Chine toutes les activités économiques et sociales jugées stratégiques comme le développement économique, le bien-être de la population, la propriété du sol, du sous-sol, les infrastructures, les grandes entreprises industrielles, les banques, la monnaie, les assurances etc. sont dirigées par l'Etat, lui-même contrôlé étroitement par un parti communiste qui se réclame toujours du marxisme-léninisme. L'Etat et le Parti sont structurés de manière à ce que le deuxième domine le premier, le politique domine l'économique. L'arrivée de Xi Jinping, qui se présente d'ailleurs comme l'héritier naturel de Mao, à la tête Parti (2012) et de l'Etat (2013) n'a fait que croître cette domination. Les entreprises privées jouent un rôle très important dans l'économie chinoise, mais elles ne décident ni de la politique ni de l'orientation du pays. Les stratégies économiques et sociales de la Chine sont définies par la direction du Parti communiste et l'Assemblée nationale populaire dans le cadre des plans quinquennaux qui existent depuis 1953. Comme le souligne la Constitution, la Chine est "un État socialiste de dictature démocratique populaire. La direction du Parti communiste chinois est la caractéristique déterminante du socialisme de style chinois. Il est interdit à toute organisation et à tout individu de porter atteinte au régime socialiste." dit l'article premier de la Constitution de 1982 consolidée en 2018.
La Chine qui se réclame toujours de Marx et de Lénine, dirigée par un puissant parti communiste, qui pratique une planification quinquennale efficace, est en passe de devenir en si peu de temps la première puissance économique du monde. La montée en puissance de la Chine contraste et fait ressortir encore davantage le déclin et la déliquescence des économies et des sociétés capitalistes.
Pendant que la République populaire de Chine poursuit avec persévérance l'édification du socialisme "de marché aux caractéristiques chinoises", l'occident capitaliste avec à sa tête les Etats-Unis, sombre lentement dans le fascisme.
Mohamed Belaali
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(1) Les parités de pouvoir d'achat (PPA) sont des taux de conversion monétaire qui visent à égaliser le pouvoir d'achat des différentes monnaies en éliminant les différences de niveaux de prix entre les pays. Définition de l'OCDE.
(2) Le coefficient ou indice de Gini est un indicateur synthétique permettant de rendre compte du niveau d'inégalité pour une variable et sur une population donnée. Il varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême). Il est fréquent que le coefficient de Gini soit multiplié par 100 afin qu’il oscille entre 0 et 100. Cela permet d’en faciliter la lecture. Définition de l'INSEE.