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Billet de blog 6 mars 2011

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LES HABITS NEUFS DE L’EMPEREUR OU LE SPIN REVISITÉ. 1. LA BURE DU PELERIN DU PRÉSIDENT

 

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LA RICHESSE MULTI-CULTURELLE DE LA FRANCE DÉNIÉE POUR ENCOURAGER LE CHOC FATAL DES CIVILISATIONS

Action ! Tournez ! Coupez ! Le cadrage estparfait ! Que le spectacle commence…Le 3 mars 2011, Nicolas Sarkozy, venu en pèlerincontrit et repenti à Puy-en-Velay, reçoit le bâton noueux des pèlerins deSaint-Jacques sur la voie de Compostelle. Il s’engage, comme il l’a fait auMont Saint Michel en 2007, sur le chemin voulu vertueux de sa campagneélectorale. Il s’émeut, en oublie ses signes de croix ostentatoires, ainsiqu’il l’a fait en repentance au sujet des Rroms au Vatican, ses Pater et ses Ave. L’identité n’est pasune pathologie, dit-il avec onction,patelin et bon enfant comme un moine capucin. La formule de Lévi-Strauss estheureuse, mais elle n’a aucun sens en ce lieu de haute spiritualité. C’estl’apothéose du langage dénaturé. Parole, parole, parole… non pour apaiser et unir, mais pour stigmatiser etdiviser au service du seul dieu qu’il connaisse et qu’il serve : lui-mêmeet son ambition démesurée. Sous le regard attendri et émerveillé du maire dePuy-en-Velay, Laurent Wauquiez, poupin et angélique, le président françaisdéroule son spin cyniqueet mensonger, avançant sur son chemin tortueux, passant de l’exposé brouillon,pensée brouillée par des théories fumeuses, à l’oxymore. Il joue avec aplomb etdélice l’un de ses rôles préférés, le pater familias de la nation, gardien de ses traditions autantque de sa sécurité. Identité nationale, diversité, entendons par là l’Islammenaçant, histoire, racines de la France… Encore des mots,toujours des mots, il s’en gargariseet se convainc lui-même. Dehors, la claque organisée par les bons soins du parti à grand renfortd’invitations est là pour l’encourager. Le cabotin se redresse, se rengorge,son but est atteint. Il est béni et encensé ; il part rasséréné. Le bonpeuple français sommé par l’exécutif est venu écouter sa parole évangélique etle faire réélire.

On ne sait s’il faut s’indigner de son inanité et enpleurer, ou bien pleurer de rire à l’infâme supercherie. Le malheur veut quequi veut faire l’ange fait la bête, ajustement vu Blaise Pascal, déclarant L’homme ni ange ni bête. Le président français souffre d’un complexeangélique et messianique depuis qu’il a joué en 1993 le rôle,contesté, du chevalier à la blanche armure dans le siège de l’école de Neuillyoù il était maire. La vertu lui appartient en seule et inaliénable qualité etlui donne le droit de pontifier et de donner avec arrogance des leçons à tous sans distinction, s’octroyant toujoursle beau rôle. La France, qu’il déclare à tous vents en danger de perdition, luiet lui seul peut la sauver.

Son bilan est loin d’être aussi vertueux. En 2007 ilavait déclaré qu’au lendemain de son élection, il partirait en retraite dans unmonastère afin de se préparer à son mandat. Faire ripaille entre copains auFouquet’s le soir de son élection ne l’a pas mené à l’austérité d’une cellulemonacale où méditer sur son futur destin et celui de la France, mais plutôt surun yacht de luxe où planifier de plantureux contrats avec ses réseaux d’influence.La République irréprochable qu’ilproclamait en ruptureavec celle de ses prédécesseurs s’est soldée par des affaires de corruptionrépétées sans précédent. La liste des ministres licenciés s’allonge de mois enmois et donne le triste spectacle d’un gouvernement si corrompu que lesintéressés eux-mêmes ne sont plus capables de discerner leur manque d’éthique.C’est un affligeant spectacle de voir des hommes et des femmes de valeur, leplus souvent intègres, réduits dans leur aveuglement au pouvoir qu’ils servent,à une politique d’intérêts personnels qui les mène à adopter sans scrupulesl’amoralité qui règne à la tête du gouvernement. L’un des spindoctors, Henri Guaino,plume du président, aussi présent àla mascarade du Puy-en-Velay, a récemment déclaré sur un plateau de télévision,opposant politique et diplomatie : La politique esttransgression. Il a sans douteoublié l’étymologie du terme : dans politique il y a polis, la cité, le peuple, ce qui est au service dupeuple pour le bienfait de la cité. Et la diplomatie est ce qui relie au peupleet permet l’exercice du pouvoir dans la cité, et avec d’autres peuples, parl’élite accréditée d’un diploma, dans une démocratie,par le pouvoir du peuple.

Le président semble ignorer les valeurs chrétiennes lesplus élémentaires, dont il se recommande en vue d’appâter son électorat. Ledevoir premier, second seulement à l’amour de Dieu, est le respect des autres dans l’amour du prochain et dansla charité. On prêche non avec des mots mais avec l’exemple. Si l’on déplore à tous vents laviolence et la délinquance, en cherchant des boucs émissaires chez les émigrés,au rang desquels sa famille a été, il faut d’abord faire son examen deconscience quand on est au gouvernail de la nation. L’agressivité envers lespersonnes en position d’infériorité et la violence verbale dont il fait preuve,qu’émulent ses ministres, conseillers et ambassadeurs, tel récemmentl’ambassadeur de France à Tunis, est inacceptable chez tout chef d’État moderneet démocratique.Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a été condamné pour injure raciale. La brutalité des mots et le harcèlement moral de l’humiliationdélibérée sont une incitation à la violence, dont il se protège tel un tyranderrière la loi de l’outrage. Luiseul et son gouvernement, ont le droit de stigmatiser les autres que l’onméprise, particulièrement la population des banlieues : voyous,racaille, dont on doit se débarrasserau Kärcher, qu’on insultegrossièrement comme indignes de respect : Casse toipôvr’ c.. quand ils vouscontredisent. Et de déclarer vouloir son adversaire, Dominique deVillepin : Pendu à un croc de boucher. La licence des mots va de pair avec celle desmœurs et des manières. L’exemple chrétien n’est certainement pas celui desdivorces tapageurs et répétés. Ni de mariage arrangé médiatique hollywoodienavec une libertine notoire, dont la douteuse réputation ne serait pas enquestion si elle n’était pas hissée par ce mariage au rang depremière dame de France. Ses valeursamorales, matérialistes et superficielles sont ainsi validées et se trouventérigées en exemple français. Nicolas Sarkozy nommé chanoine du Latéran,digresse sur la France, fille aînée de l’Église. Mais il bafoueet insulte les valeurs mêmes de cette Église en se faisant accompagner auVatican d’un comique plus célèbre pour sa grivoiserie rabelaisienne et sespaillardises que pour sa dévotion et sa piété. Et la parole de cette Églisedans le discours du Pape est moins importante au nouveau chanoine, que les SMSqu’il continue à envoyer, oublieux sinon de la solennité du lieu et del’occasion, mais encore de la plus élémentaire des courtoisies.

Faire le Bien autant que peut se faire, et traiter lesautres comme on voudrait qu’ils vous traitassent est commun à toutes lesreligions. Par la transcendance, les hommes de bonne volonté de tous pays et detoutes dénominations se rejoignent et s’unissent dans l’universel. Le zénith dela civilisation en Europe a toujours été atteint aux moments privilégiés, oùsous l’influence d’un homme de pouvoir éclairé, les trois grandes religionsmonothéistes ont uni leur savoir et leur révélation afin de travailler ensembleau bien de l’humanité dans une société ouverte à tous et tolérante. Ainsi il enfut à Cordoue, le Joyau du monde,au Xème siècle sous le règne du Caliphe Al-Hakam II. Dans cette ville, lieupropice à la connaissance, sont nés entre autres, Sénèque, le philosophestoïque romain, le philosophe et savant arabe, Averroes, le rabin et philosophe juif,Maimonides. Au sein de l’université, dans la bibliothèque du Calife, la plusgrande du monde civilisé de l’époque, savants et érudits en grec, latin, hébreuet arabe collaboraient au développement de la connaissance scientifique toutautant que spirituelle etartistique en traduisant d’antiques manuscrits. Ce nouveau savoir étaitdisséminé dans le reste de l’Europe par les moines mozarabes de l’Espagnechrétienne. Cette continuité d’une tradition intellectuelle qui remonte auxsources gréco-romaines de la civilisation européenne se retrouve au XIIèmesiècle à Cluny, La Lumière du Monde, où l’abbé Pierre le Vénérable fait traduire leCoran en latin et emploie dans son scriptorium des savants juifs et arabes afin de pouvoir entrerdans des joutes intellectuelles avec les théologiens des autres religionsplutôt que dans de sanglants combats aux Croisades. L’influence de Cordoue etde Cluny sur tous les arts et les sciences de Moyen Age ne sera égalée que parcelle de Florence à la Renaissance. Lorenzo de Medici y rassemblera des savantsjuifs, latins, arabes et byzantins capables de décrypter les anciens manuscritsqu’il collectionnait. L’éclat de sa cour savante et humaniste rayonnera danstoute l’Europe et y fera naître la modernité.

Le manque de culture de Nicolas Sarkozy et des membres deson gouvernement est d’autant plus navrant que Le Puy-en-Velay constitue l’unde ces hauts sites historiques et religieux, comme il s’en trouve tant sur laterre de France, témoignage de la richesse artistique et culturelle de lasymbiose entre l’Orient et l’Occident. Il suffit de lever les yeux sur lafaçade de la cathédrale de Notre Dame de l’Annonciation et d’admirerl’harmonieuse arcature polychrome mozarabe qui l’orne sur cinq étages, ainsique l’évidente influence de la Grande Mosquée de Cordoue dans l’espacearchitectural du cloître. À l’intérieur de la cathédrale est vénérée une ViergeNoire, reproduction d’une ancienne statue détruite à la Révolution, qui auraitété rapportée d’Égypte par St. Louis. Ce culte des Vierges Noires disséminéprincipalement dans le centre et le sud de la France, est souvent associé auculte d’Isis, la déesse égyptienne. Il est aussi possible qu’il ait étéfavorisé dans l’Europe du Moyen Age par l’arrivée des tribus gitanes qui seprésentèrent alors comme Egyptiens, d’oùleur nom. L’origineindienne des Gitans serait ainsi évoquée dans la vénération de la déesse Kalila Noire, dont Sara aux Saintes Maries de la Mer serait la descendante.

Par quelle ignorance et médiocrité d’esprit peut-onlorsqu’on parle de patrimoine national, réduire au nom de la modernité, cethéritage si uniquement riche et divers de la France à une désinformation aussidangereusement partisane ? Il faut y voir l’affligeant résultat d’une élite quise veut moderne en ignorant, aplatissant et réécrivant l’histoire pour la mieuxinstrumentaliser. Le Ministre de la Culture, Frédéric Mitterand, avouait lorsde l’inauguration d’une exposition sur la Bible à l’UNESCO, n’avoir jamaisouvert l’Ancien et le Nouveau Testament, mais avoir découvert la Bible dans lefilm de Cecil B. de Mille, Les Dix Commandements. La France du début du vingt-et-unième siècle vitdans le décor édulcoré et reconstitué du carton-pâte hollywoodien deDisneyland, l’endroit choisi par Nicolas Sarkozy pour présenter sa futureépouse aux Français. Le président français, l’enfant de latélé, adepte du glamour kitsch dumonde virtuel, ferait bien de se souvenir de la règle commerciale de WaltDisney : pour atteindre à un large public, il ne faut jamais mentionner lareligion.

Indignons nous de l’outrage qui est fait à la France, àson passé, à la richesse et à la diversité de son patrimoine humain, religieux,artistique et culturel. Indignons nous de la médiocrité de vision et de lapensée suicidaire qui lui est imposée par le présent gouvernement, alors mêmeque la France peut être un phare d’espoir comme elle l’a été dans le passé.Indignons nous, au lieu d’être abusée, divisée et déchirée par les déclarationsinflammatoires du spin de NicolasSarkozy et de sa clique, la France est dans l’unique position de pouvoir être ànouveau une terre bénie. Sa longuetradition philosophique la prédestine à être le creuset dans lequel les troisgrandes religions monothéistes, en s’alliant dans la collaboration et latolérance mutuelle de la laïcité, réalisent la transmutation et la métamorphosenécessaires à la naissance d’un nouvel humanisme afin d’assurer la survie de laplanète et de l’humanité.

MONIQUE RICCARDI-CUBITT

www.arcadiamundi.fr

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