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Billet de blog 28 août 2022

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Il pleut sur Athènes…

Athènes en a gros sur le cœur et se prépare pour un rude hiver à venir.

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J’ai rarement vu l’aéroport Venizelos si plein qu'en cette fin août 2022. Depuis le mois de juin, les panneaux de signalisation ont tellement changé que je mets un temps avant de retrouver la sortie. C’est déroutant. Beaucoup trop de monde. Mais je me dis que le tourisme aura peut-être apporté un peu de baume au cœur de l’économie exsangue du pays. Mais non, me dit le chauffeur de taxi qui m’emmène vers la ville, j’arrive à peine à joindre les deux bouts, tant les les prix ont grimpé depuis le début de la guerre en Ukraine. Et il n'est pas le seul à le dire. Tous mes amis le confirment.

Le ciel est lourd à Athènes ces jours-ci. Il tombe des cordes sur l’Attique. Le niveau d'eau monte en l’espace de quelques minutes et inonde le bitume qui n’a pas l’habitude de voir couler autant d’eau d'un coup. Le soleil ardent, valeur sûre à Athènes au mois d’août, n’en est plus une. La ville devient méconnaissable sous la pluie. On se croirait à Bombay en plein mousson.

Il pleut des cordes sur Exarchia, à deux pas de l’école Polytechnique, lieu symbolique pour la culture de résistance en Grèce. Au fil des ans, Exarchia était devenu une espèce de ZAD où les policiers n’osaient pas mettre les pieds, depuis le meurtre du jeune Alexandros Grigoropoulos par un policier en 2008. Le quartier était et est encore un haut lieu des anarchistes, mais pas seulement cela… Exarchia (ou "Les Exarchias" car en grec le nom se met au pluriel) est aussi un repère d’altermondialistes, abrite des projets collectifs en tout genre et a aussi été un point de chute pour les migrants par moments. C’est peut-être tout cela qui déplaît et que les autorités tentent de défaire. Convoité depuis longtemps par la municipalité et les promoteurs immobiliers, Exarchia a été peu à peu cerné par la mairie d’Athènes, surtout depuis 2019 et l’arrivée de Kostas Bakoyannis à la mairie d’Athènes en même temps que son oncle, Kyriakos Mitsotakis à la chancellerie. Il y a eu d’abord le « nettoyage des squats » survenu en août 2020. Aujourd’hui, la mairie d’Athènes s’en est pris au cœur du quartier. Le square central a été totalement clôturé et mis sous cadenas début août, théoriquement pour commencer les travaux de la ligne de métro qui « doit » passer par là. Etonnant, le choix d’une si petite place pour une station de métro, alors que la ligne aurait pu passer par d’autres axes plus larges dans les environs à commencer par l’avenue Patission, près du musée archéologique ou la rue Tositsa, tous deux des axes bien plus larges, des choix plus logiques et plus aisé pour y effectuer des travaux. Mais pour le moment la mairie d’Athènes n’en démord pas malgré la résistance des riverains. La reprise des protestations est prévue pour la rentrée. Et je ne peux pas m’empêcher de penser ce qui arriva Place de la République après l’aventure Nuit Debout.

Illustration 1
Exarchia Square COLSED_2 © Sepideh Farsi

Il pleut des cordes sur la colline Strefi. La pluie lave le rocher pointu, dévale les escaliers qui mènent vers Kalidromiou avant de déboucher sur les hauteurs de la rue Benaki et couler vers le square. « Lofo Strefi » l’autre lieu symbolique du centre d’Athènes. Colline où grimpent les jeunes, les amants, les touristes, les migrants, un peu tout Athènes en fait, pour boire un coup, jouer de la guitare ou juste voir le soleil se coucher sur la ville. Aujourd’hui, « Lofo Strefi » est menacé d’être clôturée à son tour. La buvette qui la surplombait est déjà fermée. Le projet sous-jacent : nettoyage de la colline et du parc naturel qui l’orne et le « relookage » de tout cela grâce à des fonds privés. On se demande quel investisseur privé aurait intérêt à miser sur un rocher nu et quels seraient les revenus à générer ? Et on entend parler des billets d’entrée ou des restaurants chics à bâtir sur les hauteurs qui viendrait rentabiliser les dits fonds. Mais peut-on enchaîner une colline ? A-t-on le droit de monnayer un parc naturel ? Peut-on enlever aux citoyens le droit de voir le soleil se coucher sur leur cité ?  

Illustration 2
Lofo Strefi © Sepideh Farsi

Jeudi soir, Place Syntagma, nous étions quelques centaines à manifester devant l’assemblée, pour protester contre la mise sur écoute de journalistes et de figures d’opposition, dont Nikos Androulakis le leader du Pasok. Mais bizarrement ni Syriza, ni Pasok n’étaient présents. Seul « MeRA25 » formation de gauche extra parlementaire de Yanis Varoufakis avait répondu présent à l’appel. Kyriakos Mitsotakis se défend pour le moment, en brandissant des motifs de fond qu’il dit ne peut pas pouvoir révéler, même si la mise sur écoute, admet-il, est discutable comme moyen déployé.

Illustration 3
Manif Syntagma_Contre_Mise_sur_Ecoute © Sepideh Farsi

Le 20 août, l’Europe a mis fin à la surveillance économique de la Grèce au bout de 12 longues années, la Grèce ayant fini par rembourser une partie de ses dettes ! La crise grecque reste pourtant une réalité que les grecs vivent au quotidien. Et personne n’a oublié le rôle déterminant de l’Allemagne et de son ministre d’économie en date Wolfgang Shäuble, entre la Grèce et la Troïka.

A quelques jours d’intervalle, le gouvernement allemand met en place des mesures d’austérité sur la consommation d’énergie, pour faire face à la crise en cours. Une présentatrice de ERT Proto, radio publique grecque, relève le hasard calendaire. N’y voyez aucune pointe d’ironie, glisse-t-elle, je le dis en toute bienveillance, mais c’est tout de même extraordinaire que les théoriciens des mesures d’austérité qui ont paralysé la Grèce pendant tant d’années, soient contraints d’en appliquer à présent chez eux.

La trêve estivale à Exarchia a été de plus courte durée cette année, au lieu des deux à trois semaines de fermetures habituelles en août, la plupart des boutiques n’ont fermé à peine une semaine. Peut-être pour rattraper le temps perdu à cause des longs mois de confinement des deux années passées. Mais aussi pour payer les factures. Les prix de gaz et d’électricité (déjà plus chers que dans d’autres pays européens) ont explosé depuis le début du conflit ukrainien et beaucoup de grecs ont du mal à payer leurs factures d’énergies. A voir si le gouvernement tient sa promesse de soutenir les ménages modestes.

Athènes en a gros sur le cœur. La vieille cité se prépare pour un rude hiver à venir.

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