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« Hier, 70 collèges et lycées de filles attaquées, et aujourd’hui, ça continue » lis-je ce matin sur la timeline twitter. Fatemeh Rezae, 11 ans, est décédée il y a quelques jours, des suites de l’intoxication au gaz subie pendant qu’elle était à l’école. Des centaines d’autres collégiennes et lycéennes sont hospitalisées et sous masque à oxygène en ce moment.
Dans l’ensemble, des milliers d’élèves ont été empoisonnées avec une composante toxique sous forme de gaz. Comme par hasard, dans les écoles équipées de caméra de surveillance, les caméras étaient coupées au moment des faits, donc aucune preuve tangible n’existent sur les auteurs des attaques.
C’est une opération massive, répandue sur l’ensemble du territoire iranien, non revendiquée officiellement, mais non encore maîtrisée par les forces de l’ordre qui n’ont pas l’air de s’en inquiéter outre mesure. Elles interviennent uniquement pour empêcher les parents d’élèves et les autres élèves de manifester. Des arrestations extrêmement agressives ont eu lieu devant les établissements visés, non pas des suspects ou auteurs présumés des attaques, mais des jeunes filles ou des mères d’élèves qui criaient leur inquiétude. Bâillonnées, ligotées, tabassées, elles sont embarquées de force. Les images qui circulent sont insupportables et font preuve d’une violence systémique à l’encontre des femmes.

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Les symptômes du gaz utilisé ressemblent étrangement à ceux décrits par les manifestants gazés dans les premiers mois du mouvement « Femme, Vie, Liberté » au moment où l’on avait même soupçonné l’usage d’Adamsite par les forces de l’ordre iraniens sur des manifestants.
Il y avait déjà eu quelques attaques similaires dans des écoles fin octobre, lorsque les manifs spontanées avaient éclaté chez les collégiennes, mais ça avait été qualifié de cas isolés. Alors que depuis une semaine on fait face à une vague d’attaques chimiques massive et qui prend de plus en plus d’ampleur.
- La réaction des autorités iraniennes : reniement, minimisation ou l’attribution des attaques aux dissidents (cf. la couverture du quotidien HAMSHAHRI qui l’attribue à la trinité des dissidents Pahlavi - Radjavi - Alinejad). A noter que tous les établissements scolaires seront fermés pour les fêtes de fin d’année persane du 20 mars au 4 avril, ce qui rendra les mesures d’investigation plus compliquées et la perspective de réouverture des écoles encore plus incertaines. Car il est fort possible que les protestations éclatent de nouveau à l’approche de la nouvelle année civile iranienne et notamment la fête du feu.
Deux hypothèses surgissent :
- Les attaques sont commises par le régime et sous l’ordre de Ali Khameneï dans le but de faire peur aux jeunes écolières afin de les dissuader de protester
- Les attaques sont perpétrées par une faction plus radicale du régime dans le but de remettre en question l’éducation des femmes de façon plus générale en Iran
Mais le constat revient au même dans les deux cas, un régime qui attaque ses propres jeunes à l’arme chimique, dans des établissements d’intérêt publique, ou qui n’est pas capable de protéger sa population contre le danger des phalanges extrémistes est un régime fantoche et qui est voué à disparition à court ou moyen terme.
La question principale qui se pose est l’attitude à avoir à l’égard de ce régime depuis l’extérieur de l’Iran, depuis les pays dits « démocratiques ». Car sur le fait que tous les chefs d’état occidentaux soutiennent le mouvement « Femme, Vie, Liberté » il n’y a pas de doute. Lorsqu’il s’agit d’opérations de « com » toute la classe politique a exprimé son soutien, mais force est de constater que les glissements progressifs vers des comportements équivoques se font de plus en plus fréquents. Comme par exemple la visite en tchador de Nadine Olivieri Lozano, l’ambassadrice suisse en Iran, au mausolée saint à Qom.

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Ou bien la rencontre entre la ministre des affaires étrangères belge, Hadja Lahbib à Genève, qui salue son homologue iranien chaleureusement en lui lançant un « aleikom al salam ». Cette même ministre qui avait coupé ses cheveux en pleine séance parlementaire le 25 janvier 2023 en signe de sympathie avec les femmes iraniennes. Alors que le ministre iranien, Abdollahian, se fait un point d’honneur de rectifier « l’erreur d’interprétation » par les européens des manifestations récentes en Iran. Sans oublier le jugement par la cour suprême de Bruxelles qui casse la suspension de renvoi de Assadollah Assadi, le chef du renseignement iranien en Europe, qui avait été condamné le 4 février 2021 par le tribunal d’Anvers à la peine maximale de vingt ans de prison pour terrorisme et dont le renvoi en Iran avait été bloqué en juillet dernier.
Le slogan « Femme vie liberté » et ce geste de se couper une mèche de cheveux seraient-ils devenus une posture pour des politicien·nes européen·nes qui continuent à négocier avec le régime iranien aussitôt qu’une occasion se présente ?

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Que les choses soient claires, un régime qui est capable d’attaquer des écoles à l’arme chimique est capable de tout aussi bien à l’intérieur de ses frontières qu’à l’étranger, par des opérations terroristes dont le régime islamique iranien s’est montré capable à plusieurs reprises par le passé. Ce serait, faire preuve de beaucoup de naïveté que de penser que ce régime respecterait un accord nucléaire quel qu’il soit ou qu’il se priverait de prendre d’autres européens en otage à la première l’occasion.
Ne soyons pas dupes, la politique est souvent cynique et toujours pragmatique, mais aujourd’hui, ce sont de jeunes écolières iraniennes qui en paient le prix fort.
Lire aussi… l'article de Jean-Pierre Perrin à ce sujet
Ne pas oublier la pétition à signer