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Sepideh Farsi, Cinéaste

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Billet de blog 14 mai 2023

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Tous les jours sont comme ce dimanche de vote !

« Tous les jours sont comme ce dimanche de vote ! Erdogan dégage vraisemblablement. Mais je ne sais pas pour le parlement. Par contre, il est quasi impossible de produire des films en Turquie depuis le Covid. » m’écrit un autre ami producteur, qui a déjà coproduit un de mes films les plus difficiles, juste avant le Covid.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

« J’ai si peur d’une intervention militaire ou des parlementaires du camp d'Erdogan… s’il reste, s’en est fini de toutes les restantes de nos libertés… et je n’attends pas grand-chose de la coalition actuelle. Je veux vraiment que les kurdes retournent au parlement et qu’ensemble avec les verts de gauche, ils/elles soient notre voix. » m’écrit une amie turque d’origine arménienne. Une survivante ! Difficile de croire aux kemalistes, et en général à la coalition. Mais a-t-on d'autres alternatives en Turquie que cette coalition, face à Erdogan après 20 ans de règne ?

À Athènes... Ambiance pré-électoral bouillonnante. Je fais une ballade dans Athènes et tombe sur une manif d’anarchistes au centre-ville. Les tracts jetés en l’air disent. Les policiers les escortent en moto, d'un air stoïque. Les manifestants ont des drapeaux noirs portés sur des bâtons en bois (effigie des anarchistes). Les flics grecs, rien du tout, carrément pas armés, les suivent comme des agneaux. Quand je pense aux dernières manifs parisiennes que j’ai vécu, j’hallucine ! C’est sans doute l’approche des élections grecques qui adoucir l’attitude des policiers grecs. Mais au-delà, quelque chose me frappe. Ils ont l’air beaucoup plus inoffensifs que les policiers français anti-émeutes.

Puis, je bifurque sur Avenue « Patition », et je tombe sur une affiche, demandant la libération d’Ochalan.

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Libérez Ocalan ! © Sepideh Farsi

Fin d’après-midi : un panel dans un lieu cohabitant avec un site archéologique, pour montrer certains de mes courts, lire des poèmes de poétesses iraniennes et parler de la ré(e)volution « Femme vie liberté » en Iran lors d’un festival d’art/littérature, organisé par des poétesses féministes grecques (Mauve Medusa). On discute liberté de port de voile. Le pourquoi des restrictions en France ? Ce qui se passe réellement en Iran. Audience en larme après la projection des « Filles d’Iran » de la révolution actuelle en Iran.

Une amie journaliste grecque, spécialiste de cinéma, m’invite à un pot avec d’autres réalisateurs dans un kiosque devant l’université. Le nom me fait penser à l’université de Téhéran, « Daneshgah Tehran » lieu de tous les débats. J’y fait un crochet et cela s’avère être un meeting politique avec des réalisateurs qui parlent du traitement du « politique au cinéma ». Je m’assois, et au fil de la discussion, je suis appelée à intervenir, présentée comme cinéaste greco-iranienne. Cela me fait sourire en pensant à l’appellation « cinéaste franco-iranienne » que je colporte depuis des années. Et tout cela est un peu vrai. Je suis iranienne. Devenue Franco-iranienne, puis Gréco-iranienne… pour les autres. Et pour moi : je suis une iranienne, citoyenne du monde. Et du coup, sommeil très agité en pensant au résultat des élections turques qui vont prendre fin d’ici peu. J'essaie d'être éloquente pour parler cinéma et politique, dans une langue que j'essaie encore de dompter. Et je finis par dire que les luttes convergent. Ce qui semble une évidence, mais qu'il faut sans cesse répéter.

Mon amie arménienne d’Istanbul m’écrit à l’instant : « Ça y est, j’ai voté. J’ai fait la queue pendant deux heures. Participation massive. » Et elle finit par dire : « Je ne viens plus à Cannes depuis 2018. »

Pas beaucoup de sommeil la nuit dernière, entre l’angoisse pour la Turquie et celle pour les élections grecques dimanche prochain.

Les grecs ont les yeux rivés vers la Turquie. Un retour de Erdogan serait non seulement pour les turcs, mais aussi pour les grecs. Toutes les tensions entre les deux pays sont encore là. A peine enfouies. Mais il y a aussi les "loups gris". Les Turcs jouent le tout pour le tout. Et je ne peux pas m'empêcher de penser à la vague verte en Iran en 2009.

Les iraniens regardent aussi avec beaucoup d’attention. Un recul de l’islam politique voudrait beaucoup dire symboliquement dans le pays voisin.

Et moi, j’essaie de gérer les territoires et les langues qui m'habitent.

A cet instant précis, dans beaucoup de villes européennes, dont Paris (15h-18h Place de la Bastille). Il y a des manifestations pour demander la libération de Toomaj Salehi, rappeur iranien emprisonné et torturé en Iran et qui risque la peine de mort.

J’ai été ravie d’apprendre la libération des deux otages français hier matin, mais ma joie est vite retombée en lisant l’extrait de com entre le ministre des affaires étrangères iranien avec son homologue français qui disait « Notre ligne rouge reste l’inscription des Gardiens de la Révolution sur la liste des organisations terroristes. »

Mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que cette libération cache comme concession côté français.

Voici ce que disait l’un des tracts jeté en l’air par les manifestants grecs « C’est la peur qui maintient l’ordre. »

Illustration 3
La peur maintient l'ordre ! © Sepideh Farsi

La peur a changé de camp en Iran. Est-ce qu’on peut en déduire que « l’ordre » va changer de camp aussi ?

Affaire à suivre attentivement…

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