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Billet de blog 9 août 2024

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À L’OUVERTURE DES JEUX OLYMPIQUES, PARIS VU COMME PARC À THÈMES

Les festivités de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 à Paris, si elles sont vues comme grandioses pour les effets spéciaux, ont offert au monde un portrait de la capitale et de la France tout en paillettes et artificialité, destiné au tourisme de masse, digne de Las Vegas et de Disneyland, mais indigne de la richesse culturelle d’un grand pays européen, et de la Ville Lumière.

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Les festivités de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 à Paris, si elles sont vues comme grandioses pour les effets spéciaux, ont offert au monde un portrait de la capitale et de la France tout en paillettes et artificialité, destiné au tourisme de masse, digne de Las Vegas et de Disneyland, mais indigne de la richesse culturelle d’un grand pays européen, et de la Ville Lumière.

Elles sont le reflet de la superficialité et médiocrité de pensée qui règnent à tous les niveaux du présent gouvernement et de la classe dirigeante, plus apte à la communication de choc de bas étage utilisant des poncifs et des formules creuses dans des images de celluloïd afin de racoler le client, plutôt que l’expression d’une réflexion approfondie sur la vraie valeur et les conséquences de leur parole, dans le plus grand contexte du bien du pays et de ses citoyens. Ainsi au lieu de créer une vision nouvelle, de renouveler la pensée créatrice, ce que la France a démontré tant de fois dans l’histoire, d’être à l’avant-garde d’un renouvellement de valeurs à l’occasion unique de célébrer la grandeur de la vision du Baron de Coubertin, fondateur des Jeux Olympiques modernes dans ‘ cette œuvre grandiose et bienfaisante : le rétablissement des Jeux Olympiques’ , telle définie au Premier Congrès Olympique à la Sorbonne le 25 novembre 1892 , fut préféré un spectacle de variétés aux images surfaites destiné au tourisme de masse, et aux adeptes des réseaux sociaux.

 Pourtant en ces temps de guerre en Ukraine, au Moyen Orient, l’idéal humaniste de Pierre de Coubertin, né de sa vision démocratique du sport au niveau scolaire inspiré du modèle anglais, et des Olympian Games ouverts à tous par William Penny Brookes créés en 1850 en Angleterre, aurait pu être mis en avant dans l’évocation d’une paix mondiale, l’un de ses buts avoués entre la Guerre Franco-Prussienne de 1870 et la Première Guerre Mondiale en 1914. Il était pédagogue, issu de la tradition Jésuite universelle, il voulait enseigner dans la plus pure tradition Grecque ‘Mens sana in corpore sano’, et quelle plus belle occasion de célébrer ces valeurs internationales que ces Jeux Olympiques à Paris où ils furent conçus ? Quelle plus belle occasion de transmettre au monde ce rappel humaniste européen, de lui transmettre cette mémoire, l’une de ses gloires, et de celles de la France ?  Ce qui aurait dû apparaître sous le titre des tableaux dédiés à Égalité et Fraternité, qui naturellement contient implicitement Diversité.  

‘Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement’ a dit Boileau, le fouillis d’idées mal interprétées, mal représentées, dans ce spectacle aux allures publicitaires, dénote un manque évident de rigueur, de savoir et d’imagination, tant dans le concept initial que dans la réalisation finale.  Il en a résulté un amalgame de messages explicites et implicites, lourdement exprimés, visant à flatter certains courants sociétaux contemporains, sans ne leur rien apporter de valeur. Trop de rose couleur de l’amour et du féminin, ici en surfait jusqu’à la nausée, trop de paillettes, de la Folie Bergère au Moulin Rouge, trop de féminin, des têtes flottantes de femmes dans la Seine (pourquoi ?) à celle tranchée (toute de rose illuminée) de Marie-Antoinette, aux statues dorées de femmes célèbres émergeant d’une urne. Trop d’allusions à la sexualité quelle qu’elle soit, aux différents groupes ethniques, sans rien dire de la diversité intrinsèque de la France qui aurait dû inclure dans cette célébration les diverses régions et villes de France où se dérouleront des épreuves : Lille, Marseille, Lyon, Nice, Bordeaux, Châteauroux, Tahiti.

 Il y fut préféré une vision urbaine de la société, centralisée à Paris, qui ne représente ni la diversité ni la majorité de la France, réduite à des lieux et des manifestations qui s’inscrivent dans un univers étroit et restreint qui, se targuant de diversité, fait preuve de discrimination. Ce n’est pas glorifier l’apport des femmes à la France que de sciemment occulter celui des hommes.

Illustration 1
Monglofière de la Flamme, Paris 2024

Cette magnifique image de la Montgolfière s’élevant enflammée au-dessus de la Place de la Concorde dans le ciel de Paris, aurait dû inclure un hommage à ses créateurs, les Frères Montgolfier, qui firent voler leur invention en 1783 à Versailles devant Louis XVI, dont le chiffre et la Fleur-de- Lys royale ornaient en or le ballon bleu. Ainsi que cet impressionnant cheval métallique flottant de l’Atelier Blam de Nantes, célèbre pour ses créations spectaculaires qui allient l’art à la technologie.  Les Frères Lumière, inventeurs et pionniers dans l’art de la photographie et du cinéma eurent droit à une mention, l’imagination et le savoir des producteurs se réduisant au septième art à travers Hollywood, triste réflexion du présent niveau intellectuel de la France.  

 Il sembla en effet qu’il y eut un désir concerté de minimiser la richesse patrimoniale française au profit d’une soi-disant Diversité, qui n’est qu’une facette de la réalité imposée par des desseins politiques racoleurs, qui n’ont en fait aucun désir d’unifier la société actuelle, mais qui appartiennent à une communication dévoyée. Unifier c’est créer des liens et des correspondances, non pas compartimenter. Ce tableau dit Festivité devant la Tour Eiffel, une interminable séquence de danse, où le commentateur déclare : ‘toutes les danses sont représentées’, se concentre sur des scènes de danses contemporaines, qui, si représentatives de milieux urbains particuliers, ne sont pas pour autant représentatives de la France entière. Les danses traditionnelles, celles de l’Auvergne (pourquoi ? ce choix n’est pas expliqué) ont droit à trois petits tours. Il eut fallu rendre hommage aux danses traditionnelles française, entre autres représenter les danses celtiques, dont le Festival Interceltique international annuel se déroule à Lorient en Bretagne, région natale de plusieurs milliardaires français qui semblent oublier leurs origines au profit d’une pensée et d’une vie globalisée, dont la seule valeur reconnue est l’argent, sa production, sa possession, son pouvoir et sa jouissance. À défaut de la philanthropie et du patriotisme, le matérialisme et le commerce eurent une place de choix dans la publicité sans complexe du groupe LVMH.

Pourtant la danse est une discipline dans laquelle la France s’est illustrée. Le ballet classique, né sous l’influence italienne des ballets de cour des Valois au Val de Loire, et de Louis XIV à Versailles, fit naître l’art du ballet romantique où brillent les femmes, la prima ballerina entourée du corps de ballet n’a été représenté que durant quelques minutes par un homme.  Marius Petipas, un Français, porta cette tradition d’excellence en Russie, où comme dans le monde entier, le vocabulaire du ballet est français, évoquant son origine tirée des danses traditionnelles : pas de bourrée, danse Auvergnate et du Centre de la France, pas de basque du Pays Basque, passe-pied de Bretagne. Il faut aussi mentionner la Sardane du pays Catalan issue de l’Antiquité grecque, une danse à la Lune qui se danse en ronde, ou la Farandole de Provence de la même origine, où les danseurs miment le mouvement du serpent.  Autant d’occasions de mettre en lumière la diversité et la richesse des traditions françaises, parmi lesquelles la musique et la danse des Tziganes, virtuoses de l’improvisation, appréciés depuis des siècles, ils participaient aux Fêtes de la Cour à Fontainebleau sous Louis XIV.

 Les références à la culture étaient du registre de Dan Brown dans le Medici code, un clin d’œil à la Joconde du maître italien au Louvre dans une ambiance de roman policier, suscita l’hystérie autour de l’évocation de la gastronomie, art bien français, décrit en des termes d’agapes antiques par un Dionysos peint en bleu (pourquoi cette couleur ?) adoptant la pose classique d’un dieu-fleuve, reposant sur une table au milieu de fruits. Tel est le pouvoir de suggestion de cette fiction dévoyée de Dan Brown, que certains ont voulu y voir une allusion à la célèbre Cène de Da Vinci.  Quant à l’évocation de la gloire des philosophes, écrivains et poètes français dans le magnifique intérieur historique de la Bibliothèque Nationale, il s’apparenta à un vulgaire site de rencontre inspiré de l’internet, autour de titres fictifs sur le sujet de L’Amour, qui aurait dû s’intituler Sexe à trois.

Illustration 2
Cheval métallique, Paris 2024

Si tout cela est d’une déplorable médiocrité de pensée dans ce déploiement de kitsch assumé où l’élégance qui a fait le renom mondial de la France n’y avait que peu de place, il y eut des moments de réelle grandeur tant dans la puissance de l’imaginaire que dans la réalisation. La vision de cette cavalière masquée chevauchant dans la nuit un destrier d’argent sur la Seine était magistrale, et restera gravée à jamais dans la mémoire des spectateurs, tout comme la montgolfière enflammée s’élevant dans le ciel noir de Paris, symbole de la Lumière qui est aussi Intelligence et Connaissance, et la silhouette fantomatique de ce mystérieux visiteur hantant comme un chat maraudeur les toits de Paris à la nuit, évoquant la face sombre et cachée de la capitale, des Mystères de Paris au Fantôme de l’Opéra. Là se retrouvaient tout à la fois la prouesse technique, la virtuosité et la dimension poétique qui touche l’âme et le cœur.  Cette chevauchée argentée dans l’obscurité était à la hauteur de la passion et du romanticisme de la Symphonie fantastique de Berlioz. Ce fut dans sa course effrénée un puissant symbole de l’Amour Passion, évoquant la tradition ancestrale de la Chevalerie et de l’Amour Courtois, plutôt que l’évocation inepte de la Bibliothèque Nationale, et celle plate, gratuite et inappropriée de Carmen chantant ‘L’Amour est enfant de Bohème’ sur un bateau longeant la Conciergerie, après l’apparition rose de Marie-Antoinette décapitée.   

Monique RICCARDI-CUBITT

9 août 2024

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