Cette clé...

« Un autre jour viendra féminin… à la métaphore transparente, accompli, adamantin, nuptial, ensoleillé, fluide, sympathique. Personne n’aura une envie de suicide ou de migration. Un autre jour viendra féminin… » Mahmoud Darwich

Longtemps j’ai esquivé la fameuse question de « Est-ce que votre pays vous manque ? ».

Cela me déprimait tellement de le dire, que je préférais taire ma réponse.

Mais en ce début d'année 2023, je l’avoue enfin. Oui, l’Iran me manque.

Cette clé est celle de la maison de mon père. Je la garde depuis 2009, depuis mon dernier voyage en Iran. Des années durant, mon père, à bout de sa mémoire, m’a demandé quand j’allais rentrer pour prendre le thé avec lui. Et à chaque fois, sans avoir le cœur de lui dire que mon retour en Iran était impossible, je lui disais, bientôt Papa… on va rentrer bientôt. Mais ce « bientôt » n’est jamais arrivé.

Mon père nous a quitté il y a quelque mois, sans que je puisse être à ses côtés. Et sa maison, telle que je l’ai connue, n’existe plus.

La dernière volonté de mon père fut de reposer à l’air libre, en haut d’une colline, dans les terres qu’il aimait. Mais pourquoi je vous parle de mon père et de ses terres, ce soir ? Parce que moi aussi, j’aime ces terres que mes pieds n’ont pas pu fouler depuis des années.

Je suis obsédée par l’idée de la frontière, par ces lignes de démarcation qu’on nous impose et qui nous empêchent d’aller vers les terres que nous chérissons.

Je n’ai de cesse que de traverser les frontières, à défaut de pouvoir traverser celle qui m’attire le plus. Mais peut-on refuser à quelqu’un le droit de retour à son pays, ou de faire en sorte que ce retour soit l’équivalent d’aller en bagne ? C’est pourtant ce qu’impose le régime à près de 800 000 Iraniens.

Ce que vit l’Iran aujourd’hui, est un élan libertaire. Féminin, moderne et inclusif. C’est une négation des contraintes physiques et mentales auxquelles étaient assujettis les femmes en première ligne, et au-delà, tout le pays.

Ce trousseau de clé symbolise un espoir pour moi. Celui du retour vers l’Iran. Un espoir auquel je m’accroche, comme à un fil d’Ariane. Comme une lueur qui permets d’avancer dans la nuit noire. Mais ce retour, je ne le veux pas vers n’importe quel Iran. Pas vers l’Iran de mes cauchemars, où des jeunes sont pendus sur la place publique.

Ce retour, je le veux vers un Iran libre et lumineux.

Un autre jour viendra féminin…

à la métaphore transparente,

accompli, adamantin, nuptial,

ensoleillé, fluide, sympathique.

Personne n’aura une envie de suicide ou de migration.

Un autre jour viendra féminin…

Ecrit Darwich, l’exilé éternel.

Je souffle mon vœu pour que 2023 soit l’année de la victoire pour nous iranien.nes.

Et je lance un appel aux iraniennes et iraniens de la diaspora… Et à la mémoire de ceux qui se sont éteints en exil sans avoir pu revoir l’Iran. Vida, Pari, Hassan… Bahman, Ramin, Mozaffar, Akram, Moloud, Faranguis, et tant d’autres encore.

Nous sommes nombreux. Ma bishomarim.

Et nous marcherons bientôt vers l’Iran.

Nous arpenterons cette route qui nous a mené vers l’exil, mais cette fois dans l’autre sens.

Pour traverser les montagnes du Kurdistan, où nos sœurs et nos frères se battent depuis plus de quarante ans contre ce régime barbare, pour reprendre enfin notre Iran.

Iran ro pas migirim…